Ravel, Maurice (1875-1937) : présentation synthétique des écrits
title | Ravel, Maurice (1875-1937) : présentation synthétique des écrits |
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content | Le corpus des écrits publics de Maurice Ravel comporte 28 articles, dont 18 antérieurs à 1914 ; 16 lettres ouvertes, droits de réponse, manifestes, publicités et pétitions ; 80 entretiens -ou comptes rendus d’entretiens- dont beaucoup parus hors de France, réponses à des enquêtes, hommages. Un nombre infime de manuscrits des écrits publics de Ravel subsiste : un article dans les archives privées de Jules Écorcheville, un article au Musée Glinka de Moscou, une lettre ouverte dans la collection privée Éric Van Lauwe. Cet ensemble d'écrits commence en 1896, par un hommage à Saint-Saëns, et s’achève en 1933, avec un article sur les aspirations des jeunes compositeurs. Le silence des dernières années de la vie de Ravel s’explique par sa maladie neurologique irrémédiable. Ravel ne s’exprima publiquement que relativement peu, parlant plus volontiers de la musique des autres que de la sienne. Outre sa discrétion et une modestie non feinte, il n’estimait pas indispensable de parler de son art : « Je n’ai jamais éprouvé le besoin de formuler, soit pour autrui soit pour moi-même, les principes de mon esthétique » (Esquisse autobiographique, 1928). Privilégiant la composition, il déclina plusieurs offres de collaboration à des périodiques. Il se jura même de ne plus jamais publier dans Le Courrier musical, contrarié qu’un article qu’il y écrivit sur Chopin en 1910 ait été dénaturé. Ravel conserva toujours une certaine méfiance envers la presse, estimant que ses propos étaient parfois déformés. De fait, trois entretiens douteux, dont deux sans doute apocryphes, n’ont pas leur place dans le corpus. Ravel exerça brièvement la critique musicale : de février à avril 1912, 3 articles pour la Revue musicale et Bulletin de la Société internationale de Musique ; de janvier 1913 à juin 1914, 11 articles pour Comœdia illustré. Un cas particulier est à souligner : Claude Debussy, empêché de se rendre au concert de la Société nationale de Musique (SNM) du 21 février 1903, demanda à Ravel de lui envoyer un compte rendu ; ainsi l’article de Monsieur Croche dans Gil Blas du 23 février 1903 est redevable à Ravel. Comme éphémère critique musical, Ravel ne démérita pas, par un style élégant et concis, par sa curiosité intellectuelle, par son esprit parfois mordant. Certains de ses jugements, originaux, ont parfois surpris, par exemple à propos de Brahms, Richard Strauss ou Wagner. Son admiration inconditionnelle pour Mozart est frappante : « Mozart est la perfection : lui est grec, tandis que Beethoven est romain. Ce qui est grec est grand, ce qui est romain est colossal. Pour ma part je préfère ce qui est grand » (ABC (Madrid), 1er mai 1924). Beaucoup d’écrits furent rédigés en signe de protestation. Par exemple, dans un article paru aux Cahiers d’Aujourd’hui en février 1913, Ravel dénonça vivement de dures critiques de Pierre Lalo contre les dernières œuvres de Debussy. En juin 1914, Ravel écrivit deux lettres ouvertes au directeur de Comœdia pour protester contre la décision de Serge de Diaghilev, directeur des Ballets russes, de représenter Daphnis et Chloé sans les chœurs à Londres. Parfois, ces écrits de protestation étaient collectifs, comme une lettre de 1923, coécrite par André Caplet, Roland-Manuel et Albert Roussel, dénonçant des propos polémiques de Louis Vuillemin sur les concerts “métèques” de Jean Wiéner. Citons aussi le texte théorique collectif qu’est le Manifeste fondateur de la SMI publié en avril 1910. La nouvelle société se voulait plus ouverte que la SNM, dont le comité avait refusé en 1909 des œuvres de deux élèves de Ravel, Maurice Delage et Ralph Vaughan Williams, et