Autobiographie de Charles Gounod et articles sur la routine en matière d'art
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Publiée à Londres (en français) en août 1875 par Georgina Weldon, chez qui Gounod séjourna de 1871 à 1874, cette compilation au titre abusif réunit des textes destinés à une revue bruxelloise, L'Art universel, qui publia les quatre premiers au printemps 1873. The Cosmopolitan les reprit alternativement en français et en anglais du 28 août 1873 au 23 avril 1874. Les textes suivants, inachevés, ont été ajoutés par G. Weldon pour compléter le recueil. L’affirmation selon laquelle Gounod les aurait écrits d’après ses idées à elle ne peut être que partiellement crédible. Georgina s’exprimait bien en français mais la gaucherie de certaines tournures pourrait la désigner.
De la routine en matière d'art : « La routine est une maladie chronique dont l'état aigu est le préjugé […]. Pour qu'un être vive il faut qu'il assimile des éléments qui ne sont pas lui ; il faut qu'il décompose, qu'il absorbe, et qu'il élimine. […] La réflexion est l'estomac de l'intelligence. »
Le Public, réunion d’oisifs blasés, est moins sensible aux chefs-d’œuvre que le public populaire quand on les lui fait découvrir. Néanmoins, le Public est impersonnel, c’est par là qu’en dépit de ses égarements, il échappe toujours à cette pétrification de la Routine.
La Critique, à courte vue, ignore que ce n’est pas l’absence de défauts qui fait les grands maîtres, mais la présence de qualités ; elle se laisse dérouter par la diversité de sensation et d’expression propre aux artistes.
La Propriété artistique. Gounod retrace sa carrière de compositeur dramatique de Sapho à Roméo, ce qui peut seul justifier le titre général d’Autobiographie, et dresse l’historique de la perte des droits d’auteurs sur Faust en Angleterre faute d’avoir été déposé à temps. Puis explique le principe du Royalty System, inconnu alors sur le continent, qui consiste à verser à l’auteur un pourcentage sur les ventes des exemplaires de ses partitions.
Urgence d'un congrès international. Gounod voudrait voir disparaître aussi la notion de domaine public qui permet aux éditeurs de s'enrichir avec des éditions de Bach ou Haendel qui ne leur coûtent rien. Ces ouvrages devraient devenir la Propriété nationale de Bibliothèques nationales qui les imprimeraient puis, avec les bénéfices des ventes, achèteraient et fourniraient au plus bas prix possible les belles œuvres modernes.
Les Auteurs se méprennent. Le génie rend humble : « Plus une inspiration est élevée, plus on sent clairement qu’on n’en est pas le principe ni la source, mais seulement l’organe. » L’influence de l’époque sur le plus ou moins grand degré d’authenticité artistique serait cause des tournois contrapuntiques sur des chansons populaires qui encombrent les messes de la fin du moyen-âge « en écho au style prétentieux de l’architecture flamboyante ».
La Critique musicale anglaise se fourvoie en faisant trop grand cas de la fugue et du contrepoint alors que l’esprit moderne demande avant tout à la musique des qualités de sentiment, d’expression et de vérité.
Gounod, qui avait entrepris de mettre en musique le texte en prose de Molière, voulut s’en justifier dans une Préface à George Dandin : « le vers, par sa symétrie, offre au musicien un canevas beaucoup plus facile, souvent même dangereusement facile » ; la belle prose vaut mieux que des vers médiocres car dans la prose « chaque syllabe peut avoir sa quantité, son poids exact et rigoureux dans la vérité de l’expression et la justesse du langage ».
Les Interprètes « au lieu de se mettre dans la peau du rôle, [la plupart] mettent tous leurs rôles dans une même peau » et, pour produire de l’effet, cultivent la virtuosité.
Les Compositeurs-Chefs d'orchestre ; En marge de cette série, Gounod écrivit (le 11 mars 1873) un article destiné au journal parisien Le Ménestrel dans lequel il revendiquait le droit, pour les compositeurs, de diriger leurs propres ouvrages, ce à quoi étaient opposés, à Paris, les théâtres et les institutions symphoniques. Ce droit était reconnu en Italie et en Allemagne. « Y a-t-il un seul chef d'orchestre, même le meilleur, qui puisse prétendre avoir dans l'esprit une synthèse et une analyse aussi exactes d'une œuvre quelconque que le compositeur ? Il loue enfin la supériorité de certains chefs, très rares, qui sont de véritables traducteurs : « La grande affaire, au fond, c'est de soustraire l'œuvre d'art à la servitude de la lettre qui tue ».
Gérard CONDÉ
08/09/2017