Richard Wagner (1813-1883)
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L’ampleur du phénomène Richard Wagner à partir de la seconde moitié du xixe siècle ne s’explique pas uniquement par la diffusion et le succès croissants de ses opéras : le compositeur s’est également fait connaître par des textes théoriques souvent farouchement polémiques, autour desquels se sont cristallisés d’innombrables débats, et qui ont largement conditionné la réception de sa production pour le théâtre musical.
En matière d’écrits, Wagner fut l’un des compositeurs les plus prolifiques de l’histoire de la musique occidentale et il se percevait lui-même à la fois comme un intellectuel, un poète et un musicien. Son rapport à la théorie et à la réflexion esthétique est toutefois marqué du sceau de l’ambiguïté. Il y a incontestablement une dimension faustienne dans l’attitude de cet artiste fasciné par la spéculation intellectuelle, pour qui il n’y a pas d’art qui ne soit hautement réflexif. En témoigne cet extrait d’une lettre adressée à Eduard Hanslick le 1er janvier 1847 : « Ne sous-estimez pas la force de la réflexion ; l’œuvre d’art produite inconsciemment appartient à des époques qui sont très éloignées de la nôtre : à l’apogée de la culture, l’œuvre d’art ne peut être produite autrement que de manière consciente » (« Schlagen Sie die Kraft der Reflexion nicht zu gering an; das bewußtlos produzirte Kunstwerk gehört Perioden an, die von der unseren fern ab liegen: das Kunstwerk der höchsten Bildungsperiode kann nicht anders als im Bewußtsein produzirt werden »). De ce point de vue, l’auteur du Ring s’inscrit pleinement dans une tradition intellectuelle germanique qui, depuis au moins la seconde moitié du XVIIIe siècle, considère que la culture allemande est venue sur le tard, et que le roman, le théâtre et l’opéra de langue allemande émanent d’une culture d’importation qui n’a pu être acclimatée dans l’espace germanique qu’au prix d’un patient travail réflexif : la création artistique est de ce fait indissociable de la pensée théorique.
Mais paradoxalement, l’art wagnérien cherche continuellement à donner le change en tentant de créer l’illusion du naturel. L’idée que l’entendement (Verstand) doit être neutralisé en tant qu’organe de perception esthétique au profit du sentiment (Gefühl) est au cœur de l’essai Opéra et Drame (Oper und Drama). Wagner complète cette idée en introduisant l’étonnante notion d’ « improvisation fixée » (À propos de la vocation de l’opéra / Über die Bestimmung der Oper, 1871) : tout en ayant été méticuleusement pensée et préparée jusque dans ses moindres détails, la représentation théâtrale doit donner l’illusion de la spontanéité la plus totale. Tout cela explique pourquoi les foisonnants essais théoriques du compositeur parlent si rarement de musique en termes techniques et se concentrent presque exclusivement sur des questions d’ordre esthétique, philosophique ou idéologique : Wagner préfère l’esthétique à la musicologie. De même que l’orchestre doit être rendu invisible dans la fosse de Bayreuth, l’aspect purement technique de la création doit être dissimulé : le compositeur y voit en effet un obstacle plus qu’un chemin d’accès à la compréhension de l’œuvre.
Il est néanmoins difficile, voire impossible, de construire une approche critique et informée de l’œuvre de Wagner si l’on ne tient pas compte de ses écrits, qu’il est toujours fructueux de mettre en regard des drames musicaux, même si c’est pour constater l’écart – parfois important – qui peut s’instaurer entre théorie et pratique artistique.
Le compositeur a, de son vivant, supervisé la publication d’une vaste anthologie en dix volumes de ses essais et textes littéraires sous le titre Gesammelte Schriften und Dichtungen (1871/1883). Cette anthologie a été plusieurs fois rééditée et enrichie jusqu’à la publication par Breitkopf & Härtel, entre 1911 et 1914, des Sämtliche Schriften und Dichtungen (Volksausgabe), qui comprennent 16 volumes et constituent à ce jour l’anthologie la plus complète, en attendant la publication de l’édition historique critique entreprise en 2013 par l’université de Würzburg (Richard Wagner – Schriften – Historisch-kritische Gesamtausgabe). On peut schématiquement distinguer quatre types de textes dus à la plume de Wagner : 1. la production littéraire au sens strict : livrets d’opéras, achevés ou non, ainsi que quelques textes de fiction et des poèmes ; 2. les essais théoriques, les critiques et les métatextes (préfaces) ; 3. la correspondance et, enfin, 4. les textes autobiographiques. Pour plus de détails sur la situation éditoriale des écrits de Wagner, on se reportera aux notices consacrées à chacun des grands textes.
