A travers chants
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À travers chants (1862) est l’ultime volet de la « trilogie », amorcée par Les Soirées de l’orchestre (1852) et poursuivie par Les Grotesques de la musique (1859), que Berlioz publie sous le Second Empire. Dans ce volume de 336 pages, il continue à réunir des morceaux choisis tirés de ses feuilletons journalistiques, auxquels il adjoint une partie de son Voyage musical en Allemagne et en Italie, mais cette fois-ci il prend le contre-pied des deux ouvrages précédents. Les Soirées de l’orchestre étaient marquées par un dispositif narratif original qui donnait la parole à des musiciens fictifs bavardant dans la fosse d’orchestre, pendant les représentations d’opéras médiocres, et Les Grotesques avaient privilégié de leur côté divers fragments, anecdotes et bouffonneries faisant la satire de la vie parisienne : À travers chants s’attache davantage aux monstres sacrés, essentiellement germaniques, que Berlioz révère. Si l’ouvrage est sous-titré « Études musicales, adorations, boutades et critiques », ce sont bien les « adorations » qui prédominent désormais. Les textes fragmentaires ont quasiment disparu au profit de grandes études sur des répertoires de prédilection.
Trois grands ensembles émergent : le premier est consacré à Beethoven (chacune des neuf symphonies, trios et sonates, ainsi que Fidélio), le deuxième se focalise sur Gluck (Orphée et Alceste), le troisième sur quelques autres génies, de Weber à Wagner en passant par Reber ou Heller. L’intention de Berlioz dépasse bel et bien le simple recueil d’articles de circonstance : le musicien manifeste le souci, à la fin de sa vie, de sanctuariser ce qu’il considère comme des chefs-d’œuvre et de les patrimonialiser symboliquement. Ce faisant, il apporte sa pierre à l’édifice de canonisation des symphonies de Beethoven, et lui-même se conçoit comme le prophète d’une musique quasi divinisée, dont les exécutions sonores s’apparentent à une forme de théophanie profane. Plus largement, au fil du recueil, Berlioz ne cesse de se battre pour l’intégrité des partitions, contre les chefs peu scrupuleux, contre les chanteurs narcissiques et les directeurs mercantiles.
À travers chants est publié quelques mois après le scandale parisien de Tannhäuser : si Berlioz partage avec Wagner une mystique de l’écoute et une révérence par rapport à Gluck, Beethoven et Weber, il conteste sa conception de la « musique de l’avenir », à laquelle il répond dans un chapitre très intéressant (« Concerts de Richard Wagner – La musique de l’avenir »). Par ailleurs, en ouvrant son volume avec la reprise d’un article très ancien, « Musique », qui part d’une définition polémique de l’art des sons, Berlioz donne une couleur théorique à cet ultime recueil de critiques. À travers chants semble ainsi constituer, à sa façon, une réponse personnelle aux théories wagnériennes, Berlioz y explicitant – sans jamais sacrifier au démon de la théorie, mais en prenant des exemples dans la musique de son temps – son propre idéal artistique.
Au temps de Berlioz, ce volume édité à 1500 exemplaires fut rapidement traduit en allemand (1864) et il connut en France huit rééditions successives de 1872 à 1927. Les articles sur Beethoven furent isolés et publiés chez Corrêa en 1941 sous le titre de Beethoven, sous la forme d’une monographie de compositeur à laquelle Berlioz n’avait pourtant jamais songée en tant que telle.
Emmanuel Reibel
08/11/2016
éditions numérisées | |
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genre | Critique Musicale |
éditeur | Michel Lévy frères |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1862 |
nombre de pages | 336 |
langue originale | français |
repris de | |
traductions | |
compositeur | |
identique à | http://data.bnf.fr/15043864/hector_berlioz_a_travers_chants/ |