Albéniz et Granados
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Albéniz et Granados est un ouvrage qu’Henri Collet (1885-1951) publie en 1926 aux éditions Félix Alcan dans la collection « Les Maîtres de la musique » dirigée par le musicographe et biographe français Jean Chantavoine (1877-1952).
Une nouvelle édition paraît à la même enseigne, quasiment identique à la première, en 1929. En 1948, la maison Plon propose une nouvelle publication de l’ouvrage de Collet dans la collection « Amour de la musique », reprenant en tous points l’édition Félix Alcan de 1929. L’auteur précise d’ailleurs dans l’avant-propos de cette édition (sans numéro de page) : « Nous n’avons pas eu, en vue de cette réimpression, à modifier nos jugements, ni même à compléter la bibliographie, la guerre civile d’Espagne et ses suites ayant arrêté beaucoup de travaux dont nous aurions dû sans cela tenir compte : tout se bornerait à quelques articles qui n’apportent rien d’essentiel et qu’il nous a paru dès lors inutile de relever. » La dernière édition en date, de 1982, n’est autre que le reprint de celle de Félix Alcan de 1929 dans la collection « Les Introuvables » aux Éditions d’aujourd’hui. Enfin, il convient de signaler une traduction espagnole de cet opus par Pedro Labrousse (Buenos Aires, Tor-SRL, 1943). Le succès du livre – dont témoignent ces nombreuses rééditions – est très probablement lié à l’absence d’autres ouvrages en français sur ces deux musiciens, avant la parution de la monographie de Gabriel Laplane sur Albéniz en 1956 (Genève, Éditions du Milieu du Monde).
Dans son introduction générale (p. 1-7), Collet se justifie d’avoir consacré cette double monographie à deux compositeurs souvent considérés – notamment par certains grands « maîtres » français, qu’il ne prend d’ailleurs pas la peine de nommer – comme de simples « improvisateurs espagnols » (p. 1) : « ils ont, eux aussi, créé un genre et exprimé un moment de la sensibilité nationale et universelle. Par-dessus tout, aux yeux du monde, ils représentent l’Espagne. » (p. 3) Et il précise un peu plus loin qu’il s’agit bien de « deux artistes représentatifs de la musique nationale espagnole » (p. 5) qui, en faisant pénétrer des traits stylistiques caractéristiques de la tradition populaire au sein de la musique savante, précèdent en quelque sorte les propres visées artistiques et esthétiques de Felipe Pedrell (1841-1922), l’un des pères emblématiques de cette prise de conscience identitaire et nationaliste dans la musique espagnole au tournant des xixe et xxe siècles. Toujours avide de croustillantes formules littéraires à l’emporte-pièce, regardant du côté de l’histoire de la musique russe, Collet conclut son introduction en affirmant qu’Albéniz et Granados « demeurent les Rimsky et Borodine de la Renaissance musicale espagnole. » (p. 6).
La première partie de l’ouvrage – de loin la plus importante (p. 9-177) – est consacrée à Isaac Albéniz (1860-1909), tandis que la seconde (p. 179-241) se concentre sur Enrique Granados (1867-1916). Chacune d’elles, absolument indépendante l’une de l’autre, adopte une structure binaire qui reprend le modèle éculé : 1. La vie, 2. L’œuvre. La majorité de la documentation biographique concernant Albéniz provient d’archives privées familiales (textes divers, biographies, articles de journaux et interviews) communiquées à Collet par Laura Albéniz y Moya, la fille du compositeur (voir p. 9). Elle se fonde également sur de nombreux faits divers rapportés directement par Laura, sans que jamais le musicographe ne prenne la peine de les interroger, de les remettre éventuellement en question et, surtout, d’en vérifier la source. On est ainsi bien plus proche du ton du conte que d’une démarche véritablement historique et scientifique, tant certains épisodes paraissent mystifiés, à la limite de la légende, comme, par exemple, celui-ci : « Lorsque la diligence qui l’emportait de Zamora à Toro fut cernée par les brigands dont nous avons parlé, Albéniz, en son costume de mousquetaire, et avec son petit paquet de hardes à la main s’en fut s’agenouiller vers le chef des bandits et lui dit gentiment : “Monsieur le brigand, je vous donne tout ce que j’ai, mais laissez-moi mon livre où j’ai mes recommandations d’évêques et de francs-maçons !” Le chef ayant dédaigneusement examiné le dit livre, le jeta à terre… Albéniz le ramassa, si heureux de ce sauvetage que, se retrouvant dans la diligence avec les voyageurs dévalisés et consternés, il fut pris d’un fou rire qui excita l’indignation de ces derniers. Et à tel point qu’il s’en fallut de peu qu’il ne fût lynché ! » (p. 17-18). Le musicographe, ici peu scrupuleux, s’appuie encore très souvent sur le petit opuscule hagiographique de 47 pages du journaliste Antonio Guerra y Alarcón paru en 1886 (Isaac Albéniz. Notas crítico-biográficas de tan eminente pianista, Madrid, Escuela Tipográfica del Hospicio) et qui consiste en une sorte de livret propagandiste inspiré par Albéniz lui-même pour son auto-promotion comme pianiste et compositeur à la cour madrilène. Collet prend encore pour argent comptant de simples confidences orales ou épistolaires de Carlos d’Avezac de Castéra ou du pianiste Francis Planté, sources que le compositeur-musicographe ne cite même pas dans sa très maigre bibliographie en fin de volume (p. 245). L’analyse de l’œuvre (p. 82-177), assortie d’exemples musicaux sur portées, passe notamment en revue Les chants d’Espagne et Iberia, en suivant la piste des racines du cante jondo et du flamenco mais aussi de la musique arabe, s’appuyant notamment sur l’étude de Rafael Mitjana « El orientalismo musical y la música árabe » [« L’Orientalisme musical et la musique arabe »] parue en espagnol en deux livraisons dans la Revista musical (de Bilbao) en 1909 (no 8, août 1909, p. 181-186 et no 9, septembre 1909, p. 209-212). Cantonnant Albéniz au clavier et soulignant la maladresse de sa pâte orchestrale, Collet pense que ses œuvres lyriques « Merlin, Henry Clifford ou Pepita Jimenez, ne sont que des orchestrations de musiques pensées au piano » (p. 88). Il classe ensuite son œuvre pianistique en « trois manières caractéristiques » (p. 88). Le « style “improvisation” du virtuose bohème » (p. 89) constitue, selon lui, la « première manière ». « Les Chants d’Espagne relèvent en partie seulement de la première manière du compositeur, mais pour une autre partie ils annoncent le deuxième style d’Albéniz, du bohème assagi et marié, dont l’âme devient plus profonde au contact de la vie de famille si longtemps désirée, et aussi de ces milieux parisiens plus exigeants que les espagnols, anglais ou américains » (p. 91). Enfin, la « troisième manière » est celle « de la maîtrise absolue » (p. 92).
