Tōru Takemitsu (1930-1996)
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Takemitsu a régulièrement écrit tout au long de sa vie : programmes de concert, correspondances, articles pour des revues musicales et artistiques, textes autobiographiques et littéraires… Ses écrits sont donc nombreux ; après sa mort en 1996, la maison d’édition tokyoïte Shinchōsha a réuni la quasi-totalité de ses textes en cinq tomes dont chacun compte environ quatre cents pages (Chosakushū [Écrits] (2000)). Les entretiens, dont la plupart ne figurent pas dans Chosakushū, constituent également une part importante de ses écrits.
Dans le bouillonnement artistique qui animait le Tōkyō de l’après-guerre, Takemitsu fréquenta aussi bien les musiciens que les artistes d’autres disciplines, parmi lesquels les poètes Shūzō Takiguchi et Shuntarō Tanikawa ou les écrivains Kōbō Abe et Kenzaburō Ōe. C’est dans ce contexte qu’il prit conscience de l’importance de faire entendre sa voix. Takemitsu a toujours attaché une importance particulière à l’écriture. Le fait qu’il ait lui-même financé la publication de son premier ouvrage, Takemitsu Tōru←1930……∞ (1964), et de la nouvelle Kotsugetsu − arui ha a honey moon [La lune d'os − ou La lune de miel] (1973) prouve son investissement dans ce travail.
Les écrits de Takemitsu sont également liés à sa carrière de compositeur. Les années 1960 ont marqué une étape décisive dans son parcours, en particulier avec le succès de November Steps pour shakuhachi, biwa et orchestre, lors de sa création à New York en 1967. Dans les années 1970, Takemitsu a été l’une des figures majeures de la scène musicale japonaise. À partir de cette époque, ses ouvrages ainsi que ses entretiens ont été régulièrement publiés. Ses ouvrages contiennent essentiellement des articles écrits pour des revues ou des journaux. Takemitsu a rédigé des articles pour les grands quotidiens japonais (le Yomiuri Shimbun, le Asahi Shimbun ou le Mainichi Shimbun), dès la fin des années 1950. Ses textes, qui paraissent sporadiquement dans les années 1960, augmentent au fil des ans. Il finit par tenir une chronique pour le Mainichi Shimbun dans les années 1990, rédigeant en moyenne un article par mois.
La quantité d’entretiens qu’il a accordés est impressionnante : une dizaine d’ouvrages consacrés aux entretiens sont parus jusqu’à présent, sans compter les nombreux entretiens publiés dans des livres et des revues. Néanmoins, plus que la quantité des entretiens, c’est la diversité des personnalités avec lesquelles s’est entretenu Takemitsu qui fait la singularité de ce corpus. Voici quelques noms : les compositeurs John Cage, Iannis Xenakis et György Ligeti ; les musiciens « classiques » Seiji Ozawa, Simon Rattle et Michel Béroff ; les musiciens de jazz George Russell, Keith Jarrett et Toshiko Akiyama ; le musicien de rock David Sylvian ; les musiciens traditionnels japonais Watazumi Dōso (shakuhachi) et Seigō Tsutsumi (biwa) ; le sculpteur Isamu Noguchi ; les écrivains Kōbō Abe et Kenzaburō Ōe ; le poète Shuntarō Tanikawa ; le cinéaste Akira Kurosawa ; le critique de cinéma Shigehiko Hasumi ; le psychiatre Bin Kimura. Cette liste témoigne des nombreuses et diverses relations amicales qu’a entretenues Takemitsu tout au long de sa carrière, car la plupart de ses interlocuteurs sont soit des personnes avec lesquelles il a réalisé des projets (Ozawa, Rattle, Kurosawa, Abe, Ōe et Tanikawa), soit des artistes qui ont exercé une influence sur sa pensée et sa musique (Cage, Ligeti, Russell, Noguchi).
