Méthode pour apprendre à jouer de la contrebasse, de la quinte ou alto, et de la viole d'Orphée
Télécharger le PDF de la notice
METHODES/ pour apprendre à jouër de la Contre-Basse/ à 3. à 4, à 5 cordes, de la Quinte ou Alto et/ de la Viole d'Orphée, Nouvel Instrumt ajusté/ sur l'ancienne Viole ; utile au Concert/ pour accompagner la Voix et pr jouër des Sonates,/ avec des leçons et des Sonates/ pour ces trois Instrumens./ Par Mr CORRETTE/ Chevalier de l’Ordre de Christ
Date : 1773 (A.C., N°48, Lundi 29 Nov., p. 750). 46 p.
Ré-édition : en 1781.
Corrette est le seul auteur à avoir écrit une méthode pour la contrebasse en France au XVIIIe siècle, alors que l’instrument était utilisé à l’Opéra dès le début du siècle par Montéclair, pour des passages caractérisés (tempêtes, invocations). Ici Corrette ne s’adresse pas à des débutants : il n’est plus question de notions de solfège, supposées acquises. L’idée est de permettre à des personnes (principalement des Dames) déjà exercées de continuer à jouer en concert en tenant compte des nouvelles pratiques musicales en ce dernier quart du siècle.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, une fois encore Corrette prend plaisir à amuser son public. Un frontispice donne un dessin de Gravelot, gravé par Saint-Non, qui sera repris ans L’Essai sur la musique de Laborde (1780), où l’on voit un batteur de mesure qui trépigne, entouré de musiciens qui se pressent autour d’un pupitre. Il est suivi d’un quatrain :
Ce maître entré en fureur dans un Chœur Chromatique
Cris, Une, Deux, parlez, Majeur, Mineur, Doux, Fort ;
Mais quel charivari fait ta triste Musique
Crains que de Marcias tu n’ais le même sort.
L’allusion au chœur chromatique est bien sûr une charge contre Rameau, qui avait fait supprimer le trio des Parques dans Hippolyte et Aricie en 1733, plutôt que de l’entendre mal exécuté. La Préface explique pourquoi l’ouvrage s’intéresse aux trois instruments réunis dans cette méthode : la contrebasse, l’alto et la viole d’Orphée. La contrebasse est devenue indispensable dans les orchestres où « elle fait briller toutes les parties ». Les trois parties de remplissage (haute-contre, taille et quinte) habituelles dans les opéras de Lully, se jouent désormais sur l’alto. La Viole d‘Orphée est une invention de l’auteur : ce dernier propose de réutiliser les violes de gambe (désormais aux oubliettes, puisque détrônées par le violoncelle) en les aménageant pour le nouveau répertoire. La dernière page de la Préface raconte l’histoire d’un concert rocambolesque en Angleterre…
L’ouvrage comporte trois parties. Pour la contrebasse, Corrette préconise d’employer plutôt celle à 4 cordes, de préférence à celles qui ont 3 ou 5 cordes. Il insiste sur le fait que la contrebasse ne doit pas jouer toutes les notes d’une basse chiffrée, mais seulement « les principales notes de l’harmonie », comme le montrent les exercices et la sonate donnée en exemple. Pour l’alto, les conseils sont très succincts, et l’on trouve surtout des exercices pour alto solo, puis pour deux altos, suivis d’une sonate pour deux altos (Andante, Andante, Giga) et une autre pour alto et basse continue (Allegro, Aria, Minuetto). Corrette, en 1781, a publié une méthode (malheureusement perdue) uniquement pour l’Alto, qui devait sans doute en être un développement.
La Viole d’Orphée, ce nouvel instrument, est décrite avec précision. Elle possède 7 cordes accordées comme le violoncelle : ut, sol, ré, la, mi (en montant), avec une quinte supérieure. Les cordes la et mi sont doublées à l’unisson, comme les choeurs d’un luth. Autre nouveauté : les cordes sont métalliques (en laiton) et Corrette en précise le calibrage. Les frettes sont supprimées, et le chœur de mi évite d’avoir à démancher. Les références à la Méthode de violoncelle (1741) laissent entendre que l’instrument nouveau est conçu à l’intention de dames qui ne peuvent suivre l’évolution de la technique du violoncelle. La sonorité irisée et envoûtante d’un tel instrument est assez différente de celle du violoncelle. Corrette donne deux sonates pour viole d’Orphée avec basse continue.
Une reconstruction de la viole d’Orphée a été réalisée en 2001 par Marcello Ardizone, grâce aux recherches de Jean-Charles Léon. Philippe Foulon a enregistré sur cet instrument les six sonates des Délices de la solitude de Michel Corrette en 2004. Cette méthode de contrebasse, alto et viole d’Orphée montre une fois de plus que Corrette est un artiste curieux, inventif, digne de l’esprit du siècle des Lumières et à la recherche de sonorités nouvelles.
Yves JAFFRES
18/11/2019
genre | Méthode |
---|---|
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1773 |
nombre de pages | 46 |
langue originale | français |
compositeur |