Mémoires d'un artiste

À la différence de Berlioz qui, dans ses Mémoires, met en scène ses luttes, ses victoires et ses échecs, ses amours, ses orages et ses passions, Gounod est animé par le double souci de mettre en garde le lecteur contre les erreurs qu’il a commises et de manifester son admiration à l’égard de ceux qui l’ont formé : ses parents, ses maîtres, et les grands musiciens, peintres ou sculpteurs qu’il n’a connus qu’à travers leurs œuvres de génie. Le ton est donc plutôt édifiant : il faut en prendre son parti, pour deviner entre les lignes un tempérament tourmenté, « hyperromantique » selon Fanny Hensel, foncièrement indépendant, rebelle aux hiérarchies, ne reconnaissant à aucun homme le droit d’exercer son pouvoir sur un autre, le pape excepté parce qu’il ne tient sa légitimité que de Dieu. Le catholicisme de Gounod repose davantage sur un idéal de fraternité universelle que sur une profonde piété. C’est un refuge, un secours contre la dépression qui a ponctué certaines périodes de surmenage créatif. Le docteur Blanche l’accueillit plusieurs fois.

La rédaction des Mémoires, qui réagissait sans doute à la publication outre-Manche de l’Autobiographie et de nombreuses lettres, devait être aussi pour Gounod une façon de faire le point. On ignore pourtant à quelle date et dans quelles circonstances il l’a entreprise. Une allusion à l’ordination (en mai 1845) de Charles Gay, « prêtre aujourd’hui depuis trente ans », et l'âge attribué à Gaston de Beaucourt né le 7 juin 1833 (« 43 ans »), rend l’été 1876 probable, n’était, plus loin, la référence à son fils Jean, né le 8 juin 1856 « et qui a maintenant 21 ans accomplis », qui imposerait l’été 1877… Quoiqu’il en soit il y eut une interruption jusqu’à la publication, en juillet 1884, d’un article d’Arthur Pougin intitulé « Les Ascendants de M. Charles Gounod ». Heureux de retrouver des faits que sa mère lui avait appris, Gounod reprit la plume en changeant de perspective : « Mon travail sur ma chère mère m'intéresse beaucoup, confia-t-il à sa femme en ce sens que c'est la forme la plus douce à mon cœur sous laquelle je puisse refaire ce que j'avais destiné d'abord à être mes Mémoires ; elle y occupera une plus grande place. » Mais le récit s’interrompt dès décembre 1842. En sorte qu’à sa mort, Gounod n’avait rien mené à terme.

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éditions numérisées
genreAutobiographie (Mémoires)
éditeurCalmann Lévy
lieu d'éditionParis
années d'édition1896
nombre de pages361
langue originalefrançais
repris de
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