- Production littéraire. Le compositeur est l’auteur des livrets de ses treize opéras, auxquels s’ajoutent quatorze livrets ou textes dramatiques inachevés. Il faut bien distinguer, pour les treize opéras mis en musique, la version du « poème » (c’est ainsi que Wagner qualifie ses textes dramatiques) figurant sur la partition de celle du livret imprimé, publié séparément : on relève de nombreuses variantes, notamment en ce qui concerne l’orthographe et les didascalies. Les anthologies allemandes reprennent généralement le texte du livret imprimé. Le livret de la partition est édité par Schott dans le cadre de la Wagner Gesamtausgabe (Mainz, Schott, 1970 sq.) et peut être également consulté dans la version proposée par Egon Voss aux éditions Reclam entre 1983 et 2005 (texte du livret avec les variantes de la partition). Il existe de très nombreuses adaptations des livrets dans diverses langues, qui procèdent de stratégies de traduction variées : livrets destinés au chant (Alfred Ernst), traductions « poétiques » (Victor Wilder), traductions plus littérales (dans la revue L’Avant-Scène Opéra). Seule la version française de Tannhäuser a été réalisée sous le contrôle du compositeur (en collaboration principalement avec Charles Nuitter), dont la maîtrise du français était par ailleurs très imparfaite.
Les livrets inachevés ou n’ayant pas été mis en musique ont été repris partiellement dans les Sämtliche Schriften und Dichtungen et bénéficient désormais d’une édition critique (Wagner Gesamtausgabe, Reihe B, Bd. 31, Mainz, Schott, 2005). Ils ont fait l’objet d’une édition en français, réalisée sous la responsabilité de Philippe Godefroid (Richard Wagner, les Opéras imaginaires, Paris, Librairie Séguier Archimbaud, 1989), mais qui pose quelques problèmes philologiques.
- Textes théoriques et essais. La production essayistique du compositeur comprend rien moins que 212 textes plus ou moins volumineux, qui vont de l’article commandé par une revue jusqu’à l’imposant essai esthétique systématique qu’est Opéra et Drame (la première édition comporte 641 pages). On peut distinguer schématiquement cinq grandes phases dans cette production : les premiers écrits (1834-1841), marqués par l’influence du romantisme et faisant l’apologie du chant italien ; les textes politiques de l’époque de la révolution (1848-1849) ; les fameux « écrits de Zurich » (1849-1851), consacrés à la réforme de l’opéra ; les essais esthétiques de la maturité, marqués par l’influence de Schopenhauer et par une réévaluation des rapports entre texte et musique (1870-1879) ; et enfin les derniers textes politiques et religieux (1865-1883), dans lesquels le compositeur laisse souvent libre cours à un chauvinisme anti-français et à un antisémitisme consternants. La seule traduction française de l’ensemble de ces essais a été réalisée sous la direction de Jacques-Gabriel Prod’homme entre 1907 et 1925 (treize volumes), elle est malheureusement entachée de nombreuses erreurs et approximations. En anglais, on peut se référer également à la traduction en huit volumes des œuvres en prose, publiée par William Ashton Ellis sous le titre Richard Wagner’s Prose Works (London, 1893-1899).
- Correspondance. L’édition des lettres de Wagner est un travail sans fin, dans la mesure où des documents inédits sont régulièrement retrouvés, ce qui rend difficile la publication sur support papier d’une édition monumentale absolument complète. Une telle entreprise a néanmoins été lancée en 1975 par le Deutscher Verlag für Musik, puis reprise par en 2001 par Breitkopf & Härtel. Procédant en toute logique de façon chronologique, le projet prévoit à terme la publication de 35 volumes. Le 25e volume (lettres de l’année 1873) est paru en 2017. Il n’existe pas de traduction française systématique de cette correspondance. A défaut, on se référera à quelques-unes des nombreuses anthologies parues à ce jour.
- Textes autobiographiques. Wagner a légué à la postérité trois témoignages autobiographiques d’importance inégale, dans lesquels il se livre souvent à un passionnant jeu de réécriture de l’histoire, convoquant à l’occasion ses grands modèles littéraires pour mieux idéaliser son propre parcours : Goethe, Hoffmann, Wackenroder... Le premier de ces documents est une brève Esquisse autobiographique (Autobiographische Skizze), qui couvre les années 1813 à 1843, le deuxième est un cahier de notes intitulé Le Carnet brun. Journal, 1865-1882 (Das braune Buch. Tagebuchaufzeichnungen 1865 bis 1882). Rassemblant des notes éparses, ce cahier est publié pour la première fois en 1975. Le troisième, le plus connu, est Ma Vie (Mein Leben), dont le récit se clôt sur l’évocation de l’année 1864. Rédigée entre 1865 et 1880, Ma Vie n’est publiée qu’en 1911 – pour la version « revue » par Cosima Wagner –, puis en 1963 – pour l’édition critique complète procurée par Martin Gregor-Dellin. On peut éventuellement lui adjoindre le Journal (1869-1883) de Cosima Wagner, dont on sait qu’il a été rédigé sous le contrôle et, pour une large part, sous la dictée du maître et dans lequel on découvre la suite des événements relatés dans Ma Vie.
Jean-François CANDONI
03/08/2018
prénom | Richard |
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nom | Wagner |
année de naissance | 1813 |
année de décès | 1883 |
identique à | http://data.bnf.fr/14029873/richard_wagner/ |
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Anthologie / Correspondance Richard Wagner (1813-1883) - Richard Wagner, Sämtliche Schriften und Dichtungen
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Traduction d'ouvrage Allemand : Zukunftsmusik