Barraqué, Jean : Debussy (1962)

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Barraqué, Jean : Debussy (1962)

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Par cette « biographie commentée », agrémentée d’analyses d’œuvres majeures de Debussy, Jean Barraqué a souhaité davantage « dénoncer […] certaines erreurs devenues flagrantes » plutôt que « tracer de l’auteur de Pelléas un portrait incontestable » (p. 16). Écrit en 1962, l’ouvrage contenait tout de même quelques informations inexactes, imputables notamment à la biographie de Debussy de Victor Seroff, l’une des sources de Barraqué. C’est pourquoi l’édition la plus récente a été revue et mise à jour par François Lesure, qui a ajouté également des encadrés et des références bibliographiques actualisées. Selon le curateur, « l’ouvrage retrouve ainsi […] sa place comme l’une des monographies essentielles sur le musicien, moins informée que celles de Vallas, de Lockspeiser et de Dietschy mais plus axée sur les grandes lignes de force du parcours debussyste » (p. 8).

Après une courte introduction évoquant la réception de l’œuvre de Debussy, le livre aborde les principales étapes de la vie et de la carrière du compositeur : ses années d’apprentissage auprès de Mathilde Mauté de Fleurville et au Conservatoire de Paris, son séjour à la Villa Médicis à la suite de l’obtention du prix de Rome, les vicissitudes liées au mariage avec Lilly Texier, puis avec Emma Bardac, ses relations avec les personnalités de son époque (Ernest Chausson, Pierre Louÿs, Igor Stravinsky…), ses plus grandes réussites sur le plan musical, jusqu’à ses dernières années, qui préludent à une nouvelle esthétique. De nombreuses pages sont consacrées à l’analyse, à la contextualisation et à l’étude de la réception de certaines œuvres, comme Prélude à l’après-midi d’un faune, Pelléas et Mélisande, La Mer et Jeux. De plus, Barraqué remet souvent en question des lieux communs qui entourent l’œuvre de Debussy. Par exemple, il redimensionne l’influence du folklore et de la musique tziganes sur son œuvre (p. 53), il nie une quelconque influence de la musique de Satie sur celle de Debussy (p. 96), il critique le mythe d’un compositeur impressionniste (p. 136), soulignant au contraire sa singularité et sa clairvoyance. Si dans cette biographie Barraqué ne fait pas mystère de sa grande admiration pour Debussy, qu’il qualifie de « premier musicien “moderne” » (p. 232), il ne veut pas pour autant en donner une image édulcorée. Aussi déplore-t-il sa « xénophobie et [son] chauvinisme, toujours latents en lui » (p. 207), s’appuyant notamment sur l’extrait d’une lettre adressée à son éditeur Jacques Durand, datant du 18 août 1914.

L’ouvrage de Barraqué a rencontré un succès certain, comme en témoignent ses nombreuses traductions (allemand, espagnol, japonais…). Selon Gilles Tremblay, il aurait suscité l’admiration de Varèse, qui en fit la lecture en 1963. Laurent Feneyrou, dans son édition des Écrits de Barraqué, évoque quant à lui les déboires judiciaires qu’a rencontrés le livre. Le 15 juin 1971, Barraqué et les éditions du Seuil sont condamnés à verser une indemnité à l’héritier d’Erik Satie, car dans la version originale de l’ouvrage le compositeur était qualifié d’« analphabète musical accompli » « ayant trouvé dans ses relations avec Debussy une occasion inespérée de se faufiler dans les coulisses de l’histoire ». Si des propos aussi tranchés peuvent surprendre, cet épisode révèle à la fois l’impétueuse intransigeance de Barraqué et l’esprit qui présidait aux combats culturels de l’époque.

 

Pietro MILLI

17/10/2019

 

Table des matières

Introduction

Un jeune pianiste

Autour du jeune Debussy

L’apprentissage

Rome et la période bohème

Le premier chef-d’œuvre

Pelléas

La maturité

Jeux et la mort

Une nouvelle esthétique

Annexes

i18nlangfrench
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