François Bayle (1932)
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François Bayle est l’un des compositeurs de musique acousmatique à avoir le plus écrit, aussi bien en lien avec ses propres compositions que de manière plus générale à propos de l’esthétique acousmatique et de la musique. On peut distinguer deux périodes d’écriture chez François Bayle, avec le tournant littéraire pris en 2009 par sa maison d’édition Magison.
Panorama
De 1966 (alors qu'il reprenait la direction du Groupe de Recherches Musicales) jusqu’aux années 2000, il a publié de nombreux articles dans des revues et ouvrages variés (notamment des actes de conférences) et a répondu à quelques entretiens. Ces écrits tournent autour de ses conceptions esthétiques et pragmatiques (voir infra), de la musique acousmatique, de la manière de la composer et de l’écouter (pour contribuer à son « écoutabilité »), des raisons pour lesquelles la musique acousmatique ne trouvait pas toujours son public de manière satisfaisante, mais aussi de la musique et de la composition en général, du rapport du compositeur à son matériau, des différences et des ponts entre musique instrumentale et acousmatique. Il a également pris occasionnellement la parole à propos d’autres compositeurs.
On dénombre ainsi au moins vingt-quatre articles et chapitres d’ouvrages, dont la moitié sont repris dans Musiques acousmatiques …propositions…positions… (1993), en sus duquel on peut trouver deux ouvrages (en 2003 et 2013) compilant les écrits liés à ses interventions à l'Université de Cologne (notes de programmes, interventions en marge de concerts) tout en intégrant de nouveaux écrits de lui et de commentateurs, permettant une meilleure visibilité de sa pensée à l’échelle mondiale grâce à des traductions en français, en anglais et/ou en allemand.
Depuis 2009, Magison a publié cinq ouvrages, chacun dédié à une de ses œuvres en particulier, avec des textes de compositeurs et musicologues, des textes de François Bayle lui-même, ainsi qu’un DVD comprenant des transcriptions analytiques de ses œuvres et d’autres fichiers multimédias. Depuis, ses écrits se sont plutôt concentrés sur ses propres œuvres, bien qu’il y voie un moyen de parler d’acousmatique et de musique en général.
Propos
Forme
Des citations ornent régulièrement le début des écrits de François Bayle, pour situer son propos poétiquement et esthétiquement – et sont parfois reprises en cours de route pour illustrer un point précis. Les articles sont relativement courts (moins de dix pages la plupart du temps) et clairement structurés selon les différents points abordés, parfois numérotés. Les propositions sont souvent faites par trois, équilibre qui plait à Bayle – probablement lié à son intérêt pour la tripartition sémiotique de Charles Sanders Peirce. En fin d’article, on trouve parfois des schémas et/ou des tableaux, très beaux et apparemment très fonctionnels, mais dont le contenu n’est généralement pas explicité dans l’article qu’ils accompagnent.
Contenu
Entre poésie et phénoménologie, entre métaphore et science, les écrits de Bayle sont bien ceux d’un artiste trouvant ses sources d’inspiration dans des domaines variés. Il cite régulièrement Gaston Bachelard pour son approche de la matière et des mots, Jacques Lacan avec la psychanalyse, Maurice Merleau-Ponty pour sa phénoménologie, mais aussi notamment René Thom et Alfred North Whitehead pour la théorie des catastrophes, la morphogénèse et les modèles dynamiques élémentaires. Malgré le grand respect qu’il marque pour le travail de Pierre Schaeffer, le vocabulaire typomorphologique n’apparait pas ou presque pas dans les écrits de François Bayle.
Plusieurs concepts reviennent systématiquement chez Bayle, accompagnés de leurs explications, que l’on retrouve pour beaucoup dans les différents glossaires clôturant les compilations d’écrits. L’ensemble des concepts présents dans les glossaires ne seront pas expliqués ici, on se concentrera sur les thématiques fortes et présentes de manière récurrente dans les écrits de Bayle.