d’un de ses amis, Charles Koechlin : « créer un milieu libre, où toutes les tentatives artistiques, sans distinction de genre, de nationalité, de style, ni d’école, recevront bon accueil ». À partir de 1922, Ravel dicta plusieurs écrits importants à un collaborateur de confiance, Roland-Manuel, proche ami depuis 1911 et un de ses rares élèves : ainsi un article sur les mélodies de Gabriel Fauré paru dans la Revue musicale en 1922. De même pour un article dans les Nouvelles littéraires en 1927, en réaction à de vives critiques de Pierre Lalo dans Comœdia contre Marcel Delannoy, Maurice Jaubert et Darius Milhaud. Ravel était en effet contrarié que Lalo le cite désormais en exemple pour la jeune génération. Roland-Manuel se vit aussi dicter, en octobre 1928 le texte essentiel de l’Esquisse autobiographique, commandé par la maison Aeolian mais paru à titre posthume, dans lequel Ravel parle de façon concise de sa formation musicale et de ses œuvres. Quelques mois plus tôt, un autre texte capital et relativement long de Ravel, probablement dactylographié par Roland-Manuel mais dont l’original en français n’est pas localisé, parut en anglais dans The Rice Institut Pamphlet (USA) : unique conférence connue de Ravel en avril 1928 à Houston. Un autre texte important n’est connu que de manière lacunaire : le texte préparatoire de trois “master class” sur sa musique de piano, sa musique de chambre et ses mélodies à l’École Normale de Musique en juin 1925. En outre, deux projets éditoriaux n’aboutirent pas : d’une part, une mise au point sur les rapports de Ravel et Debussy ; d’autre part, un traité d’orchestration basé sur des erreurs décelées par Ravel dans ses propres œuvres. Georges Auric a toujours regretté de ne pas avoir saisi l’opportunité d’être la plume de Ravel pour ces deux livres (témoignage oral dans le film Maurice Ravel, l'homme et les sortilèges de Paul Danblon et Alain Denis, RTBF, 1975). Malgré tout, la somme des écrits publics de Ravel n’est pas insignifiante et est riche d’enseignements. Ravel affirme que son esthétique doit beaucoup à Mallarmé et à Edgar Poe : « Mon maître en composition est Edgar Poe par l’analyse de son merveilleux poème Le Corbeau. Poe m’a appris que l’art véritable se trouve au juste milieu entre l’intellectualisme pur et les sentiments » (ABC (Madrid), 1er mai 1924). Ravel reconnaît également tout ce qu’il doit à Chabrier et Satie. S’il se dit « très marqué » par Debussy, il affirme avoir « néanmoins amorcé la réaction contre lui, en faveur des classiques » (The Musical Digest, mars 1928). Ses goûts musicaux sont éclectiques : Bartók, Beers, Borodine (dont Ravel choisit le thème de la 2e Symphonie comme signe de ralliement des “apaches”), de Falla, Fauré, Gershwin, Gounod, Grieg, Hindemith, Honegger, Kodály, Mendelssohn, Milhaud, Moussorgsky, Pizzetti, Rimsky-Korsakov, Saint-Saëns, Schubert, Richard Strauss (avec des réserves), Stravinsky (sauf les « ratages » Mavra, Apollon musagète), Svendsen, Tailleferre, Vaughan Williams, etc, sans compter les chansons populaires espagnoles et basques –que lui chantait sa mère lorsqu’il était enfant- et le jazz. Mais les compositeurs visiblement les plus importants à ses yeux furent Mozart, Debussy (avec une prédilection pour le Prélude à l’après-midi d’un Faune dont il souhaitait l’exécution pour ses obsèques) et Schönberg. La lecture des 124 écrits de Ravel sera utilement complétée par celle de 1883 de ses correspondances. Tous ces 2007 écrits publics et privés ont paru en novembre 2018 (Le Passeur Éditeur), sachant que la dernière anthologie scientifiquement fiable, due à Arbie Orenstein en 1989, avait réuni 42 écrits et 305 correspondances de Ravel, soit 347 documents. Manuel CORNEJO 30/10/2017 (révision : 05/02/2019) Pour aller plus loin
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