Camille Saint-Saëns (1835-1921)
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Camille Saint-Saëns publie plus de 435 textes à sujets musicaux dans la presse générale et spécialisée, française et étrangère ; compte non tenu des articles parfois fort éloignés du domaine musical, car il s’est aussi abondamment exprimé, sur des sujets aussi divers que l’étaient ses centres d’intérêts. Le tout forme un corpus d’écrits à la typologie variée, un ensemble foisonnant et hétérogène, disséminé dans plus d’une centaine de périodiques, au cours d’un demi-siècle de production (1872-1921) où alternent des périodes d’intense activité et de longs silences.
Saint-Saëns ne commence à s’exprimer dans la presse qu’après le changement de régime politique. Dès 1872, il tient, sous le pseudonyme de Phémius, la chronique musicale dans la Renaissance politique et littéraire, première revue créée à l’avènement de la Troisième République. Athée, libre-penseur de sensibilité républicaine, il est dans le même temps organiste à l’église de La Madeleine, et protégé de la Princesse Mathilde dont il fréquente le salon musical. Cette position paradoxale, ces protections proches du pouvoir impérial, ces liens avec le clergé et peut-être la crainte de perdre sa place d’organiste, sont parmi les raisons qui peuvent expliquer qu’il ne se soit pas manifesté plus tôt. Ses motivations laissent cependant perplexes, voire irritent, certains de ses contemporains qui s’interrogent sur ce besoin soudain de prendre la parole, alors qu’il est déjà un virtuose renommé et un compositeur dont la réputation ne fait que croître. Certains prétendent que n’arrivant pas à se faire jouer à l’Opéra, il cherche, par compensation, à répandre ses opinions dans la presse ; d’autres, pensent qu’un bon feuilleton lui permet de faire de la réclame à ses amis et à ses éditeurs, ou bien estiment qu’il est trop partisan pour juger des œuvres qui ne sont pas de son goût.
Saint-Saëns est rémunéré pour ses articles, mais cette activité de critique musicale ne constitue qu’une source négligeable de revenus ; ce sont ses cachets d’interprète et ses droits d’auteurs qui lui en assurent le principal. Cette indépendance financière lui autorise une liberté de parole et d’action dont il fait preuve tant dans le ton et les sujets abordés, que dans son attitude vis-à-vis des rédactions, dont il se sépare parfois avec fracas lorsqu’on veut le diriger dans un sens contraire à ses opinions.
La presse est un outil de propagande dont il a vite compris tout le parti qu’il peut en tirer. Les journaux lui permettent de diffuser des idées mûries depuis longtemps, et d’habituer ses lecteurs au fait que d’autres répertoires, d’autres genres que l’opéra-comique, l’opérette ou le grand opéra sont possibles, et accessibles. Au fil des pages, on voit ainsi se dégager de très nombreuses thématiques parmi lesquelles on relève : la reconnaissance envers les maîtres « anciens », dont il a, pour certains – Rameau et Gluck – beaucoup contribué à faire renaître ou à diffuser les œuvres ; sa vénération pour Bach, Haydn, Mozart, et Beethoven ; sa fidélité envers ceux qui, tels Charles Gounod, Hector Berlioz ou Franz Liszt, ont compté dans sa carrière ; son soutien envers la jeune École française et ses amis : Georges Bizet, Ernest Guiraud, Léo Delibes, Augusta Holmès ; son admiration pour des cantatrices telles Pauline Viardot ou Adelina Patti ; son antipathie pour César Franck ou Vincent d’Indy, et dans une certaine mesure Jules Massenet (l’homme et non son œuvre) ; son aversion pour des personnalités comme Richard Strauss ; son irritation envers les éditeurs qui « mutilent » les partitions, envers la « starisation » des chefs d’orchestre ; son mépris pour l’opérette qu’il déteste ; son intérêt pour l’organologie et pour les progrès de la facture instrumentale ; ou encore ses jugements sur les structures d’enseignement et de diffusion de la musique qui se reflètent par exemple dans des articles où il évoque les concours, le Prix de Rome, les festivals.
