Charles Koechlin (1867-1950)
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Né dans une famille d’industriels d’origine alsacienne, Koechlin déploie une activité de théoricien de la musique d’une grande vitalité en parallèle de sa carrière de compositeur, et de pédagogue. Bien que musicien passionné, Koechlin s’était d’abord destiné à une carrière d’ingénieur voire d’astronome. Élève à l’école Monge puis à Polytechnique à partir de 1887, mais atteint de tuberculose, il avait dû interrompre ses études pour partir à Alger afin de recouvrer la santé. C’est le moment où son destin a basculé. Tout en finissant Polytechnique, il entame des études musicales approfondies dans les classes de Massenet et de Fauré au Conservatoire où il fait des rencontres déterminantes. Cette double formation explique sans doute en partie l’intense réflexion théorique à côté de l’importante activité compositionnelle de Koechlin.
Charles Koechlin est l’auteur d’ouvrages qui sont toujours d’actualité. On peut citer le monumental Traité de l’orchestration (rédigé entre 1939 et 1943, publié entre 1954 et 1959) d’une érudition peu commune. Parallèlement, Koechlin publie de très nombreux textes et donne des conférences en grand nombre. Sa vaste culture le mène à réfléchir aussi à des problématiques sociologiques telles que l’éducation musicale, le rôle de la radio, la musique au cinéma ou l’engagement politique des artistes. Il puise dans sa connaissance de la Grèce antique pour réfléchir à la démocratie dans le monde moderne. Inspiré par ses contemporains, il discute les idées de Romain Rolland tout comme celles de Tolstoï, Bergson ou Duhamel.
Le corpus des écrits de Charles Koechlin est donc considérable. Ce sont près de 150 articles de fond publiés en majorité dans les revues musicales françaises de l’entre-deux-guerres (La Revue musicale, Le Monde musical, Le Courrier musical, etc.), des dizaines de critiques musicales (essentiellement dans la Chronique des arts et de la curiosité entre 1909 et 1914), de conférences, de lectures radiophoniques, sans compter les ouvrages musicaux techniques et de longs articles dans des collectifs comme celui sur la mélodie que l’on retrouve dans Cinquante ans de musique française publié par Louis Rohozinski en 1925. Il ne s’agit là, essentiellement, que de ce qui a été publié du vivant du compositeur. Car les archives du compositeur renferment aussi des brouillons, des esquisses d’articles, de textes de fiction et de projets de livre. Nous ne comptons pas non plus la correspondance inédite du musicien qui se compte par centaines de lettres. Cet ensemble impressionnant fait du compositeur un penseur de son temps tout à fait exceptionnel. Ses écrits sont d’autant plus importants qu’ils furent rédigés tout au long de cette période de révolution esthétique qu’a connue la musique occidentale entre le début du xxe siècle et la fin des années 1940.
Assez proche du parti communiste français, il est nommé en 1937, Président de la Fédération musicale populaire, succédant ainsi à Albert Roussel. La même année, il est nommé Président de la Commission musicale de l’Association France-URSS. Kœchlin rédige des articles sur la musique populaire ainsi que sur les compositeurs français pour le quotidien L’Humanité au cours des années 1937-1938. Un certain nombre de ces textes seront réunis dans une brochure publiée par la Fédération musicale populaire sous le titre Art musical populaire. Son appartenance à une certaine gauche « intellectuelle » ne l’empêche pas d’être un « nationaliste », ardent défenseur de la musique française : il s’engage dès 1914 à la promouvoir. Il le fait, entre autres, par l’entremise d’une série de conférences qu’il donne en 1916 et 1917 où il fait la promotion de la musique française. Action qu’il poursuivra aux États-Unis en 1918 et 1928. Ses écrits sur l’histoire de la musique française contemporaine constituent des documents inestimables pour la compréhension des nuances que celle-ci semble comporter, notamment en ce qui concerne la période 1914-1920, période durant laquelle de nombreux documents ont disparu et où, par conséquent, des témoignages tels que le sien s’avèrent essentiels.
Les articles et les conférences de Kœchlin possèdent des caractéristiques très précises qui en font l’attrait et l’originalité. Ces textes témoignent de la culture générale et musicale tout à fait imposante du compositeur et sont souvent accompagnés d’un nombre considérable de notes et de citations. Pour ces dernières, cependant, il arrive à l’occasion que leur exactitude soit relative, le compositeur n’ayant pas toujours sous la main les volumes cités, se fiant davantage à sa mémoire. Cette vaste culture, protéiforme, lui permet d’évoquer non seulement des idées et des concepts philosophiques, historiques, esthétiques ou mathématiques, mais aussi un nombre considérable d’exemples tant musicaux que littéraires, architecturaux ou issus des beaux-arts (peinture, sculpture) pour illustrer ses propos, mais surtout en démontrer la validité.
Michel DUCHESNEAU
Pour aller plus loin :
Bouscant, Liouba, « Charles Koechlin conférencier (1909-1948) », in Charles Koechlin, compositeur humaniste, Philippe Cathé, Sylvie Douche, Michel Duchesneau (ed.), Paris : Vrin, 2010, p. 65-107.
Bouscant, Liouba, « Charles koechlin (1867-1950) : un exemple d'intellectualité musicale en france dans la première moitié du XXe siècle », thèse de doctorat, Université de Lille, 2011.
Caillet, Aude, « Défense et illustration de la musique française moderne. Les conférences de Charles Koechlin de 1915 à 1918 », in Charles Koechlin, compositeur humaniste, Philippe Cathé, Sylvie Douche, Michel Duchesneau (ed.), Paris : Vrin, 2010, p. 109-130.
Cathé, Philippe, « Charles Koechlin : The Figure of the Expert”, in Music Critcism in France, 1918-1939, Barbara L. Kelly et Christopher Moore (ed.), Woodbridge (England), The Boydell Press, 2018, p. 63-90.
Duchesneau, Michel, « Koechlin : réflexion sur la modernité » Musique et modernité en France entre 1900 et 1945, Sylvain Caron, François de Médicis et Michel Duchesneau (ed.), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2006, p. 339-361.
Duchesneau, Michel, « Charles Koechlin et la musique pour le peuple : l’humanisme à la rencontre du socialisme », Charles Koechlin, compositeur humaniste, Philippe Cathé, Sylvie Douche, Michel Duchesneau (ed.), Paris : Vrin, 2010, p. 131-143.
Koechlin, Charles, Écrits vol. I : Esthétique et langage musical, présentés et annotés par Michel Duchesneau, Sprimont (Belgique), Mardaga, 2006.
Koechlin, Charles, Écrits vol. II : Musique et société, présentés par Michel Duchesneau et annotés par Michle Duchesneau, Audrée Descheneaux et Danick Trotttier, Sprimont (Belgique), Mardaga, 2009.

prénom | Charles |
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nom | Koechlin |
année de naissance | 1867 |
année de décès | 1950 |
identique à | http://data.bnf.fr/14785271/charles_koechlin/ |