Les Grotesques de la musique
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Paru sept ans après les Soirées de l’orchestre, ce nouveau recueil fut sollicité par la Librairie nouvelle au début de l’année 1859. Berlioz venait alors de faire paraître une série d’anecdotes musicales dans La Chronique parisienne : dans cet esprit, il façonne un volume qu’il veut « amusant tout en disant quelque chose de cruellement sérieux » (CGV, 19 février 1859). Il tire de ses articles des années 1850 un ensemble de récits, de portraits et d’anecdotes qu’il extrait de leur contexte pour livrer une véritable galerie de caricatures. En écho aux Soirées de l’orchestre dédiées « À mes bons amis les artistes de l’orchestre de X***, ville civilisée », il adresse les Grotesques « À mes bons amis les artistes des chœurs de l’Opéra de Paris, ville barbare ». Entre un « Prologue » prenant la forme d’une lettre humoristique adressée aux choristes de l’Opéra et une ultime boutade qui se referme ironiquement sur la partition du Dies irae, « ce gai refrain si connu », le recueil prend la forme d’un ensemble décousu d’historiettes, de bons mots, d’anecdotes tournant parfois à l’aphorisme, interrompus par quatre Correspondances plus développées, parmi lesquelles on trouve le récit hilarant d’une cure thermale à Plombières et à Bade, et le compte rendu haut en couleurs de ses propres concerts à Marseille, Lyon et Lille.
Alors que dans À travers chants, Berlioz donnera toute sa place à la musique germanique, c’est ici à la vie musicale française qu’il s’attache principalement. Nourri de La Fontaine, de Molière ou de Boileau, qu’il aime parodier, il se fait le descendant des moralistes du Grand Siècle en proposant à ses contemporains une satire mordante de la vie musicale. Les « grotesques », ce sont d’abord tous ceux dont la musique a « détraqué le cerveau » (les maniaques et les monomanes, aveuglés par leur passion), mais aussi, plus généralement, les amateurs, les arrangeurs, les instrumentateurs, les batteurs de mesure, les mauvais traducteurs, et tous les musiciens calamiteux. Usant de toutes les armes de l’humour et de l’ironie, Berlioz égratigne la sottise du public, la surdité des chefs, les prétentions des chanteurs, le despotisme des directeurs, l’incompétence des critiques, la niaiserie des livrets, le mercantilisme de la vie parisienne, l’insignifiance des opéras-comiques s’envolant par nuées (« les moineaux »), la médiocrité de tous ceux qui cuisinent ou consomment l’infâme « pot-au-feu musical ».
Berlioz n’oublie pas de s’inclure dans cette galerie de grotesques : il lui arrive de se peindre comme un chef terrorisant les choristes, comme un critique menaçant les chanteurs, ou encore comme un prophète décliniste (dans ce morceau de bravoure intitulé « Lamentations de Jérémie ») ; mais la drôlerie de l’ensemble n’a d’égal que le spleen d’un compositeur dont l’idéal artistique se trouve aux antipodes des contingences musicales de son temps. Tandis que Les Troyens, tout juste achevés, ne parviennent à se faire jouer, c’est bien en écrivain que le nouveau membre de l’Institut trouve le succès, peu après L’Enfance du Christ et le Te Deum : Les Grotesques connaîtront plusieurs rééditions ainsi qu’une version allemande, livrée par Richard Pohl en 1864, que Berlioz jugera manquée – il faut dire que les multiples saillies du volume ne rendent pas la traduction aisée.
Emmanuel Reibel
28/02/2017
éditions numérisées |
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genre | Critique Musicale |
éditeur | Librairie nouvelle |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1859 |
nombre de pages | 320 |
langue originale | français |
traductions | |
compositeur | |
identique à | http://data.bnf.fr/15043872/hector_berlioz_les_grotesques_de_la_musique/ |