Henri Collet (1885-1951)
Télécharger le PDF de la notice
Le catalogue des compositions musicales d’Henri Collet comporte près de 200 opus dont la grande majorité chante l’Espagne et la diversité de ses régions – avec une prédilection pour la Castille et ses chants populaires. La postérité n’a pourtant retenu que ses seules activités de critique musical et de musicographe, le compositeur écrivant notamment sur les musiques françaises et espagnoles, tant anciennes que modernes pour ces dernières. Quand il n’est pas complètement oublié, son nom se voit invariablement associé au Groupe des Six qu’il a en quelque sorte placé sous les feux des projecteurs en créant l’heureuse bannière publicitaire dans son fameux article du journal Comœdia du 16 janvier 1920, établissant une analogie avec les « Cinq Russes ». Si le numéro du 23 janvier 1920 est à nouveau consacré aux « Six Français », Collet annonce néanmoins la dissolution du groupe dès le numéro du 9 janvier 1922, tout juste deux ans après sa « création », dans un texte intitulé « Le Crépuscule des Six » (il reviendra encore sur cette aventure dans le n° du 16 janvier 1922 : « Étude en sixte », article qui a souvent été éludé par les historiens du Groupe des Six).
Les écrits de Collet sont particulièrement nombreux, comptant non seulement six monographies de nature musicologique, des articles de fond sur des thématiques musicales précises, des articles de critique musicale parus dans la presse, mais aussi des introductions de partitions, des traductions de l’espagnol au français, des ouvrages pédagogiques, des romans, ainsi qu’une riche correspondance.
Hispaniste de formation ayant effectué des études à l’Université de Bordeaux dans la première décennie du xxe siècle (licence, agrégation d’espagnol puis doctorat), c’est dans le cadre de son cursus académique qu’il se lance dans la carrière d’écrivain. Son mémoire inédit du « Diplôme d’études supérieures en langues vivantes » (juin 1908) porte sur La Valeur expressive de la musique religieuse espagnole au xvie siècle. Ses recherches dans les archives de la péninsule ibérique débouchent sur la publication de deux premiers articles scientifiques sur la musique ancienne espagnole : « Contribution à l’étude des Cantigas d’Alphonse le Savant (d’après les codices de l’Escurial) », en collaboration avec Luis Villalba, juin 1910 (Bulletin Hispanique, vol. XIII, no 3, juillet-septembre 1911, p. 270-290) et « Contribution à l’étude des théoriciens espagnols de la musique au xvie siècle » (L’Année musicale, 2e année, 1912, p. 1-63). Sa thèse de doctorat ès lettres, soutenue le 11 mars 1913 à la Faculté des lettres de l’Université de Paris, présente une étude approfondie sur Le Mysticisme musical espagnol au xvie siècle (Paris, Félix Alcan, 1913), la thèse complémentaire rédigée en espagnol se penchant quant à elle sur Un Tratado de canto de órgano (siglo xvi) manuscrito en la Biblioteca nacional de París. Edición y comentarios (Madrid, Librería Gutenberg de José Ruiz/Ruiz hermanos, sucesores, 1913). Sa monographie sur Victoria (Paris, Félix Alcan, 1914) consiste en une sorte de réécriture du dernier chapitre (chapitre IX) de sa thèse de doctorat, dans un style littéraire moins technique et beaucoup plus romancé, afin de s’adapter à un plus large public.
Les travaux sur la musique espagnole « moderne » représentent un deuxième volet de la production musicologique de Collet et sont, pour la plupart, pionniers en la matière, notamment dans le paysage de l’édition française. Ils sont inaugurés par deux copieux articles des plus significatifs : « La Musique espagnole moderne », paru en deux livraisons (Bulletin français de la S.I.M., IVe année, no 3, 15 mars 1908, p. 272-290, et IVe année, no 9, 15 septembre 1908, p. 951-989), et « Espagne. Le xixe siècle. Deuxième partie : la renaissance musicale », texte daté de « novembre 1919 » (Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire, sous la direction d’Albert Lavignac et de Lionel de La Laurencie, Paris, Delagrave, 1920, p. 2470-2484). Après son très succinct Albéniz et Granados (Paris, Félix Alcan, 1926), L’Essor de la musique espagnole au xxe siècle (Paris, Éditions Max Eschig, 1929) offre un panorama synthétique des courants, « écoles régionales », esthétiques, compositeurs et interprètes de la péninsule ibérique à la fin du xixe siècle et dans le premier quart du xxe. L’ouvrage a reçu le prix de l’Institut d’Études Hispaniques en 1929 et peut être mis directement en parallèle avec La Música contemporánea en España de son confrère espagnol Adolfo Salazar (Madrid, Ediciones La Nave, 1930), lui aussi primé par l’Institut.