Quant à l’étude réservée à Granados, elle s’avère des plus rapides puisque la vie du compositeur y est survolée en vingt-deux pages seulement (p. 179-200). Elle se nourrit principalement de l’ouvrage jugé « incomplet » (p. 180) de Guillermo de Boladeres Ibern (Enrique Granados: Recuerdos de su vida y estudio crítico de su obra por su antiguo discípulo, Barcelone, Editorial Arte y Letras, ca 1921), de l’article de Joaquín Nin « Evocaciones sobre Enrique Granados » paru dans la Revista musical hispano-americana, de mai 1916 (p. 2-5), de différents articles de la Revista musical catalana et de propos et témoignages recueillis auprès du fils du compositeur, Eduardo. L’œuvre de Granados (p. 201-241) est pour sa part envisagée selon quatre axes : A. « Les premières œuvres » (p. 205-208), B. « L’affirmation de la personnalité (p. 208-215), C. « La période romantique » (p. 215-227) et D. « L’appel de la terre » (p. 228-241). Là encore, Collet reproduit ou résume de copieux passages du livre de Boladeres.
Pour terminer son étude, Collet propose en fin d’ouvrage un très succint « Catalogue des œuvres d’Albéniz et Granados » (p. 243-244).
Stéphan ETCHARRY
10/04/2018
Pour aller plus loin :
• Albéniz y su tiempo, Madrid, Fundación Isaac Albéniz, 1990.
• Boladeres Ibern, Guillermo de, Enrique Granados: Recuerdos de su vida y estudio crítico de su obra por su antiguo discípulo, Barcelone, Editorial Arte y Letras, ca 1921.
• Clark, Walter A., Enrique Granados. Poet of the Piano, New York, Oxford University Press, 2005.
• Clark, Walter A., Isaac Albéniz: A Guide to Research, New York, Garland Publishing, 1998.
• Clark, Walter A., Isaac Albéniz. Portrait of a Romantic, New York, Oxford University Press, 1999.
• Collet, Henri, « Isaac Albéniz y Joaquin Malats », Revista Musical Catalana, 6/72 (déc. 1909), p. 377-379.
• Etcharry, Stéphan, Henri Collet (1885-1951), compositeur : un itinéraire singulier dans l’hispanisme musical français (dir. Louis Jambou), Université Paris-Sorbonne, 2004 (exemplaire microfiché, Atelier National de Reproduction des Thèses, Université de Lille III, code : 1054.42528/04, ISSN : 0294-1767).
• Guerra y Alarcón, Antonio, Isaac Albéniz. Notas crítico-biográficas de tan eminente pianista, Madrid, Escuela Tipográfica del Hospicio, 1886.
• Hess, Carol A., Enrique Granados : A Bio-Bibliography, Westport (Connecticut), Greenwwod Press, 1991.
• Iglesias, Antonio, Isaac Albéniz (su obra para piano), Madrid, Alpuerto, 1987, 2 vol.
• Laplane, Gabriel, Albéniz, sa vie, son œuvre, Genève, Éditions du Milieu du Monde, 1956.
• Nin, Joaquín, « Evocaciones sobre Enrique Granados », Revista musical hispano-americana, (mai 1916), p. 2-5.
• Raux Deledicque, Michel, Albéniz. Su vida inquieta y ardorosa, Buenos Aires, Peuser, 1950.
• Ruiz Albéniz, Víctor, Isaac Albéniz, Madrid, Comisaría General de la Música, 1948.
• Sagardía, Ángel, Isaac Albéniz, Plasencia (Cáceres), Editorial Sánchez Rodrigo, coll. « Hijos ilustres de España », no 15, 1951.
• Saint-Jean, J. « Isaac Albéniz (1860-1909) », Revue Française de Musique, 10/1 (1912), p. 3-16 et 79-83.
• Torres Mulas, Jacinto, Catálogo sistemático descriptivo de las obras musicales de Isaac Albéniz, Madrid, Instituo de bibliografía musical, 2001.
genre | AnalyseBiographie |
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éditeur | Félix Alcan |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1926 |
nombre de pages | 244 |
langue originale | français |
traductions | |
réédition d'ouvrage | |
compositeur | |
identique à | http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31959236t |