César Franck
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Le seul ouvrage musicographique de Charles Tournemire (1870-1939) est consacré à son maître César Franck (1822-1890) et a paru en 1931 dans la collection « Les grands musiciens par les maîtres d’aujourd’hui » dirigée par Henri Collet. L’auteur ne dissimule point la perspective délibérément subjective du portrait qu’il fait de son maître vénéré disparu quarante ans plus tôt et dont il avait fréquenté la classe d’orgue en 1889-1890. Il s’agit moins d’une biographie que d’un commentaire ésotérique adressé à un lecteur déjà familier avec la vie et l’œuvre de César Franck.
Les neuf chapitres se regroupent en trois parties. Les trois premiers chapitres forment une introduction qui expose clairement l’intention de l’auteur de propager, par le biais du portrait de son maître, son propre credo artistique. Selon Tournemire, la musique de Franck serait le début d’un « mouvement d’âme » de résurrection de l’art religieux et mystique du Moyen Âge. Ce mouvement est mis en opposition avec un présent dominé par les machines et une décadence spirituelle. L’idéologie religieuse de l’ouvrage est influencée par le Renouveau catholique, notamment par les écrits d’Ernest Hello. En revanche, une autre source primordiale est passée sous silence : en présentant Franck comme un saint pur et érémitique que ses contemporains n’auraient guère reconnu (en parallèle avec le début de l’Évangile selon Saint-Jean), Tournemire suit la monographie de Vincent d’Indy (1906) en poussant encore plus loin les idées de ce dernier.
La partie centrale (chapitres 4 à 6), la plus large et la plus conventionnelle, est consacrée aux œuvres de Franck. Là encore, Tournemire suit d’Indy en présentant Franck comme l’héritier principal de Bach et de Beethoven, tout en ajoutant d’autres « prédécesseurs » comme Schubert et Frescobaldi. À la manière d’un guide de concert, cette partie mélange des éléments analytiques avec des remarques herméneutiques. Ces dernières visent surtout l’expression et le contenu sacré général des œuvres d’orgue, alors que les seules œuvres profanes évoquées (la Sonate et le Quintette) sont mises en relation avec la vie du compositeur et ses luttes entre l’humain et le divin (p. 44). Tournemire donne de nombreuses indications de tempo précises qu’il aurait reçues de son maître, tout en soulignant que tout respect étroit du mouvement métronomique serait contraire aux intentions de Franck (p. 35).
Des informations précieuses sur la performance musicale se trouvent aussi dans le chapitre 7, consacré à Franck improvisateur, qui forme le cœur et le climax de l’ouvrage. Des souvenirs du jeu du maître y sont mélangés à la doctrine de Tournemire selon lequel l’improvisation à l’orgue serait « le domaine par excellence du mystère », car on y serait visité par « l’ange inspirateur » (p. 49-50). Toutefois, on ne pourrait pas improviser de manière complète qu’à la troisième période de la vie humaine, car cet art exigerait, en plus d’un don inné, aussi une technique acquise en quinze années d’études au moins et une « expérience de la vie fortifiée par la méditation extramusicale » (p. 51). Cette hypothèse ne se réfère pas seulement au tardif Franck, mais encore à Tournemire lui-même qui travaillait à l’époque sur son cycle gigantesque et inspiré par son style d’improvisation, L’Orgue mystique (1927-1932). En effet, il s’ensuit une esquisse de perspectives de l’ « avenir » au chapitre 8 : au lieu de la transformation radicale du système tonal en vogue à l’époque, l’auteur y recommande l’emploi « polytonique » des modes et des chants grégoriens comme il le pratique dans son propre cycle. Le dernier chapitre est un épilogue qui présente quelques repères biographiques de Franck avant de conclure avec des souvenirs personnels des cours du maître.
Si ce petit livre nous apprend beaucoup plus sur son auteur que sur son sujet, il contient néanmoins des informations précieuses sur César Franck. Et il s’agit d’une source incontournable des principes esthétiques et de la vision du monde du tardif Charles Tournemire.
Stefan KEYM
27/03/2020
Pour aller plus loin :
Keym, Stefan, « Héritier de la ‘tradition Franck’ ? Charles Tournemire et son Triple Choral pour orgue », Bulletin de l’Association Maurice & Marie-Madeleine Duruflé, n° 13, 2013, p. 199-217.
genre | Biographie |
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éditeur | Delagrave |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1931 |
nombre de pages | 75 |
langue originale | français |
compositeur |