The State of Music
Télécharger le PDF de la notice
En 1938, lors d’un séjour en Amérique, Virgil Thomson (1896-1989) recevait de l’éditeur new-yorkais William Morrow & Co. la commande d’un recueil d’essais sur des questions musicales et culturelles. De retour à Paris, sa résidence principale depuis 1924, il rédigeait le livre de décembre 1938 à mai 1939 et le livre était publié en novembre de la même année. Salué par la critique et les musiciens (Aaron Copland, dans une lettre à Briggs Buchanan du 13 janvier 1940, en parle comme du « livre le plus original portant sur la musique que l’Amérique ait produit »), il ne rencontrait pourtant qu’un succès d’estime auprès du grand public, à qui le nom de l’auteur était encore assez peu familier. Il n’en était plus de même en 1961 quand Jason Epstein de Vintage Books (par ailleurs l’un des fondateurs de la New York Review of Books) commandait à Thomson une nouvelle édition. Cette édition révisée de 1962 comporte une introduction, une postface et des commentaires introduits dans le texte originel.
Organisé en douze chapitres, The State of Music est, comme le titre l’indique, une description du paysage musical américain à la fin des années trente, comparé à la situation européenne, et notamment à celle de la France, description écrite du point de vue non pas d’un critique ni d’un historien de la musique mais d’un musicien professionnel. Thomson commence donc par expliquer à ses lecteurs que la situation du musicien est semblable à celle d’un membre d’une société secrète ou d’un habitant d’une île. Mûr de son expérience parisienne, il compare ensuite cette situation à celle des peintres et artistes plasticiens, puis à celle des poètes, et contraste celle des interprètes et celle des compositeurs. Il en vient, au cinquième chapitre, au statut de la profession de musicien dans la société, ce qui l’amène, au chapitre suivant, à traiter de la situation économique des compositeurs. Le septième chapitre, le plus long du livre, poursuit cette investigation en examinant ce que Thomson appelle, en sous-titre, « le déterminisme économique du style musical » : autrement dit, comment les sources de revenus des compositeurs diffèrent, au point d’affecter leur démarche artistique. C’est dans ce chapitre qu’il se livre à une attaque virulente contre les cours d’« appréciation de la musique » (musical appreciation), devenus dans l’Amérique d’alors une discipline à part entière, sous l’impulsion du musicographe anglais Percy Scholes, et que Thomson considère comme inutiles et même nuisibles, car encourageant l’amateurisme aux détriment d’une véritable instruction musicale. Le huitième chapitre aborde les questions politiques, à la fois du point de vue des opinions politiques des compositeurs (Thomson se situant lui-même plutôt au centre-droit) et du rapport entre les organisations professionnelles et syndicales et l’État. La rédaction de 1939 posait la question, alors nouvelle en Amérique, de subventions accordées à la création artistique par le gouvernement fédéral, comme Roosevelt en avait tenté l’expérience dans le cadre du New Deal. Celle de 1961 introduit un développement sur la censure dont ont souffert des compositeurs soviétiques comme Chostakovitch et Prokofiev : Thomson y soutient que cette censure a toujours été formulée en termes esthétiques et non politiques et qu’on aurait donc tort de voir en ces musiciens des « dissidents ». Les deux chapitres suivants en viennent à des questions proprement musicales : rapports entre musique et danse, musique et film, musique et théâtre, puis nature et caractéristiques du concert ; et problèmes de définition de la modernité en musique. Le douzième et dernier chapitre retourne aux questions politiques en plaidant pour une meilleure organisation des musiciens pour défendre leurs droits et améliorer leur condition.
Si le livre de Thomson a rencontré un tel écho auprès des musiciens professionnels au moment de sa publication, c’est en grande partie en raison du contexte économique difficile où beaucoup d’entre eux s’étaient retrouvés par suite de la crise de 1929. En mettant l’accent sur le fait que la musique était avant tout une profession et qu’il importait de donner aux musiciens des moyens de vivre, Thomson, lui-même non engagé politiquement, se posait comme défenseur de sa profession. Ce combat contre, d’un côté, l’amateurisme mal informé et, de l’autre, les puissantes institutions culturelles conservatrices souvent enclines à exploiter les musiciens, Thomson allait le poursuivre durant quatorze ans comme critique musical du New York Herald Tribune.
Vincent GIROUD
8/11/2018
éditions numérisées | |
---|---|
genre | Essai |
éditeur | William Morrow & Co. |
lieu d'édition | New York |
années d'édition | 1939 |
nombre de pages | vi, 250 |
langue originale | anglais |
réédition d'ouvrage | |
compositeur |