[Préface]

genrePédagogiePréface
languefrançais
compositeur
titre

Répertoire de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, 2e volume

éditeurChoudens
lieu d'éditionParis
date1886
contenu

C'est par l'influence de l'école que le goût musical doit pénétrer dans la masse de notre nation, et c'est en passant d'abord par les écoles normales qu'il doit se répandre ensuite dans les écoles primaires.

La musique, à l'école, ne doit pas être considérée comme un exercice intellectuel quelconque, comme un simple devoir scolaire. Sa mission est de pénétrer dans l'âme de l'élève et de le subjuguer de beaux morceaux et [sic] les chantant non pas par ordre, mais spontanément et pour se faire plaisir, le but idéal serait bien prés [sic] d'être atteint et la cause de l'éducation musicale populaire, d'être gagnée.

Invité par le ministère de l'instruction publique à publier des volumes de chants pour les écoles normales, nous nous sommes efforcé, en les composant, de réunir un choix de mélodies simples, d'un caractère varié et capable de s'imposer à la mémoire. 

Pour cela nous ne pouvions nous limiter au répertoire des chœurs sans accompagnement, genre dont la pratique modérée est excellente pour former l'oreille, mais dont la pratique exclusive est un danger.

De tous les genres de musique, le chœur à voix égales sans accompagnement (notamment le chœur pour voix de femmes ou d'enfants) est celui qui offre le moins de ressources au compositeur. Obligé qu'est ce dernier de renfermer la mélodie et l'harmonie vocale qui l'accompagne dans la limite de deux octaves au plus, li lui est très difficle, pour ne pas dire impossible, de créer des mélodies bien frappées, d'un caractère original et saisissant. Le plus souvent il retombera dans des redites ou dans des productions d'un intérêt plutôt harmonique que mélodique et par conséquent peu propres à entrer dans l'oreille.

L'abus des chœurs sans accompagnement a un autre inconvénient : celuis d'isoler l'élève dans un répertoire trop exclusivement scolaire et de le tenir à l'écart d'une foule de productions soit anciennes, soit modernes, dont la connaissance serait éminemment propre à lui former le goût.

Pour composer ces recueils, nous avons cru devoir emprunter à tous les genres : oratorio, opéra, chant populaire. A côté de certains morceaux trop développés pour entrer tout d'une pièce dans la mémoire, nous avons choisi quelques chants à une voix pouvant être aisément retenus et exécutés avec accompagnement de piano ou d'harmonium. Nous avons puisé aussi au riche répertoire des chants liturgiques, dont beaucoup joignent à une force d'invention peu commune, un éthos idéalement pédagogique.

Enfin nous avons fait figurer dans ces recueils plusieurs représentants de l'ancien art national, tels que Goudimel et Adam de la Halle. L'élève, en chantant leurs mélodies encore pleines de fraîcheur, communiera en quelque sorte avec les plus anciens souvenirs de la patrie, et retrouvera dans sa propre émotion l'identité de l'âme française.

L.-A. Bourgault-Ducoudray, Professeur à l'Ecole Normale de Fontenay-aux-Roses