Charles Gounod (1818-1893)
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Absorbé dans la lecture du Shakespeare de Victor Hugo, Gounod confiait à sa femme, le 24 juin 1864 : « La belle chose qu’un livre ! C’est l’expression la plus complète de la pensée humaine : un tableau ne peut pas toucher à tout, un poème non plus : une composition musicale non plus : l’éloquence même est obligée de se fixer sur un point ; mais le livre ! le livre est sphérique : c’est un argus ; il a des yeux partout. »
Les projets de livres vont apparaître de plus en plus fréquemment dans sa correspondance. Ainsi, le 14 novembre 1868, occupé à orchestrer le Ballet de Faust, il exprime sa hâte d’en finir pour se consacrer à son livre sur Les Lois de l’Art qui le passionne davantage. En juillet 1872, Gounod avait annoncé à sa femme l’ébauche d’un livre sur l’art, qui se muera en février 1873 en un accord pour adresser à une nouvelle revue bruxelloise, L'Art universel, une série de lettres intitulée De la Routine en matière d'art. « J’y passerai en revue la Routine dans le Public, dans les Auteurs, dans les Chanteurs, dans les Critiques, dans les Éditeurs, dans les Professeurs ; cet ensemble pourra former un volume plus tard » résumera Gounod. Seuls les quatre premiers paraîtront puis seront repris dans The Cosmopolitan, alternativement en français et en anglais. Les suivants, ébauchés, seront publiés (et peut-être complétés) par Georgina Weldon dans l’Autobiographie.
Le 8 mai 1874, il confie à son fils qu'il a rédigé l’introduction de son livre sur La Grâce dont il vient d’avoir la révélation : « C’est un ensemble d’idées et de vues sur la vie humaine en regard de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel. » En 1876, pour répondre à la publication, à Londres, d’une Autobiographie abusive, il commence la réaction des Mémoires d’un artiste qu’il laissera en suspens après l’évocation du succès de Faust.
Le 5 août 1881, il confie à Édith de Beaucourt son intention de se mettre à un livre, De l'Identité Substantielle de la Foi Catholique et de la Raison, resté inachevé comme les précédents. Puis son travail prend un tour nouveau : « Ce livre que j'ai commencé à écrire en prose, explique-t-il à sa femme, se change en poésie : ma pensée se rédige d'elle-même et comme invinciblement en vers. Or, voici ce qui en résulte ; c'est que cette substitution de la forme lyrique au langage ordinaire me permet de parler à l'émotion autant qu'à la raison, et de faire du même coup de l'art et de la philosophie. Un livre de ce genre est quelque chose d'absolument neuf et unique : je n'en connais pas un exemple. Mon travail porte, comme ensemble, Poèmes philosophiques : il en comprend plusieurs, tous reliés entre eux par la “loi universelle de la vie” ; la Politique, la Science, l'Art, la Raison, la Révélation, la Philosophie etc. » Ce livre devait être dédié à la mémoire du mathématicien métaphysicien Wronski.
En 1884, Gounod reprend ses Mémoires sous l’angle d’un hommage à sa mère mais ne dépasse pas l’année 1842… En décembre 1890, il annonce un ouvrage qui doit l'occuper : un commentaire sur un texte de l'Écriture sainte. Il travailla longuement aussi, en 1889-1891 à la traduction des sermons de saint Léon sur la Nativité qu'il espéra vainement voir publier avec une introduction de sa main.
La liste des écrits connus à ce jour, d'inégale importance, souvent inachevés, témoigne de la variété des sujets abordés car Gounod ne limitait pas à la musique le champ de ses investigations : outre des réflexions sur la religion, la morale ou la politique entrecroisées, on y trouve des fables (La Fourmi ; La Taupe et les Renards) un Proverbe en un acte en vers (La Paix dans le ménage), un conte moral (Le Vase et le Parfum)… Hors la Méthode de cor à pistons (1839 ?) où il servit de porte-plume à M. Rioux et le Choix de chorals de J. S. Bach annotés (1869), Gounod n’aura publié qu’un livre, Le Don Juan de Mozart (1890) et, outre les comptes rendus d’Henri VIII, de Proserpine et d’Ascanio de Saint-Saëns et quelques préfaces amicales (Les Vivantes ; Une idée fantastique ; Maman Jean) une douzaine d’articles dont les plus développés sont : Les Compositeurs chefs d’orchestre (1873), la Préface aux lettres inédites de Berlioz (1880), La Recherche de l’effet et l’Esprit de système (1884), les Considérations sur le théâtre contemporain (1886) et Mes souvenirs de pensionnaire à l’Académie de France à Rome publiés en anglais (1892).
Gounod se plaignait d'être accablé de lettres à répondre ; mais, à l'évidence, il aimait écrire et soignait sa correspondance sachant qu'à cette époque les lettres n'étaient pas seulement lues par leur destinataire mais faisaient le tour des proches (la médiathèque du Conservatoire de Paris en possède plusieurs milliers en photocopie). Lui-même aimait à en donner lecture avant de les envoyer. Il ne faisait pas pour autant (ou rarement) de la littérature ; on trouve bien des fleurs de rhétorique, des sermons édifiants, des formules de convenance selon l’attente de ses correspondants mais, même à une époque où il pouvait se douter que ses lettres seraient publiées un jour, il ne se souciait pas de poser au grand homme. Dans la grande tradition française, il avait le sens des formules : « Quelle horreur que cette épouvantable catastrophe de Batavia, 100 000 victimes !!!! Les volcans vont bien ! » (05/09/1883, à sa fille Jeanne), « La Princesse a une jolie voix, mais elle aurait besoin que quelqu’un mit du bois dans son poêle ; si tant est qu’elle ait un poêle ! » (de Milan, le 08/01/1878 à sa femme), le goût des postscriptums : « J'ai des clous au derrière, et ma muse oppressée/Ne rend point à mon gré le fond de ma pensée !…/Tu m'en excuseras, te disant qu'après tout/Lorsque le cul va mal, la tête est vite à bout ! » (mi-mai 1866 à Jules-Émile Alaux), le besoin de partager : « Des impression qu'on ne communique pas ont quelque chose de pénible comme une nourriture qui ne passe pas ; on sent qu'elles vous restent sur le cœur et qu'il leur manque l'union avec un autre que soi » (28/03/1863 à sa belle-mère Hortense Zimmermann) et l’art d’évoquer : « l'incomparable jeune figure de l'Hermaphrodite [à la Villa Borghèse], dont rien ne surpasse la voluptueuse élégance et le souple abandon. Le pied ! Le pied soulevé de la jambe supérieure ! Quelle grâce ! C'est immortellement beau. Cette figure entière est l'idéal du charme et de la séduction » (Carnet de voyage en Italie, 19/04/1862).
Gérard CONDÉ
08/09/2017
prénom | Charles |
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nom | Gounod |
année de naissance | 1818 |
année de décès | 1893 |
identique à | http://data.bnf.fr/13894638/charles_gounod/ |