Préface [à la Grande Sonate "Les Quatre Âges"]

genrePréface
languefrançais
compositeur
titre

Grande Sonate pour piano "Les Quatre Âges" op. 33

éditeurBrandus & Cie
lieu d'éditionParis
date1847
contenu

On a dit et écrit beaucoup de choses sur les limites de l’expression musicale. Sans adopter telle ou telle règle, sans chercher à résoudre aucune des vastes questions soulevées par tel ou tel système, je dirai simplement pourquoi j’ai donné de semblables titres à ces quatre morceaux et employé quelquefois des termes tout à fait inusités.

Il ne s’agit point ici de musique imitative ; encore moins de musique cherchant sa propre justification, la raison de son effet, de sa valeur, dans un milieu extra-musical. Le premier morceau est un scherzo ; le deuxième un allegro ; le troisième et le quatrième un andante et un largo ; mais chacun d’eux correspond, dans mon esprit, à un moment donné de l’existence, à une disposition particulière de la pensée, de l’imagination. Pourquoi ne l’indiquerais-je point ? L’élément musical subsistera toujours, et l’expression ne pourra qu’y gagner ; l’exécutant, sans rien abdiquer de son sentiment individuel, s’inspire de l’idée même du compositeur : Tel nom et telle chose semblent se heurter, pris dans une acception matérielle, qui, dans le domaine intellectuel, se combinent parfaitement. Je crois donc devoir être mieux compris et mieux interprété avec ces indications, quelque ambitieuses qu’elles paraissent au premier coup d’œil, que sans leur secours.

Qu’il me soit permis, du reste, d’invoquer l’autorité de Beethoven. On sait que, vers la fin de sa carrière, ce grand homme travaillait à un catalogue raisonné de ses principaux ouvrages, dans lequel il devait consigner d’après quel plan, quel souvenir, quel genre d’inspiration ils avaient été conçus.

C. V. ALKAN.