Paul Dukas (1865-1935)
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Les écrits de Paul Dukas sont essentiellement liés à ses fonctions de critique musical qui l'ont amené à publier plus de trois cent cinquante articles journalistiques. C’est à vingt-six ans que Dukas se tourne vers la critique pour des raisons pécuniaires. Il débute à la Revue hebdomadaire, une revue culturelle nouvellement fondée, dont le but affiché dès le premier numéro en mai 1892 est de « donner, dans son ensemble, la représentation la plus complète du mouvement intellectuel contemporain ». De 1892 à 1901, Dukas écrit plus de cent cinquante articles à La Revue hebdomadaire. Il travaille également pour la Gazette des beaux-arts de novembre 1894 à juin 1902 (huit articles), pour son supplément La Chronique des arts et de la curiosité du 1er décembre 1894 au 18 novembre 1905 (cent quatre-vingt-treize articles). Dukas cesse son activité critique en 1905 alors qu’il termine les esquisses d’Ariane et Barbe-Bleue. De 1904 à 1930, il répond à quelques enquêtes pour des journaux artistiques, littéraires ou musicaux. Puis en 1919, Dukas toujours absent de la critique, est relancé par Georges-Jean Aubry, directeur du Chesterian. Bien qu’il finisse par décliner la proposition, il y réfléchit sérieusement. Quelques années plus tard, il accepte cette fois de répondre ponctuellement aux sollicitations d’Henry Prunières pour La Revue Musicale (cinq articles de 1923 à 1932). Au même moment, il s’engage auprès du journal Le Quotidien, probablement pour des raisons financières. D'un caractère plutôt discret, Dukas n'a publié aucun ouvrage ni écrit autobiographique, l'intégralité de ses écrits publics se concentre donc dans son oeuvre critique, partiellement rassemblée par Gustave Samazeuilh en 1948 dans une anthologie intitulée Les Ecrits de Paul Dukas sur la musique. D'intéressants écrits théoriques et des analyses d'oeuvres, probablement destinés à ses cours de composition au Conservatoire (1928-1935), sont encore inédits, conservés dans des carnets manuscrits à la BnF. Sa correspondance éditée chez Actes Sud par Simon-Pierre Perret permet de cerner davantage la personnalité du compositeur.
L'effervescence de l'activité musicale de l’époque revit sous la plume de Dukas. Utilisant plusieurs formes d'articles (comptes-rendus de concerts, d'opéras, articles généraux, nécrologies, bibliographies), celui-ci décrit la diversité de la vie culturelle parisienne et confie ses préférences de compositeurs. Témoin des écoles, des courants, des influences qui se succèdent et s'opposent : wagnérisme, vérisme, naturalisme, debussysme, il participe aussi en tant que critique à la redécouverte de la musique ancienne, du plain-chant, Palestrina, Monteverdi. Il réhabilite les œuvres de Rameau, Gluck, Monsigny et Méhul. En leur consacrant de très régulières et élogieuses chroniques, Dukas encourage l'initiative de Charles Bordes et sa chorale des Chanteurs de Saint-Gervais puis de la Schola Cantorum qui œuvreront pour la musique ancienne. Observateur et acteur clairvoyant de la créativité de son époque, il promeut dès 1898 Pelléas et Mélisande auprès d'Albert Carré, directeur de l'Opéra-Comique. Quatre ans plus tard, son compte-rendu de l’œuvre commence par cette phrase magistrale : « Il vient d’arriver à M. Albert Carré, directeur de l’Opéra-Comique, une bien singulière aventure : il a joué un chef-d’œuvre. » Se questionnant sans cesse sur la place et le rôle de l'art dans la société, il consacre de nombreux articles sur la portée de la musique lui conférant une force philosophique universelle. Il se montre également soucieux de la situation des artistes ainsi que de leur environnement et s'emploie à décrypter et dépeindre les institutions, le Conservatoire, l'Académie Nationale de musique. Il observe et parfois remet en question les concours de musique, notamment le Prix de Rome, se désole du manque de salles parisiennes et de l'absence d'initiative audacieuse. Dukas est aussi attentif aux conditions de création, acoustique, mise en scène, décors et interprétation.
Ses proches, comme Magnard, louent son intégrité. Ce dernier écrit à Dukas en novembre 1904, qui vient de consacrer un article à sa 3e symphonie : « Merci. Je suis d’autant plus touché de vos éloges que je sais votre impartialité à l’égard des amis, ce qui est beau. » (Correspondance, éd. par C. Vlach, Paris : Klincksieck, 1997, p. 225.) Une intégrité que Dukas revendique lorsqu’il répond à Saint-Saëns après la parution de sa critique élogieuse des Barbares, en 1901 : « Soyez-bien persuadé que je ne suis lié envers aucune coterie, que je suis absolument seul et que, si je suis convaincu de la fragilité des théories d’art, du moins celles que je crois justes ne sont que le résultat de réflexions personnelles […]. » (Lettres de compositeurs à Camille Saint-Saëns, éd. par E. Jousse et Y. Gérard, Lyon : Symétrie : 2009, p. 159.)
La critique d’une œuvre est toujours pour Dukas l’occasion de couvrir un sujet plus vaste. Il replace chaque ouvrage dans son contexte musical, social et historique. C’est à travers un travail particulièrement érudit qu’il cherche à faciliter la compréhension de l’auditeur. Il tente ainsi de faire évoluer le public en diffusant et éclairant les idées musicales, en aidant les jeunes artistes qu’il juge doués à être reconnus. En 1936, Robert Brussel considère avec bienveillance les écrits de son ami : « Les dogmes étroits n’ont point de place. [Dukas] juge l’homme en soi, l’artiste en soi, l’œuvre en soi ; indépendamment de tout système préconçu, de toute position prise d’avance à l’égard des tendances, des genres, des méthodes ou des moyens. » (La Revue musicale, mai-juin 1936, p. 357.) Selon Maurice Emmanuel ces articles sont le reflet d’une pensée avisée et mesurée : « [Dukas] ne démolit pas, en quelques lignes, le produit d’un effort, même lorsqu’il laisse entendre que cet effort n’a pas abouti ». On reconnaît sa critique comme éclairée, constructive et intelligente, possédant « les plus hautes et les plus rares vertus […] ». (Le Monde musical, 31 juillet 1935, p. 224.)
Pauline RITAINE
19/12/2017
prénom | Paul |
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nom | Dukas |
année de naissance | 1865 |
année de décès | 1935 |
identique à | http://data.bnf.fr/13893486/paul_dukas/ |