L'Art de se perfectionner dans le violon
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L'ART/ de se perfectionner dans le violon,/où l'on donne à étudier des Leçons sur toutes les positions/ des quatre cordes du Violon et les différens coups d'archet./ Ces leçons où les doigts Sont marqués dans les endroits/ difficiles Sont tirées des Sonates et Concerto des meilleurs/ Auteurs Italiens et allemands etc. avec des préludes sur/ chaque Ton, des points d'orgues, des tours de force, des/ Menuets et Caprices avec des Variations et la Basse./ Cet Ouvrage fait la Suite de l'Ecole d'Orphée Méthode pour le Violon./
Date : 1782 (G.F., Vendredi 26 Avril, p. 168). (1783, selon Fétis ). 92 p.
Ce livre, écrit presque un demi-siècle après sa première méthode de violon (L’Ecole d’Orphée) en 1738, s’ouvre sur un frontispice (dessin de Duval et gravure de Hérisset) représentant dans un intérieur douillet, un violoniste, la partition posée sur une table, et le regard perdu dans ses rêves. On peut lire ces deux quatrains :
J’exerce dans ma solitude
Différens traits de ce concerto.
Qu’on est charmé de son étude
Quand le public nous dit Bravo.
Par une illusion nouvelle,
Non comme Icare audacieux
Sur la brillante chanterelle
Je vole jusque dans les cieux.
Cet ouvrage ne s’adresse plus à des débutants, mais à tout violoniste « déjà capable de jouer sa partie dans un concert ». Il se veut pourtant la suite de L’Ecole d’Orphée, qu’il ne manque pas de citer. Mais on comprend tout de suite que l’art du violon en France a profondément évolué. Il s’agit d’abord d’une méthode qui commence par expliquer les signes nouveaux que l’on trouve dans les partitions récentes. On y apprend, par exemple, que désormais, durant les points d’orgue, la basse se tait au lieu de tenir la dominante, comme autrefois (p. 5). Puis une série d’exercices (gammes, arpèges, octaves brisées, traits, doubles cordes, tierces, résolutions de quintes diminuées, batteries, etc. ) conduisent à des Préludes dans les tonalités les plus usitées.
Le livre devient alors un recueil de morceaux choisis, dont il donne seulement le nom de l’auteur. Ils sont destinés à tout violoniste désireux d’acquérir une excellente connaissance des passages de virtuosité (les « tours de force ») les plus célèbres. Par exemple pour les extraits des Quatre saisons de Vivaldi, il a choisi les passages les plus difficiles de chaque concerto pour lesquels il propose ses doigtés dans les moments les plus périlleux). Corrette fait preuve d’une connaissance approfondie du répertoire : il cite plus de trente auteurs, pour la plupart Italiens - même si on rencontre quelques allemands - classés par ordre alphabétique : d’Abaco (p. 12) à Zuccari (p. 58). Voilà de quoi acquérir la plus grande aisance technique.
Maintenant le virtuose peut jouer des thèmes avec variations : et, en bas de page, nous avons la basse chiffrée correspondante. On y trouve, entre autres, le fameux Hornpipe de Haendel qui lui servait pour engager les violonistes à l’Opéra de Londres, et plusieurs Caprices de Locatelli. Enfin Corrette livre une pièce pleine d’humour et de poésie de son cru, intitulée le Coucou, avec une dernière variation où le rossignol s’amuse à répondre à son compère. Le tout est couronné par un bouquet final très virtuose, avec des accords de trois sons.
La Table des Matières se termine par un avis qui fait preuve du tempérament facétieux de l’auteur : Ceux qui trouveront des leçons trop difficiles peuvent mettre sur le numéro de la page à la Loterie Royale, jusqu’à ce que la Leçon soit sçue : par ce moyen ils gagneront des deux côtés.
Prends au Temple de la Fortune
Numéros trois, neuf et vingt-sept
Par une chance peu commune
Tu gagneras Terne sec.
L’Art de se perfectionner est donc un ouvrage très impressionnant qui montre le haut niveau technique atteint en France ; et à soixante-quinze ans Corrette est un violoniste de haut rang, au fait de l’actualité musicale. Il est sûrement au contact avec les grands virtuoses français de l’époque : il suffirait de citer Guignon, Mondonville, Gaviniès, Lahoussaye, et tant d’autres qui feront la réputation de l’Ecole française de violon. On comprend qu’il lui était plus simple de citer des auteurs étrangers, pour ne pas marcher sur les plates-bandes de ses collègues… Un tel ouvrage prouve qu’il a contribué à l’excellence de la vie musicale à Paris dans le dernier quart du XVIIIe siècle.
Yves JAFFRES
18/11/2019
genre | Méthode |
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lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1782 |
nombre de pages | 92 |
langue originale | français |
compositeur |