Si l’on tentait une classification, la plupart des écrits de Takemitsu appartiendraient au genre de l’essai. Ils abordent des sujets très divers : la musique (musique occidentale, musique traditionnelle japonaise, jazz…) ; d’autres disciplines artistiques (cinéma, peinture, littérature…) ; des personnalités musicales et artistiques ; la nature ; les problèmes sociaux et d’autres thèmes plus ponctuels dont la cuisine. Takemitsu a également laissé quelques essais littéraires. Dans Chosakushū, on compte trois nouvelles et sept poèmes. La plupart de ces poèmes sont en réalité les paroles des chansons qu’il a composées pour des films ou des pièces de théâtre. Ses nouvelles décrivent des univers très particuliers et ont souvent un caractère à la fois fictif et autobiographique.
Ses réflexions sur la musique sont essentiellement d’ordre esthétique ; pour Takemitsu, l’écriture n’est pas un moyen de théorisation ou de démonstration, mais un moyen d’expression artistique au même titre qu’une œuvre musicale. Ainsi, il parle souvent des motifs ou des échelles employés dans telle ou telle pièce, sans pour autant détailler la façon dont il s’en est servi. Ces textes suggèrent avant tout un certain état d’esprit pour écouter ou jouer son œuvre. Ainsi, dans ses textes riches en jeux de mots et en métaphores, il semble que Takemitsu soigne son écriture pour donner au lecteur la possibilité de les interpréter de manière « polysémique » − l’un des termes qui apparaissent le plus souvent dans ses écrits.
Le style d’écriture de Takemitsu a connu une évolution quelque peu comparable à celle de son style musical. Le style littéraire des années 1950 et 1960, qui est à la fois recherché et audacieux, reflète l’image d’un jeune compositeur à la recherche de son langage à travers diverses expériences musicales et artistiques. Or, les œuvres musicales écrites à partir des années 1970, qui témoignent d’une maturité certaine, présentent peu à peu un style plus homogène et plus conventionnel. Il en va de même pour ses textes qui évoluent progressivement vers un style simple et épuré et sont généralement courts (en moyenne deux ou trois pages), tandis que les écrits des années 1960 sont de longueur variable.
La qualité de son écriture a été remarquée par de nombreuses personnalités dont Kenzaburō Ōe, qui considère que « les textes de Takemitsu sont les meilleurs parmi ceux écrits par les artistes d’aujourd’hui » (dans la préface écrite pour Oto, chinmoku to hakariaeru hodo ni [Le Son, aussi intense que le silence] (1971), p. 13). L’ouvrage collectif Ongaku no techō – Takemitsu Tōru [Le Cahier de musique – Tōru Takemitsu] (1981), composé principalement de textes écrits sur Takemitsu par une quarantaine de personnalités issues de différentes disciplines (musique, anthropologie, peinture, cinéma, littérature…), montre que ces auteurs connaissaient les écrits du compositeur aussi bien, voire mieux, que ses œuvres musicales. En effet, ses écrits, qui ne s’adressent jamais uniquement aux musiciens, ont acquis une certaine notoriété dans les milieux intellectuels. En revanche, ils ne sont pas bien connus en dehors du Japon. L’obstacle de la langue en est la cause majeure. Un volume en anglais intitulé Confronting Silence, publié peu avant la mort du compositeur, reste la principale référence en Occident, mais ce recueil de cent cinquante pages est loin de représenter l’ensemble de ses écrits. L'édition française des Écrits, parue chez Symétrie en 2018, offre la traduction d'un ensemble de textes beaucoup plus conséquent.
Wataru MIYAKAWA
04/08/2017
prénom | Tōru |
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nom | Takemitsu |
année de naissance | 1930 |
année de décès | 1996 |
identique à | http://data.bnf.fr/13900266/toru_takemitsu/ |
Publications (5)
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Anthologie / Correspondance Tōru Takemitsu (1930-1996) - Chosakushū [Écrits]
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Anthologie / Correspondance Tōru Takemitsu (1930-1996) - Écrits
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Traductions (1)
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Traduction d'ouvrage Anglais : Confronting Silence: Selected Writings