Marcel Delannoy (1898-1962)
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Les écrits de Marcel Delannoy (1898-1962) forment un corpus relativement conséquent. Le musicien est l’auteur de plus de deux cents chroniques musicales parues entre 1927 et 1944 et d’une biographie d’Arthur Honegger publiée en 1953. Il signe également plusieurs articles (au moins neuf) dans divers périodiques : textes de réflexion sur la vie musicale, de présentation de ses œuvres ou d’hommage à des compositeurs. À ces écrits publiés s’ajoute un ensemble de textes inédits conservés à la Bibliothèque nationale de France (VM FONDS 60 DLN) ; outre une importante correspondance (dont seuls les échanges avec Charles Koechlin ont fait l’objet d’une édition), le compositeur laisse de nombreuses notes personnelles et un journal, des notices autobiographiques, des articles ou textes de conférence sur des compositeurs et sur la vie musicale, des présentations de son œuvre ainsi que des textes de justification destinés aux comités d’épuration.
En 1927, quelques mois après la création de son premier opéra (Le Poirier de Misère), Delannoy fait ses débuts comme critique dans la nouvelle revue Notre Temps, tribune de la jeune génération d’après-guerre dirigée par le briandiste Jean Luchaire. Il y signe une cinquantaine d’articles entre 1927 et 1934. Ce n’est que six ans plus tard qu’il reprend régulièrement la plume en s’associant au quotidien collaborationniste du même Luchaire, Les Nouveaux Temps, pour lequel il écrit des chroniques hebdomadaires (163 articles au total) durant les quatre années d’Occupation.
Pour ce musicien formé en marge des institutions et qui peine à vivre de la composition, la critique musicale offre d’abord une source de revenus non négligeable. Elle répond également à son besoin de reconnaissance mais aussi au désir de défendre des idées ainsi qu’à un certain goût pour la polémique. De sa plume vivante et souvent alerte, le compositeur n’hésite pas à prendre position, non seulement sur un terrain artistique et culturel, mais aussi – bien que plus rarement – social et politique.
Si l’actualité musicale parisienne dicte le plus souvent le contenu de ses chroniques, celle-ci lui permet fréquemment d’aborder ses deux grands thèmes de prédilection (quelquefois traités dans des articles de réflexion) : d’une part la nécessité de promouvoir la « jeune » musique française (catégorie dans laquelle il se range lui-même jusqu’à la Libération) et d’autre part la rénovation de l’opéra français contemporain.
Comme son confrère Honegger, Delannoy fait régulièrement le constat selon lequel les scènes lyriques et les organisations de concerts programment toujours le même répertoire et négligent la musique vivante et en particulier celle des « jeunes ». Les chroniques sont donc pour le compositeur un moyen d’attirer l’attention sur la situation et sur la production des musiciens de sa génération. Très à l’aise sous cette double casquette de compositeur-critique, Delannoy n’hésite pas à donner son point de vue de créateur et à se mettre en valeur dès que l’occasion se présente, notamment en citant ses propres œuvres. À la fin de 1933, cette promotion des jeunes compositeurs français se double d’un discours xénophobe et antisémite particulièrement virulent : les musiciens Juifs allemands qui fuient l’Allemagne nazie sont accusés de prendre à Paris la place des Français. Delannoy s’associe ainsi explicitement au tristement célèbre « Vive Hitler » lancé par Florent Schmitt durant l’audition d’une œuvre de Kurt Weill à la salle Pleyel le 26 novembre 1933, un incident auquel il a participé et qu’il s’applique à justifier dans les colonnes de Notre Temps. Ces positions antisémites et xénophobes sont en revanche absentes des chroniques de l’Occupation. Il faut dire que Delannoy jouit alors d’une reconnaissance grandissante et que la programmation musicale, repliée sur les musiques allemande et française, a exclu de nombreux concurrents. Dans Les Nouveaux Temps Delannoy se montre en revanche très favorable aux réalisations musicales du Reich et à la collaboration franco-allemande.
Tribune artistique, la critique permet également à Delannoy d’exprimer publiquement son désir de rénovation du théâtre lyrique. Selon lui le drame lyrique a mené à une impasse et ne peut répondre aux exigences du spectacle musico-théâtral moderne. La rénovation proposée par Delannoy s’appuie souvent sur l’opéra-comique à numéro et sur l’opéra bouffe italien (en particulier Cimarosa), modèles assumés de son opéra Ginevra (1938-1942). Le critique se fait ainsi l’avocat de ses propres recherches de compositeur, prônant un opéra de « demi-caractère » (avec intervention de la voix parlée), mais aussi le refus de la complexité, la recherche d’un style éclectique et mélodique ainsi que l’inspiration populaire. Par ailleurs Delannoy s’intéresse régulièrement aux nouveaux médias (disque et radio) ainsi qu’au cinéma, mais se dit souvent déçu par les réalisations musicales du film sonore et de la radio.
Déjà épinglées en 1942 par des musiciens résistants, ses chroniques de l’Occupation constituent une preuve à charge lors des procès de l’épuration. À la Libération, en effet, l’implication de Delannoy dans la collaboration se solde par des mesures judiciaires et des interdictions professionnelles qui portent un coup presque définitif à sa carrière. Parue en 1953 (et rééditée en 1986), la biographie qu’il consacre à Honegger et dans laquelle il évoque souvent son propre parcours est le seul volume édité de son corpus d’écrits.
Cécile QUESNEY
20/10/2017
Pour aller plus loin :
Quesney, Cécile, Le compositeur, Vichy et la collaboration. Le cas de Marcel Delannoy, Paris, Vrin, à paraître.
Charles Koechlin, Marcel Delannoy : correspondance, présentée et annotée par Cécile Quesney, Les Amis de la musique française, série « Correspondance », Périgueux, 2010, 64 p.
prénom | Marcel |
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nom | Delannoy |
année de naissance | 1898 |
année de décès | 1962 |
identique à | http://data.bnf.fr/13893103/marcel_delannoy/ |
Publications (4)
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Chapitre d'ouvrage Arthur Honegger (1892-1955) - "Préface" - 1953
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Anthologie / Correspondance Marcel Delannoy (1898-1962) - Charles Koechlin, Marcel Delannoy : correspondance