Emile
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Au Livre II (p. 149-151) de son grand ouvrage de pédagogie intitulé Émile ou de l’Éducation (1762), Jean-Jacques Rousseau a inséré ses considérations sur la théorie musicale et sur son enseignement. Ce fragment connu par les exégètes comme « La leçon de musique d’Émile » est important car il représente la clé d’interprétation des deux textes intitulés Projet concernant de nouveaux signes pour la musique (1742) et Dissertation sur la musique moderne (1743), tout en leur servant de complément.
« La leçon de musique d’Émile » trouve écho dans l’article « Solfège » du Dictionnaire de musique où Rousseau reprend avec une énergie accrue son énoncé sur la nomenclature des tonalités, la nature du mode et la fonction du degré mélodique. « La leçon de musique d’Émile » comporte trois sections divisées en sept paragraphes :
Section A : La constitution audio-phonatoire
- Le complexe audio-vocal
- Les variétés de l'expression vocale
- L’éducation de la voix
Section B : Principes de pédagogie musicale
- Lire ou ne pas lire la musique?
- Primauté de l'oreille sur l'œil
- Nécessité de la créativité musicale
Section C : La double articulation du solfège
- Solfier par transposition : syllabes mobiles et lettres fixes
Selon ce principe la séquence des syllabes [ut-re-mi, etc.] inventée par Guido d’Arezzo au XIe siècle se déplace en se rapportant au point d’ancrage de la tonalité, cette rangée des syllabes à entonner étant amovible alors que lettres, indiquant les clés, c’est-à-dire les locus fixes de la portée, deviennent l’expression de la touche instrumentale, de la désignation acoustique du son absolu.
À l’examen de « La leçon de musique d’Émile », on observe que plus rien ne subsiste de l’ancien discours de Rousseau sur la notation chiffrée. Seuls comptent : A) le rapport naturel de l’oreille à la voix ; B) la conception d’une bonne pédagogie musicale ; C) la présentation du double mécanisme de désignation des sons selon leur statut acoustique absolu et selon leur rôle relatif dans l’échelle tonale.
La solmisation mobile à double articulation (syllabes amovibles de Guido et lettres absolues fixes) découlant de la modernisation de Rousseau a servi de précepte au Movable Doh préconisé par les réformateurs de la pédagogie musicale anglaise, Sarah Glover (1786-1867) et John Curwen (1816-1880) au cours du XIXe siècle. S’inspirant de Glover/Curwen et se rapportant à Rousseau, Agnès Hundoegger (1859-1927) a développé en Allemagne une méthode similaire dite Tonika-Do. Enfin, la pédagogue américaine Justine Ward (1879-1975), au début du XXe siècle, répand dans le monde entier, dont le Japon et la Chine, ses manuels d’enseignement et d’apprentissage de la musique à l’école fondés sur le déchiffrage musical à double articulation décrit par Rousseau dans la « Leçon de musique d’Émile » (Cf. Dauphin, 2012). Ainsi, ces manières de déchiffrer la musique, en notation conventionnelle sur la portée ou en notation abrégée, hors la portée, héritières des théories de Rousseau, prévalent, en Asie, certes, mais encore dans la plupart des pays anglo-saxons d’Europe, d’Amérique, d’Océanie, ainsi qu’en Hongrie.
Claude DAUPHIN
10/03/2018
Pour aller plus loin :
Claude Dauphin, « Le devenir du système de notation musicale de Jean-Jacques Rousseau », dans Olivier Bara, Michael O’Dea et Pierre Saby, Rousseau en musique, coll. Orages, no 11, p. 79-98, Neuilly-sur-Seine, Atlande, 2012)
éditions numérisées | |
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genre | Fiction (Roman) |
éditeur | J. Néaulme |
lieu d'édition | La Haye |
années d'édition | 1762 |
langue originale | français |
compositeur |