Saint-Saëns ne réserve pas ses articles aux seuls journaux musicaux à la diffusion plus ou moins confidentielle, mais s’efforce au contraire, avec un certain opportunisme, de collaborer avec les grands quotidiens, quelle que soit leur tendance politique, et d’écrire dans la presse la mieux distribuée, la plus lue. Sa parole facile, son indépendance, sa pugnacité et son goût pour la polémique avaient fait de lui le porte-parole d’une génération de musiciens qui lui ont bien volontiers concédé ce rôle. Il vise à l’efficacité, comme en témoigne ce billet, envoyé à Gaston Choisnel qui l’alerte sur la protection de ses textes : « Je ne vois pas la nécessité du copyright pour mes articles. Tant mieux si d’autres journaux les reproduisent, j’aurai plus de lecteurs, et cela ne m’empêchera pas de les réunir en volumes plus tard. » (Lettre à Gaston Choisnel, 4 mars 1911). La critique de concert est une porte d’entrée dans les journaux, mais c’est bien plutôt à un débat d’idées que le musicien invite ses lecteurs.
Dès ses premières années d’activités dans la presse, Saint-Saëns avait envisagé d’éditer une sélection d’articles sous forme de recueils. Huit volumes ont ainsi été publiés dont quatre ont été largement commentés à leur parution : Harmonie et mélodie (1885), Portraits et souvenirs (1900), École buissonnière (1913), Germanophilie (1916). Quatre autres volumes, au contenu moins polémique et plus éloigné de l’actualité musicale, ont été d’une diffusion plus confidentielle : Rimes familières (1890), Problèmes et Mystères (1894), Au Courant de la vie (1914), Divagations sérieuses (1922). Un autre recueil devait être édité sous le titre La Plume et la lyre, mais la disparition du musicien en 1921 en a empêché l’aboutissement.
Saint-Saëns écrit aussi des pièces de théâtre : Botriocéphale, La Crampe de l’écrivain, Le Roi Apépi, Gabriella di Vergy, Le Château de la Roche-Cardon, sans portée littéraire, conçues pour des fêtes données par ses élèves de l’École Niedermeyer ou bien comme de simples divertissements. À cela s’ajoute une très volumineuse correspondance (estimée à plus de 20.000 lettres) dont plusieurs corpus sont actuellement en cours de préparation pour l’édition.
Une nature « ombrageuse, passionnée, vibrante, d’une nervosité parfois excessive », (Augustin Filon, « Courrier littéraire », La Revue bleue, n° 21, 22 novembre 1890, p. 667), indépendante, qui tient à bien dire et à tout dire, avec une certaine intransigeance, tels sont les traits caractéristiques de la personnalité de Saint-Saëns. « De tempérament batailleur, dès qu’un sujet de discussion le tentait, il saisissait sa plume de polémiste et s’en servait rudement, furieusement, vaillamment, la maniant comme une épée redoutable et vengeresse. » (Alfred Bruneau, « Les funérailles de Saint-Saëns à Paris », Le Monde Musical, n° 23-24 décembre 1921, p. 377). Le style de Saint-Saëns se caractérise par sa concision, sa clarté, un sens certain de la formule, une rapidité et une fluidité du discours et des idées. « Sa vision était très nette. Son esprit si cultivé, si bien équilibré, mettait les choses en place et les clarifiait. Dans sa mémoire, images, idées, jugements se rangeaient sous des mots exacts, précis, et qui adhéraient à leur contenu comme de fidèles étiquettes. C’est pour cela qu’il écrivait fort bien. La netteté de son style, l’agrément et l’imprévu de plus d’une formule, ne sont pas sans rappeler à leur manière le nerveux pétillement de Voltaire épistolier. » (Adolphe Boschot, Maîtres d’hier et de jadis, Paris, Plon, 1944, p. 104).
Les articles de Saint-Saëns sont attendus et commentés. Ils comptent dans la vie musicale de son temps, d’où sans doute la volonté, tôt manifestée par l’auteur, d’en publier des sélections afin de les faire passer à la postérité. .
Marie-Gabrielle SORET
03/04/2018
Pour aller plus loin :
Camille Saint-Saëns, Ecrits sur la musique et les musiciens, 1870-1921, édition présentée et annotée par Marie-Gabrielle Soret, Paris, Editions Vrin, 2012, collection MusicologieS, 1160 p. Contient aussi la bibliographie complète des textes publiés par Saint-Saëns, sur la musique et d’autres sujets, avec leurs variantes et leurs reprises, (p. 1091-1125).
prénom | Camille |
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nom | Saint-Saëns |
année de naissance | 1835 |
année de décès | 1921 |
identique à | http://data.bnf.fr/13899342/camille_saint-saens/ |
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Traduction d'ouvrage Anglais : Outspoken Essays on Music