Les Idées de M. Vincent d'Indy
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Saint-Saëns prend le prétexte de l’examen du Cours de composition musicale de Vincent d’Indy (dont seuls les deux premiers volumes avaient déjà parus, en 1903 et 1909) pour en faire une critique élargie et s’opposer à son confrère. Il commence la rédaction en septembre 1917 et pensait le faire paraître dans Le Ménestrel, mais il y renonce car le texte critique des éditions fautives publiées précisément par la maison Heugel, propriétaire du journal. Saint-Saëns le fait alors éditer sous la forme d’une brochure qui paraît en mars 1919 aux éditions Pierre Lafitte.
Au début des années 1870, le jeune Vincent d’Indy fréquente les « lundis » de Saint-Saëns, rue du Faubourg St-Honoré, où l’on croise les compositeurs et les interprètes les plus illustres et où se déchiffrent les partitions nouvelles. D’Indy est cependant trop lié à César Franck pour que Saint-Saëns lui conserve son estime, sans pour autant méconnaître son talent, et leurs relations se tendent à partir de 1878. Les manœuvres de « la bande noire » (les franckistes menés par d’Indy) pour évincer Saint-Saëns de la Société nationale de musique, dont il était l’un des fondateurs, consommèrent la rupture entre les deux hommes en 1886. D’autres querelles seront attisées pendant la guerre par les prises de position de d’Indy pour le maintien de la musique allemande au répertoire, alors que Saint-Saëns appartenait au camp de ceux qui refusaient de jouer le répertoire allemand contemporain ainsi que les œuvres de Wagner, incarnation de l’esprit germanique. Mais ce sont aussi la vision de l’art, les liens que fait d’Indy entre musique et religion et leur pénétration dans l’enseignement de la Schola cantorum qui irritent Saint-Saëns.
Dès l’introduction des Idées de M. Vincent d’Indy, l’on est fixé sur les motivations de l’auteur :
« Par son talent, son érudition, sa situation de fondateur d’une Ecole, M. Vincent d’Indy s’est acquis une grande autorité : ce qui sort de sa plume doit nécessairement avoir une puissante influence.
Sous l’empire de ces considérations, je me suis demandé s’il ne serait pas utile de signaler, fût-ce à mon détriment, celles de ses idées qui ne concordent pas avec les miennes dans son Cours de Composition Musicale. Ce n’est pas que j’aie la prétention d’être un oracle plus ou moins infaillible : de ce que les idées de M. d’Indy ne sont pas toujours les miennes, il ne s’ensuit pas qu’elles soient erronées. J’exposerai mes raisons : le lecteur jugera. »
Saint-Saëns est très attentif à la réception de sa brochure et aux commentaires qu’elle devrait susciter. Il espère qu’elle fera « quelque tapage dans le monde musical », mais craint cependant d’irriter son éditeur Jacques Durand, qui est également celui d’Indy. Saint-Saëns avait fait déposer un exemplaire à la Schola Cantorum, accompagné d’une lettre adressée à d’Indy (20 mars 1919). Il s’étonne du silence de d’Indy dont la réaction se fait attendre et ce n’est que le 29 avril que celui-ci écrira une longue lettre à Saint-Saëns, réfutant point par point son argumentaire avec références aux pages de la brochure. D’Indy précise qu’il fait une réponse personnelle à Saint-Saëns et qu’il n’est nullement dans ses intentions d’entamer avec lui une polémique par voie de presse. Saint-Saëns répond à son tour en reprenant soigneusement tous les points contestés. Cet échange de correspondance, destiné à rester privé, a néanmoins été publié, après la disparition des deux protagonistes, par Léon Vallas, en 1947. (Léon Vallas, « Une discussion Saint-Saëns et d’Indy », La Revue musicale, XXIII, n° 205, 02.1947, p. 79-87.). Leurs principaux points de désaccords consistent en l’assimilation de l’art à la foi religieuse – essentielle selon d’Indy et catégoriquement rejetée par Saint-Saëns – la question de l’émotion dans l’art musical des XVe et XVIe siècles, la définition du mot rythme, le rôle de l’anacrouse, des questions de tempi, d’articulations, la question de l’authenticité des sonates de Rust, et bien entendu l’appréciation de l’œuvre de César Franck.
Au-delà des critiques formulées à l’encontre des idées de d’Indy, on trouve donc dans cette publication les théories de Saint-Saëns lui-même, sur la création et l’interprétation, résumés des principes qu’il a toujours défendus.
La brochure de 49 pages a été tirée à 550 exemplaires dont 165 ont été envoyés en hommage ou service de presse ; le tirage était épuisé en mars 1920. Le texte sera traduit et publié sous la forme d’une série de cinq articles : "The Ideas of M. Vincent d’Indy", dans The Musical Times, entre mars et août 1920, dans une traduction de Fred Rothwell. Celui-ci aurait souhaité que Saint-Saëns écrive une préface, mais Saint-Saëns refuse et n’autorise la publication de la traduction qu’à la condition expresse que rien n’y soit ajouté, « fût-ce même pris dans mes propres œuvres ». Le texte sera repris dans Outspoken Essays on Music (Camille Saint-Saëns, Fred Rothwell, trad., London, Kegan Paul, Trench Trubner & Co LTD. New York, Ep. Dutton & Co, 1922, p. 1-51.)
Marie-Gabrielle SORET
28/01/2022
éditions numérisées | |
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genre | Essai |
éditeur | Pierre Lafitte |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1919 |
nombre de pages | 41 |
langue originale | français |
traductions | |
compositeur |