- L’acousmatique est souvent introduite avec l’histoire des disciples de Pythagore, cachés derrière un rideau pendant les premières années de leur apprentissage, avant de pouvoir rejoindre le maître de l'autre côté du rideau. Ce concept peut alors non pas seulement inclure le détachement de la voix du maitre par rapport à sa source, mais aussi la constitution d'un nouvel objet de pensée à partir de cette voix seule. Pour Bayle, contrairement à la radio qui cherche à faire oublier l’absence de la source, la musique acousmatique profite intentionnellement de cette situation et l’exploite de manière artistique.
- Le son comme image, l’image-de-son (i-son), depuis la possibilité de fixation du son sur un support, autorisant les manipulations hors-temps sur le son et sa projection contrôlée dans l’espace, permettant de donner au son différents degrés d’abstraction par rapport au réel, liés aux différentes natures du signe chez Peirce. L’im-son relève donc de l’icône (qui ressemble à son référent réel), le di-son de l’indice (qui renvoie à son référent réel par contiguïté), le mé-son du symbole (qui renvoie à son référent réel par une relation plus générale, plus arbitraire, métaphorique).
- Le son vitesse-lumière, avec le passage par l’électricité, à la vitesse de la lumière, qui permet l’apparition de phénomènes et d’objets sans existence réelle, révélateurs pour Bayle de « formes-sources » et de « désirs latents » de l’imaginaire humain.
- La saillance et la prégnance, reprises à René Thom pour désigner le caractère remarquable d’une entité sonore locale (saillance), dont la répétition et le partage entre différents phénomènes permet d’en étendre l’intérêt à une échelle translocale (prégnance).
- La concrescence, reprise à Alfred North Whitehead pour désigner le potentiel et la réalisation des objets de l’expérience groupés, liés dans des flux. Peuvent alors apparaitre des figures individuelles constituées d’accidents à l’intérieur d’un système émergeant.
- L’Acousmonium, orchestre de haut-parleurs réparti autour d’un groupe de « solistes », comme moyen de mettre en évidence les saillances pour permettre aux prégnances d’émerger dans un espace de projection destiné au public, détaché du rapport individuel du compositeur au son dans le cadre du studio.
Lien avec l’œuvre musicale
Lire François Bayle permet de mieux comprendre, de mieux écouter sa musique – c’est d’ailleurs en partie son but : "Ainsi à côté de mon travail de composition, comme contribution à son ‘écoutabilité’ je voudrais soumettre cette autre face du matériau, ces morceaux d’un système d’idées, leur essai nécessairement fragmentaire, au fil des années souvent tenté, plus souvent suspendu" (op. cit., 1993, p. 18).
On peut alors commencer à écouter sa musique en termes d’images, de concrescences, de figures spatiales, d’intentionnalité et de signification. L’intérêt de ses écrits ne s’arrête pas à sa propre musique, mais celle-ci y trouve une place importante. Même les notes de programme éclairent non seulement les œuvres spécifiques auxquelles elles se rapportent, mais également le processus de création de François Bayle en général et son regard sur la musique acousmatique au-delà de sa propre production.
Nicolas Marty
20/03/2018
Pour aller plus loin
François Bayle – Portraits polychromes, Paris, Ina / TUM Michel de Maul, 2003/2007. [sur le site de l'Ina/GRM]
prénom | François |
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nom | Bayle |
année de naissance | 1932 |
identique à | http://www.francoisbayle.fr/http://www.magison.org/http://data.bnf.fr/fr/13891256/francois_bayle/ |
Publications (63)
63 résultats
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Chapitre d'ouvrage François Bayle (1932) - "Avertissement" - 2013
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Chapitre d'ouvrage François Bayle (1932) - "Contre-écoute" - 2010
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Chapitre d'ouvrage François Bayle (1932) - "...durant deux heures" - 2013