Victoria
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C’est à son retour définitif à Paris, à l’aube de la Première Guerre mondiale, qu’Henri Collet (1885-1951) publie son Victoria (Paris, Félix Alcan, coll. « Les Maîtres de la musique », 1914), fort de ses nombreuses recherches de doctorat dans les archives et bibliothèques de la péninsule ibérique entre 1907 et 1912 environ (il avait cependant déjà effectué des séjours linguistiques au collège des Maristes, à Vitoria, en Álava, dès les étés 1904 et 1905). Le dernier chapitre (chapitre IX, p. 380-476) de sa thèse de doctorat Le Mysticisme musical espagnol au xvie siècle (Paris, Félix Alcan, 1913), le plus copieux de tous, était déjà entièrement consacré à Tomás Luis de Victoria (1548-1611). C’est d’ailleurs à ce travail que renvoie Collet au début du récit de la vie du compositeur dans sa nouvelle monographie : « le lecteur trouvera une introduction historique à l’étude du musicien Victoria dans notre ouvrage : Le Mysticisme musical espagnol au xvie siècle[…] » (p. 11, note 1). Ainsi faut-il considérer son Victoria comme une sorte de prolongement et de développement de ce chapitre. L’édition de 1975 (Paris, Éditions d’Aujourd’hui, coll. « Les Introuvables ») n’est autre que la reproduction en fac-similé de l’édition originale Félix Alcan de 1914.
Les 213 pages de ce livre s’organisent en deux grandes parties à peu près équilibrées : la vie (p. 11-114) et l’œuvre (p. 115-194). Une brève introduction (p. 1-10), en de poétiques et lyriques propos, fixe un cadre à l’étude de « cet Espagnol du xvie siècle en qui s’incarnent les mysticismes arabe et celtibère, musulman et chrétien » (p. 1-2), qui « fut l’ami de Palestrina. Mais loin de pouvoir lui être comparé, notre Espagnol barbare s’écarte de l’Italien poli, comme un accent âpre et rauque du langage fluide et fleuri. Deux rivaux sont bien en présence qui n’ont en commun qu’un même amour de leur art et de leur religion. » Collet brosse, avec beaucoup de poésie, le portrait d’un « Victoria s’enveloppant, à Rome, de la cape castillane » (p. 2). Et le musicographe de s’étonner de l’indifférence des Espagnols pour l’un des plus grands musiciens de leur passé, aux côtés de Morales, Guerrero ou encore Comes : « Pourquoi ce livre est-il le premier qu’un historien lui consacre sans partage, et pourquoi faut-il que cet historien soit un étranger ? » (p. 2). À la fin de son introduction, Collet remercie les principales personnes qui l’ont aidé durant ses recherches et lui ont communiqué des documents afin de mener à bien son étude : « MM. Les professeurs Martinenche et Mérimée ; les bibliothécaires du Conservatoire Tiersot et Expert ; les érudits espagnols Pedrell, Otaño et Mitjana ; le curé d’Ávila Sr. D. Agustín Martín ; enfin [ses] amis Chavarri, de Valence, et Pujol, de l’Orfeo Catalan [sic] » (p. 10, note 2).
La première partie (« la vie ») est divisée en cinq chapitres : « I. En Avila » (p. 11-40), « II. À Rome » (p. 40-74), « III. Retour d’Italie » (p. 74-101), « IV. La mort » (p. 101-105) et « V. Hommages ultérieurs » (p. 105-114). Quant à la deuxième (« l’œuvre »), elle s’articule elle aussi en cinq sections : « I. Le style » (p. 115-125), « II. Le caractère mystique et l’évolution musicale » (p. 126-164), « III. Victoria et Palestrina » (p. 165-169), « IV. Concordance du texte et de la musique » (p. 169-182) et « V. Étude des formes » (p. 182-194). Enfin, à la conclusion (p. 195-200) qui clôt cet ouvrage sur cette « force humaine qui a Dieu pour objet et s’épuise à le vouloir atteindre » (p. 195) font suite trois courts « Appendices » (p. 201-204), un « Catalogue des œuvres de Victoria et des rééditions primitives » (p. 205-208) ainsi qu’une liste bibliographique des « Ouvrages à consulter » (p. 209-211).
