Du chant
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Dédié « à Madame Adolphe Brisson, en témoignage de ma respectueuse et reconnaissante amitié », le premier ouvrage de Reynaldo Hahn, Du chant (220 p.), paraît à Paris, aux Éditions Pierre Lafitte, à la fin du mois de février 1921. Il réunit en volume des conférences sur le chant éditées dans le Journal de l’Université des Annales dans neuf de ses numéros, du 15 janvier 1914 (8e année, tome 1, no 3) au 15 janvier 1915 (9e année, tome 1, no 3), lesquelles furent prononcées dans cet établissement entre le 22 novembre 1913 et le 19 mai 1914. Fondée en 1907 par Yvonne Sarcey – la fille du critique dramatique Francisque Sarcey, dont le véritable prénom est Madeleine –, l’Université des Annales est une émanation de la revue Les Annales politiques et littéraires, dirigée par son époux Adolphe Brisson. Elle y organise, sous l’appellation académique d’« université », des cycles de conférences données par des personnalités du monde littéraire et artistique à destination d’un public féminin, justement celui qui fréquente peu à l’époque l’Université d’État.
Le plan et le texte sont identiques entre les articles et le livre, reprenant l’agencement des conférences : « Pourquoi chante-t-on ? », « Comment chante-t-on ? », « Comment dire en chantant ? », « Qu'appelle-t-on avoir du style ? », « Comment émouvoir ? », « Certaines causes de la décadence du chant », « Le chant expressif dans la musique ancienne », « Le chant descriptif dans la musique moderne », « Du goût ». Dans son « Avant-propos », l’auteur précise qu’il ne s’agit pas d’« un livre écrit et fait pour être lu » mais du recueil de « neuf leçons » données devant « un auditoire jeune et bienveillant », où entraient une « part d’improvisation ». Il tente cependant de faire un tour complet de la question, non seulement sur le plan purement vocal, mais aussi en ce qui concerne l’interprétation et l’esthétique.
Pour Hahn, le rapport entre le texte et la musique est primordial. Il prône sans réserve la « soumission de la musique à la parole » (p. 17) et accorde une place essentielle à la prosodie : « quelqu’un qui chante bien et qui dit mal ne m’intéresse pas », affirme-t-il (p. 19). La diction constitue donc le fondement de l’art du chant, car elle « est à la parole ce que le regard est aux yeux » (p. 79). Sur le plan de la technique vocale, la maîtrise de la respiration est essentielle, sachant qu’« il y a deux genres de respiration : la respiration physiologique (la respiration proprement dite, celle qui fait le fond, la base du chant), et la respiration expressive », utilisée pour produire des effets expressifs (p. 47). Car Hahn ne les proscrit pas, à condition qu’ils soient justifiés et utilisés avec parcimonie par un interprète qui a du style, c’est-à-dire qui maîtrise parfaitement « certaines règles générales qui assurent au chant une correction, un agrément, une tenue et […] une propreté dont il doit éviter de se départir même dans les moments les plus expansifs et les plus fantaisistes » (p. 114). Ni naïvement puriste, ni partisan inconditionnel de l’excès dans l’expression, tout est pour lui affaire de mesure et de goût.
Hahn demande non seulement aux chanteurs de tenir compte des indications de nuance, de ne pas céder à « l’habitude de chanter fort [qui] dilate leur appareil vocal » (p. 116), mais d’accomplir un véritable « travail mental » tout au long de leur carrière. Il recommande ainsi « l’exercice du chant par l’esprit » (p. 179), car pour être véritablement expressif le chanteur doit adhérer intérieurement à un rôle, aux « mots qu’il prononce », à « un état d’âme » (p. 128). Mais, afin de pouvoir chanter, il ne doit pas non plus être débordé par l’émotion et conserver « un point du cerveau qui reste toujours lucide et volontaire » (p. 129). De surcroît, le grand chanteur est pour Hahn celui qui fait de son art un sacerdoce et qui « pense au chant » : « On y pense sans cesse et l’on vit, jour et nuit, avec ce compagnon toujours désireux de vous échapper, mais auquel on se cramponne avec toute la force du désespoir et toute la persistance du désir » (p. 142).
Dans L’Écho de Paris du 24 octobre 1921, Adolphe Boschot rend hommage à ces « méditations à propos et autour du chant », exprimées par un « musicien qui parle de musique parce qu’il l’aime » et qui « n’estime pas que ce soit un art de désagrément ni une science rébarbative ». Opinion corroborée par celle du grand ténor Jean Reszké à l’occasion d’une réédition : « Tout ce que l’instinct d’un être doué pour le chant peut lui suggérer afin d’approcher de la perfection a été noté dans ce livre. Tout ce qu’il faut rechercher et tout ce qu’il faut éviter est contenu dans cette série de conseils aux chanteurs. » (Les Annales politiques et littéraires, 30 novembre 1924.) En 1957, l’ouvrage est réédité chez Gallimard dans la collection « Pour la musique », dirigée par Roland-Manuel.
Philippe BLAY
01/06/2020
genre | Essai |
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éditeur | Pierre Lafitte |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1921 |
nombre de pages | 220 |
traductions | |
réédition d'ouvrage | |
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