Tristan Murail (1947)
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Tristan Murail, figure majeure du mouvement spectral français, a produit jusqu’à présent un nombre relativement important de textes sur la musique depuis 1980. Sa production littéraire est surtout concentrée sur la décennie 1980-1990, comme une sorte de pendant aux œuvres musicales de sa première période où il affirmait avec ses collègues de L’Itinéraire de nouvelles perspectives dans la création. Le compositeur expose effectivement très clairement sa poétique du son, ses idées sur la perception et ses techniques d’écriture dans quatre textes fondamentaux : « La révolution des sons complexes » et « Spectres et lutins », deux essais issus de conférences données dans le cadre des cours d’été de Darmstadt au début des années 1980, puis « Questions de cible » (1989) et « Écrire avec le live-electronic » (1991). Il s’agissait ici d’une réflexion sur sa pratique compositionnelle particulièrement féconde et riche d’enseignement pour cette époque, car très précise, illustrée par de nombreux exemples pris dans certaines œuvres représentatives (Mémoire-Érosion, 13 couleurs du soleil couchant, Gondwana, Désintégrations). Tristan Murail traitait de diverses questions et notions : le travail à partir du son, les spectres, les processus, l’intégration des sons complexes et du bruit, l’influence de l’électro-acoustique, les propriétés des « nouveaux matériaux », la modulation de fréquence, le temps et la durée, la relation entre l’œuvre musicale et la partition, l’intégration de l’électronique à l’écriture, etc.
Un texte plus récent, « En y repensant » (publication originale en anglais sous le titre « After-Thoughts », 2000), porte un regard rétrospectif sur l’évolution de la carrière du compositeur et revient sur certaines notions importantes (les processus, la forme, l’harmonie) tout en mentionnant quelques œuvres qui demeurent majeures à ses yeux, comme L’Esprit des dunes.
Marqué dans sa jeunesse par la personne et la musique de Giacinto Scelsi, le compositeur lui a consacré deux textes très précieux où il évoque la « rencontre » entre Scelsi et sa génération (en pensant particulièrement au collectif de L’Itinéraire), autour notamment de l’exploration du son.
Une autre partie des textes de Murail consiste en la transcription de conférences données lors de l’Académie du Centre Acanthes de Villeneuve-lès-Avignon en juillet 1992 : le propos était ici de s’adresser à de jeunes compositeurs et à sensibiliser l’auditoire à des questions-clé, tels : le son musical, le timbre, discours et langage musical, tempérament et micro-intervalles, le son comme modèle formel, etc. Partant de réflexions très précises sur Anahit de Giacinto Scelsi et de Mortuos Plango, Vivos Voco de Jonathan Harvey, Murail explique ensuite comment il a composé Gondwana, Désintégrations, Territoires de l’oubli et Allégories. Ces conférences très bien documentées étaient rythmées aussi par des réflexions générales sur certains points comme le rôle de la composition assistée par ordinateur, l’atome de musique, l’objet musical.
Enfin, la pensée et les principes compositionnels de Murail apparaissent d’une autre façon encore dans les notices d’œuvre et les nombreux entretiens qu’il a accordés à différents moments de sa vie : retenons ceux réalisés par Danielle Cohen-Lévinas (Les Cahiers de l’Ircam, 1 Composition et environnements informatiques, Ircam/Centre Pompidou, 1992), Eric Denut (Musiques actuelles, musique savante. Quelles interactions ?, Paris, L’Harmattan, 2001), Pierre Michel (Compositeurs d’aujourd’hui, Paris, Ircam/Centre Pompidou, 2002), Véronique Brindeau (« Le sentiment musical », Extrait d'accents, 2006) et récemment par Gaëtan Puaud (Tristan Murail. Des sons et des sentiments, Château-Gontier, Aedam Musicae, 2022) où l’on perçoit plus nettement qu’ailleurs les détails de la biographie du compositeur.
L’ensemble des essais du compositeur et des conférences transcrites repose sur les nouvelles réflexions des compositeurs de ce groupe de L’Itinéraire (donc parallèle, tout en étant complémentaire, aux écrits de Gérard Grisey) qui réagissait aux tendances post-sérielles sur les plans de la perception, de l’écriture et du son. Héritier en partie de Messiaen, Scelsi et de Ligeti du point de vue musical, Murail affirme à travers ses textes très clairs et d’une grande précision comme une sorte de manifeste du son poétique libéré des recherches combinatoires qu’il critiquait même chez son maître Messiaen ; contrairement à ceux de certains compositeurs théoriciens, tel Stockhausen, ses écrits ne relèvent pas d’une théorie qui se voudrait universelle, mais ses propos sont très instructifs par l’expérience propre de ses pratiques compositionnelles à différents stades. La volonté d’équilibre entre l’esprit de recherche, la nouveauté et le maintien d’un « discours musical cohérent et compréhensible » ressort très souvent de ces textes importants dans l’histoire musicale du XXe siècle.
Pierre MICHEL
22/10/2023
Pour aller plus loin
Thierry Alla, Tristan Murail – la couleur sonore, Paris, Michel De Maule, 2008.
Tristan Murail, textes réunis par Peter Szendy, Compositeurs d’aujourd’hui, Paris, Ircam/Centre Pompidou/L’Harmattan, 2002.
Tristan Murail. Modèles et artifices, textes réunis par Pierre Michel, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2004.
Tristan Murail, « OpenMusic in my life : (mon expérience et pratique de la CAO) », « Nature du bruit et bruits de la nature », conférences données aux étudiants du Cursus de l’Ircam le 28 février et le 1e mars 2018. Enregistrements accessibles à la Médiathèque de l’IRCAM.
Gaëtan Puaud, Tristan Murail. Des sons et des sentiments, Château-Gontier, Aedam Musicae, 2022.
prénom | Tristan |
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nom | Murail |
année de naissance | 1947 |
identique à | https://data.bnf.fr/search?term=Tristan+Murail |