À côté de ses articles et monographies dédiés à la musique espagnole, le compositeur écrit un livre sur Samson et Dalila de Saint-Saëns (Paris, Éditions Paul Mellottée, coll. « Les chefs-d’œuvre de la musique expliqués », 1922), un court texte consacré à « Saint-Saëns (1835-1921) » dans Les Musiciens célèbres, sous la direction de Jean Lacroix (Genève-Paris, Éditions d’art Lucien Mazenod, 1946, p. 258-259), ainsi qu’une douzaine de notices introductives aux partitions de poche des éditions Heugel (Berlioz : ouverture du Carnaval Romain et « trois pièces d’orchestre » de La Damnation de Faust ; Brahms : Symphonies nos 2 et 4 ; Liszt : Les Préludes ; Schumann : Symphonies nos 1, 3 et 4 ; Wagner : prélude des Maîtres-Chanteurs de Nuremberg, Siegfried Idyll, ouverture de Tannhäuser, prélude et mort d’Yseult de Tristan et Yseult [sic]).
Les activités de critique musical de Collet couvrent tout à la fois des concerts de musique contemporaine, espagnole et française, donnés en France (Paris, plus spécifiquement) et en Espagne, portent sur des œuvres particulières de compositeurs de part et d’autre des Pyrénées, dans des écrits rédigés tant en français qu’en langue espagnole, qui font du compositeur hispanisant un témoin privilégié de son temps entre les années 1907 et 1950 environ. Outre de nombreuses contributions – ponctuelles ou plus ou moins régulières – dans L’Année musicale, le Bulletin hispanique, Le Courrier des Arts et des Lettres, Le Courrier musical, L’Espagne, España y América, Europa, Gaceta musical, Le Guide du Concert, Hispania, Illusions, Les Langues modernes, Lyrica, Musicografía, Musique et Radio, Les Nouvelles musicales, Nuestro tiempo, L’Opinion, la Revista musical catalana, la Revista musical (de Bilbao), la Revue de l’Enseignement français hors de France, la Revue du Comité France-Espagne, la Revue musicale, etc., c’est principalement à trois revues qu’il donne ses articles de critique musicale parmi les plus réguliers et les plus significatifs : le Bulletin français de la S.I.M. – qui devient, dès le no 11 de novembre 1909, S.I.M. Revue musicale mensuelle – (1908-1911), Comœdia (rubrique « La Musique chez soi » – fondée par Louis Laloy en 1913 –, du 2 octobre 1919 au 11 septembre 1922 – feuilleton CXXXIII –, après un tout premier article indépendant « Ce qu’est l’Orfeo Catala », dans le no du 10 juin 1914) et Le Ménestrel (après de nombreux articles et chroniques depuis le 18 mars 1921, Collet devient le rédacteur « par intérim » – remplaçant Raoul Laparra – de la rubrique « Espagne » du « Mouvement musical à l’Étranger » du 20 avril 1928 au 6 décembre 1929, puis rédacteur « officiel » de cette même rubrique du 13 décembre 1929 au 22 mars 1940).
Au-delà de cette riche production musicographique et de critique musicale, il convient encore de signaler ses publications en relation directe avec ses activités professionnelles de professeur d’espagnol (à Paris, à l’école Lavoisier, puis au collège Chaptal, mais aussi à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, ou encore à H.E.C.) et de traducteur : Les Auteurs espagnols du programme, Brevet Supérieur 1914-1917 (Paris, Librairie Delagrave, 1914), la Méthode active de langue espagnole (Paris, Delagrave, 1920), les Œuvres choisies de Cervantès – dont il propose une traduction personnelle et une introduction (Paris, Armand Colin, 1920), ainsi qu’une traduction française, avec Maurice Perrin, du roman Dans la montagne (Peñas arriba) de José María de Pereda (Paris, Delagrave, 1918). Il a encore traduit en français plusieurs paroles d’œuvres vocales de compositeurs espagnols, notamment pour les éditeurs parisiens Max Eschig (Trois Chants basques du Père Donostia, Dos Canciones de Ernesto Halffter, Tres Cantigas de Alphonse X de Antonio Martínez Palacios, Dix Noëls espagnols et Vingt Chants populaires espagnols – en deux recueils pour ces derniers – de Joaquín Nin, De Castilla de Carlos Pedrell, Six Mélodies populaires espagnoles de Emiliana Zubeldia, etc.), Rouart et Lerolle (Trois Chansons de Joaquín Rodrigo) et E. Demets (Rima de Joaquín Turina). En 1929, il publie même un roman d’après un épisode du Don Quichotte de Cervantès, L’Île de Barataria (Paris, Albin Michel, 1929), qui obtient le Prix national de littérature de 1929.
