Le Roi Arthus : Drame lyrique en trois actes et six tableaux
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La genèse du seul opéra qu’Ernest Chausson ait achevé, Le Roi Arthus (créé en 1903), s’est étendue sur toute une décennie, du début de l’année 1886 à la fin de l’année 1895. Pendant toute cette période, Chausson a remanié en parallèle sa partition et son livret – y apportant souvent des modifications très importantes, comme en témoignent les nombreuses esquisses conservées principalement à la Bibliothèque nationale de France, au Harry Ransom Humanities Research Center (Austin, Texas) et dans les archives privées de la famille Chausson (Paris).
C’est à la suite de l’échec d’une œuvre lyrique antérieure demeurée inachevée, Hélène (1883-1886), d’après Leconte de Lisle, que Chausson a choisi de rédiger lui-même son livret. Dans une lettre de 1884 au compositeur Paul Poujaud, il tirait de cette difficile expérience le conseil qu’il a lui-même mis en application dans Le Roi Arthus : « Mon cher ami, ne faites jamais de musique sur des vers qui ne sont pas faits par vous spécialement pour cela » (Chausson, Écrits inédits, p. 173). Le choix du compositeur de se faire également librettiste le rapproche non seulement d’Hector Berlioz (qui a écrit la plupart de ses livrets), mais aussi du modèle wagnérien, qui domine – directement et indirectement – le réseau intertextuel dans lequel s’inscrit Le Roi Arthus.
Le sujet de l’opéra (qui met en scène l’amour interdit de la reine Genièvre, épouse du roi Arthus, et du fidèle chevalier Lancelot) est tiré des légendes arthuriennes, un matériau analogue aux mythes nordiques dont s’inspirait Richard Wagner dans ses propres drames lyriques. En outre, les éléments de récit retenus par Chausson évoquent fortement la trame dramatique de Tristan und Isolde ; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles la genèse du Roi Arthus a été si longue, le compositeur éprouvant de grandes difficultés à s’affranchir de l’influence de Wagner. Ce processus complexe est abondamment documenté dans la correspondance de Chausson, qui, en plus de commenter son travail de rédaction et de composition, envoyait régulièrement des ébauches de son livret à des amis compositeurs comme Poujaud ou Henri Duparc ; ce dernier a réagi par l’envoi, au début de l’année 1888, d’une longue lettre qui a eu un impact majeur sur la version finale du livret de Chausson (cette lettre est reproduite in extenso dans Benoit-Otis, 2012, p. 200- 221). Sur les conseils de Duparc, Chausson a en effet remanié profondément son livret pour en limiter le plus possible les ressemblances avec celui de Tristan ; transformant l’histoire d’amour de Genièvre et Lancelot (qui, de plus en plus fragile au fil des remaniements, n’est plus du tout tristanesque dans la version finale), il a ainsi accordé une importance croissante au personnage d’Arthus, présenté dans le livret définitif comme une sorte d’équivalent profane du Christ, symbole de justice, de paix et de pardon dont on ne trouve pas d’équivalent chez Wagner.
Malgré ces importantes modifications, le livret du Roi Arthus conserve des similitudes dramatiques non seulement avec Tristan und Isolde (dont le modèle demeure surtout présent dans le duo d’amour de l’acte I, tableau 2), mais aussi avec des opéras français s’inscrivant dans la mouvance wagnérienne, comme Gwendoline (1886), d’Emmanuel Chabrier (livret de Catulle Mendès), ou Fervaal (1897), de Vincent d’Indy (livret du compositeur). On y trouve par ailleurs des réminiscences du duo d’amour de Roméo et Juliette de Charles Gounod (livret de Jules Barbier et Michel Carré), ainsi que du conflit entre amour et devoir mis en scène dans Les Troyens de Berlioz.
Puisant à ces sources d’inspiration à la fois françaises et wagnériennes, le livret du Roi Arthus témoigne du soin extrême que Chausson a apporté à sa rédaction, puis à sa révision. Constitué d’une alternance de vers stricts et d’une prose au rythme intrinsèquement musical, le texte contient des passages d’une grande profondeur – en particulier dans les interventions d’Arthus, qui demeure la figure dominante de l’opéra.
Marie-Hélène BENOIT-OTIS
24/09/2021
Pour aller plus loin :
Benoit-Otis, Marie-Hélène. Ernest Chausson, Le Roi Arthus et l’opéra wagnérien en France, Francfort, Peter Lang, 2012.
Benoit-Otis, Marie-Hélène. « Un long parcours de “déwagnérisation” : Ernest Chausson et le livret du Roi Arthus », dans Michela Niccolai et Giuseppe Montemagno (éd.), Beyond the Stage: Musical Theatre and Performing Arts Between Fin de siècle and the Années folles, Bologne, Ut Orpheus, 2017, p. 171-194.
genre | Fiction (Livret) |
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langue | français |
compositeur | |
titre | Le Roi Arthus : Drame lyrique en trois actes et six tableaux |
éditeur | Choudens |
lieu d'édition | Paris |
date | 1903 |
page de début | 5 |
page de fin | 57 |