Jules Massenet (1842-1912)
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De caractère plutôt secret, Massenet (1842-1912) s’est peu livré par écrit : « Je n’ai pas l’illusion de me croire une “figure intéressante” & intéressant le public ; j’ai le juste sentiment des distances – je le crois – et j’ai raison », confiait-il en 1903 à Adolphe Brisson qui l’avait sollicité pour publier des souvenirs déjà rédigés, mais destinés strictement, selon le compositeur, au cercle familial (Lettre à Ad. Brisson, Paris, 14 avril 1903, citée dans J. Massenet, Mes souvenirs et autres écrits, J.-Chr. Branger éd., Paris : Vrin, 2017, p. 30). De même, Massenet n’a guère manifesté un goût prononcé pour la réflexion théorique alors qu’il laisse une importante production musicale. Ses textes sont rares et sa correspondance, pourtant abondante, s’avère souvent laconique et peu soignée, contrairement à celle d’un Berlioz ou d’un Gounod. Son biographe, Louis Schneider, constate ainsi en 1908, soit quatre ans avant la mort du compositeur : « Il est rare qu’un musicien en vue n’ait pas cherché à expliquer ses théories autrement que par l’exemple. Massenet, cela est assez curieux à constater, ne les a jamais expliquées par la plume. Il n’existe de lui que de rares écrits » (Massenet, Paris : Carteret, 1908, p. 370).
Aussi l’auteur de Manon a-t-il peu fourni d’éléments concernant ses contemporains, sa propre pensée ou son itinéraire personnel, par pudeur ou pour ne pas afficher publiquement ses opinions. Ses écrits se limitent à cinq articles plus ou moins longs, écrits entre 1888 et 1909, douze discours, prononcés surtout après 1910, et un important volume de mémoires rédigé en 1911-1912, Mes souvenirs, qui, s’il surpasse en taille largement tous les autres, soulève de multiples questions quant à son authenticité et son contenu. À ce corpus il convient d’ajouter des réponses à des enquêtes dont le développement et la forme leur donnent parfois les aspects d’un article. Au regard de la chronologie, Massenet s’est donc davantage engagé dans une activité d’écrivain dans les dernières années de son existence alors qu’il occupait d’importantes fonctions officielles à l’Institut et qu’il éprouva par ailleurs le besoin de rassembler ses souvenirs. Sa production écrite, dominée par Mes souvenirs, s’inscrit en fait dans une tradition française, qu’elle semble clore, après Grétry, Gounod ou, dans une certaine mesure, Berlioz dont les Mémoires forment un monument d’une haute tenue littéraire et volontiers polémique, contrairement à Mes souvenirs qui s’engagent rarement sur ce terrain.
Toutefois, Massenet participe aux débats qui agitent les mouvements artistiques de son temps en se livrant plus ou moins dans des enquêtes ou dans ses discours. Ses premiers articles attestent aussi d’une réflexion esthétique, contrairement aux derniers qui privilégient un témoignage personnel de bon aloi, appelé à être développé dans Mes souvenirs. Ainsi, dans « [Le Conservatoire] », publié en 1888 par le Galignani’s Messenger, dont il ne subsiste à notre connaissance aucun exemplaire mais quelques extraits publiés dans la presse, Massenet vante sans hésitation la diversité et les spécificités de la musique française (« la clarté et la précision »), sans pour autant rejeter les écoles étrangères. Il se félicite alors de la formation cosmopolite des compositeurs assurée par le Conservatoire qui perpétue néanmoins une tradition française à laquelle il reste particulièrement attaché. Dans le second, « Comment je suis devenu compositeur », rédigé en 1890 et publié d’abord en anglais, Massenet fait l’éloge du Prix de Rome et du séjour à la Villa Médicis, source d’enrichissement perpétuel, selon lui. Mais il étaye son propos par ses propres souvenirs de pensionnaire dont l’intérêt reste limité. Traduit en français et publié à plusieurs reprises, cet article livre ainsi quelques traits d’une personnalité avare en confidences. Le musicien va en effet désormais privilégier le témoignage personnel anecdotique ou nostalgique au détriment de la réflexion esthétique. Dans « Souvenirs d’une première", Massenet raconte sa rencontre – fictive ou réelle – avec un américain venu observer ses réactions peu avant la création d’Hérodiade à Milan tandis que « Hommage à Verdi » (Le Gaulois du dimanche, 9-10 octobre 1897) évoque sans relief une de ses rares rencontres avec le compositeur italien. En revanche, dans un court et dernier article de 1909, Massenet fête le cinquantenaire de Mireille de Gounod, dont il vante les couleurs méditerranéennes et la simplicité au regard de « certaines partitions aux rythmes et aux harmonies accumulées » (Mes souvenirs et autres écrits, p. 236).
Cet engagement furtif se perçoit encore dans les réponses aux enquêtes, Massenet s’exprimant notamment, aussi bien sur l’emploi de la prose dans les livrets, la nouvelle salle Favart que sur lui-même, la musique russe ou bien l’avenir de la musique, qu’elle soit française ou non. On y découvre souvent un compositeur tolérant, généreux, curieux, attentif avant tout au développement des individualités, mais aussi en proie au doute lorsque, à la fin de son existence, il semble réservé sur l’évolution de la musique. Un même sentiment affleure dans ses discours dont une grande partie d’entre eux, prononcés entre 1903 et 1910, ont bénéficié d’une participation active, voire totale de son éditeur Henri Heugel dans leur rédaction, mais sans altérer la pensée du compositeur que ce dernier connaissait parfaitement. En 1903, Massenet couvre d’éloges Berlioz et son « génie » (Mes souvenirs et autres écrits, p. 274) ou, quelques années auparavant (1893), Méhul et ses pairs dont il se sent redevable, car ils ont ouvert des voies « que nous suivons encore. » (Ibid., p. 271) Il y célèbre aussi la tradition du prix de Rome et les bienfaits du séjour italien, ou encore des figures comme Lalo, Guiraud, Massé, Thomas ou Reyer qu’il a cependant plus ou moins appréciées, une bonne partie des discours, prononcés au titre d’une institution (Conservatoire, SACD ou Institut), étant souvent convenus.
Les écrits de Massenet méritent cependant d’être connus, car ils livrent de multiples informations sur une époque et une personnalité importante de l’histoire du théâtre lyrique. Longtemps réduits à Mes souvenirs, avec quelques discours reproduits en 1912 par Lafitte peu après la mort du compositeur, ils sont désormais rassemblés dans une édition critique (Mes souvenirs et autres écrits, op. cit.) où figurent aussi les articles, l’ensemble des discours et réponses du compositeur à des enquêtes dont certaines restent sans doute encore à découvrir.
prénom | Jules |
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nom | Massenet |
année de naissance | 1842 |
année de décès | 1912 |
identique à | http://data.bnf.fr/13897189/jules_massenet/ |