À l’occasion de la sortie de son ouvrage, Collet fera paraître un article synthétique intitulé « Un Grand Musicien espagnol. Victoria » dans le journal hebdomadaire L’Espagne (2e année, no 47, 16 au 23 juillet 1914) tandis que le critique musical et homme de lettres Georges Jean-Aubry publiera un compte rendu critique des plus louangeurs de la monographie de son collègue dans la rubrique « Amérique latine, Espagne et Portugal » de L’Éclair du jeudi 23 juillet 1914, concluant ainsi son article : « Henry [sic] Collet a parlé de Victoria, comme il convenait, dans un style éloquent, émouvant et ému : c’est un beau livre que le sien, et qui sert, avec noblesse, la Musique et l’Espagne ». En revanche, le livre sera très critiqué en Espagne, notamment par Felipe Pedrell (accusant Collet de lui avoir volé la plupart de ses propres idées – mais il faut cependant signaler que les deux hommes étaient déjà en mauvais termes depuis quelque temps) et par Rafael Mitjana (qui pense que son ouvrage n’a pas été assez préparé, qu’il manque grandement de sérieux et qu’il se rapproche davantage d’un roman sur Victoria).
Stéphan ETCHARRY
08/12/2019
Pour aller plus loin :
• Collet, Henri, « Un Grand Musicien espagnol. Victoria », L’Espagne, 2e année, no 47, 16 au 23 juillet 1914.
• Etcharry, Stéphan, Henri Collet (1885-1951), compositeur : un itinéraire singulier dans l’hispanisme musical français(dir. Louis Jambou), Université Paris-Sorbonne, 2004 (exemplaire microfiché, Atelier National de Reproduction des Thèses, Université de Lille III, code : 1054.42528/04).
• Jean-Aubry, Georges, « Le Génie musical de l’Espagne : “Victoria” », L’Éclair (« Journal de Paris, Quotidien, Politique, Littéraire, absolument indépendant ») 27e année, no 9370, jeudi 23 juillet 1914, [p. 4].
• Llano, Samuel, Whose Spain? Negotiating “Spanish Music” in Paris, 1908-1929, Oxford (New York), Oxford University Press, 2013.
• Mitjana, Rafael, « Acerca de algunos libros que tratan de música y músicos españoles », Ensayos de crítica musical, 2e série, Madrid, Sucesores de Hernando, 1922, p. 156-162.
• Mitjana, Rafael, « Collet, H. Le Mysticisme musical espagnol au xvie siècle », Revista de filología española, I, no 1, 1914, p. 334-340.
• Pardo Cayuela, Antonio A., Rafael Mitjana (1869-1921) : trayectoria de un musicólogo, compositor y diplomático regeneracionista, thèse de doctorat sous la direction de Emilio Ros-Fábregas, Barcelona, Universitat de Barcelona, 2013 [et tout particulièrement, vol. 1, p. 374-379 et p. 436-438].
• Pedrell, Felipe, Tomás Luis de Victoria, Abulense. Biografía, bibliografía, significado estético de todas sus obras de arte polifónico-religioso, Valencia, M. Villar, 1918.
• Ros-Fábregas, Emilio, « “Foreign” Music and Musicians in Sixteenth-Century Spain », dans Carreras, Juan José et García García, Bernardo (dir.), The Royal Chapel in the Time of the Habsburgs: Music and Court Ceremony in Early Modern Europe, édition anglaise de Tess Knighton, chapitre 7, Woodbridge, The Boydell Press, 2005, p. 65-84.
• Ros-Fábregas, Emilio, « Música y músicos “extranjeros” en la España del siglo XVI », dans Carreras, Juan José et García García, Bernardo (dir.), La Capilla Real de los Austrias: música y ritual de corte en la Europa moderna, Madrid, Fundación Carlos de Amberes, 2001, p. 103-129.
• Ros-Fábregas, Emilio, « Musicological Nationalism or How to Market Spanish Olive Oil », Newsletter of the International Hispanic Music Study Group, vol. 4, no 2 (Spring/Fall 1998), p. 6-15.
éditions numérisées | |
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genre | Biographie |
éditeur | F. Alcan |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1914 |
nombre de pages | 216 |
langue originale | français |
compositeur |