Enfin, Henri Collet laisse de très nombreux écrits manuscrits et inédits dont une riche correspondance (de et à Collet), des mémoires (en deux tomes), des cours rédigés (notamment sur la musique « folklorique » et polyphonique savante espagnole dans le cadre de cours donnés à l’Institut Hispanique de Paris dans les années 1930), des romans (Un Chirurgien, Gazul ou la clef de Cordoue, La Lumière sur les tombeaux), un Catalogue des livres de la bibliothèque de Henri Collet, etc. La plupart de ces manuscrits appartiennent aux archives privées de la famille Clostre-Collet (Paris) et certaines lettres du compositeur sont conservées dans des fonds d’archives ou des bibliothèques comme l’Archivo Manuel de Falla (Grenade, Espagne), la Biblioteca de Catalunya (Barcelone, Espagne), ou encore aux Départements Musique, Opéra, et Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (Paris). J’ai édité, présenté et annoté un corpus ciblé de lettres de Collet à son futur beau-frère Georges Baudin dans les années 1907-1908, correspondance permettant de se faire une idée plus précise de sa vie d’étudiant en Espagne, alors plongé dans ses recherches doctorales (Henri Collet, un étudiant français en Espagne, lettres d’Henri Collet à Georges Baudin, choisies, présentées et annotées par Stéphan Etcharry, Montrem, Les Amis de la musique française, série « Correspondance », 2005).
Stéphan ETCHARRY
08/12/2019
Pour aller plus loin :
• Etcharry, Stéphan, « Cervantes y el Quijote en la obra pedagógica, literaria y musical de Henri Collet », dans Lolo, Begoña (dir.), Cervantes y el Quijote en la música. Estudios sobre la recepción de un mito, Madrid, Universidad Autónoma de Madrid, Ministerio de Educación y Ciencia, Centro de Estudios Cervantinos, 2007, p. 473-489.
• Etcharry, Stéphan, Henri Collet (1885-1951), compositeur : un itinéraire singulier dans l’hispanisme musical français (dir. Louis Jambou), Université Paris-Sorbonne, 2004 (exemplaire microfiché, Atelier National de Reproduction des Thèses, Université de Lille III, code : 1054.42528/04.
• Etcharry, Stéphan, « Henri Collet (1885-1951) et la musique basque », Musiker. Cuadernos de Música, no 14, Donostia (Saint-Sébastien), Eusko Ikaskuntza (Société d’Études Basques), 2005, p. 209-238.
• Etcharry, Stéphan, Henri Collet, un étudiant français en Espagne, lettres d’Henri Collet à Georges Baudin, choisies, présentées et annotées par Stéphan Etcharry, Montrem, Les Amis de la musique française, série « Correspondance », 2005, 41 p.
• Kraus, Beate, « Henri Collet et Comœdia. Le feuilleton musical dans une époque de bouleversements artistiques », Revue internationale de musique française, 10e année, no 29, juin 1989, p. 29-38.
• Llano, Samuel, Whose Spain? Negotiating “Spanish Music” in Paris, 1908-1929, Oxford (New York), Oxford University Press, 2013.
• Paolacci, Claire, Henri Collet témoin de son temps, mémoire de maîtrise en Histoire sous la direction de Pascal Ory, université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne, 2000.
• Streletski, Gérard, « Une année de Comœdia 1919-1920 », Revue internationale de musique française, 10e année, no 29, juin 1989, p. 7-18.
prénom | Henri |
---|---|
nom | Collet |
année de naissance | 1885 |
année de décès | 1951 |
identique à | http://data.bnf.fr/13950775/henri_collet/ |