Eugène Ysaÿe (1858-1931)
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Le violoniste, compositeur, pédagogue, chef d’orchestre et organisateur de concerts belge Eugène Ysaÿe, figure emblématique de la vie musicale au tournant des xixe et xxe siècles, a écrit tout au long de sa vie, qu’il s’agisse de lettres, de poèmes, d’un livret opératique, d’articles, de réflexions ou encore de préfaces. L’étude de ces écrits permet d’approcher l’interprète au plus près, lui qui a propagé et suscité la création d’une manière unique, en défendant avec conviction la musique de Chausson, Debussy, Fauré, Franck, d’Indy, Jongen, Lekeu, Saint-Saëns et de beaucoup d’autres, que cela soit en Europe, en Russie et aux États-Unis. Elle révèle aussi les conceptions du compositeur et du pédagogue, qui a aidé une multitude de jeunes musiciens à s’épanouir dans leur carrière d’instrumentiste, d’enseignant ou de compositeur ; elle dévoile enfin l’être humain qui se cache derrière le personnage public.
L’ensemble le plus conséquent de missives et d’écrits divers non publiés d’Eugène Ysaÿe est conservé dans le fonds portant son nom à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR), avec plus d’un millier de documents ; par ordre d’importance quantitative décroissante, viennent ensuite les collections des Archives du Palais royal (Bruxelles) et de la bibliothèque du Conservatoire royal de Liège, qui comptabilisent au total plus de deux cents cinquante lettres qui, elles aussi, couvrent la vie du musicien à partir de 1881.
La majeure partie de cette correspondance contient les échanges épistolaires d’Ysaÿe avec sa première épouse Louise Bourdau, avec son père Nicolas Ysaÿe, ainsi qu’avec son ami le journaliste Théodore Lindenlaub. Quelques dizaines de lettres adressées par Ysaÿe entre 1922 et 1929 à la violoniste américaine Jeannette Dincin, qu’il épousera en 1927, ont rejoint la Juilliard School de New York et éclairent la période qui suit son retour définitif en Belgique. À la correspondance d’Ysaÿe répertoriée dans d’autres institutions publiques à travers le monde s’ajoute encore celle détenue en mains privées, dont l’ampleur est difficile à évaluer. Mis à part certaines lettres adressées à Debussy, Chausson, Lekeu et Ropartz, la plupart des missives sont restées inédites.
Dès les années 1880, les liens qu’Ysaÿe entretient avec le poète Jules Laforgue, ami de son jeune frère pianiste Théo, ainsi qu’avec les cercles littéraires gravitant autour de Vieuxtemps et Franck à Paris, l’encouragent à se cultiver et à lire les poèmes de Charles Grandmougin, Sully Prudhomme (qu’il met en musique), Lamartine et Baudelaire. Dans la foulée, il s’essaie lui-même à la poésie, au moment où il commence à composer ; ses lectures et ses expériences d’interprète, notamment au sein du cercle artistique bruxellois des XX, le poussent rapidement à s’émanciper de certains carcans formels en choisissant la voie du poème en musique, qu’il inaugure avec son Poème élégiaque pour violon et piano dédié à Fauré (1892) ; plus tard, il titrera une de ses compositions Harmonies du soir pour quatuor à cordes et orchestre, en référence au poème extrait du recueil Les Fleurs du mal de Baudelaire. Si Musical America du 12 octobre 1918 affirme qu’Ysaÿe est l’auteur d’environ deux cents poèmes, seuls quelques-uns d’entre eux sont parvenus jusqu’à nous. Prière (1918), publié dans ce même périodique, ainsi que Tourniquet (1919), dont seul le titre persiste, sont mis en musique par le violoncelliste Maurice Dambois, un partenaire régulier d’Ysaÿe et le dédicataire de sa Sonate pour violoncelle seul opus 28. La bibliothèque du Conservatoire de Liège conserve quatre autres poèmes de la plume d’Ysaÿe : d’une part un ensemble de trois poèmes décrivant les sonates pour violon et piano n° 1 en ré majeur, n° 9 en la majeur (à Kreutzer) et n° 5 en fa majeur de Beethoven, le dernier des trois étant dédié en août 1917 à la pianiste russe Victoria Boshko avec qui Ysaÿe vit alors une brève idylle ; d’autre part, le poème L’Éveil, écrit en octobre 1918 à New York dans la perspective d’une mise en musique par son auteur sous la forme d’un poème symphonique éponyme pour voix de femme et orchestre, intention qui ne s’est finalement pas matérialisée. Grâce à une édition de 1927, subsistent également les vers qu’Ysaÿe a écrit puis mis en musique en 1919 dans sa composition Paraphrase sur un thème de Mendelssohn pour mezzo-soprano et piano ou orchestre, qui se nourrit du second mouvement du Quatuor en mi bémol majeur opus 12 de Mendelssohn.
Outre des lettres et des poèmes, Ysaÿe est également l’auteur d’un livret d’opéra. La composition et l’écriture textuelle de son ouvrage Les Borains en grève démarrent en 1898, avec la finalisation de la Scène lyrique. Il délaisse ensuite ce projet d’envergure pour ne le reprendre que durant l’été 1928. En août 1929, il achève une mise au net du livret, qu’il a entièrement conçu en wallon liégeois ; c’est sous cette forme que l’œuvre, titrée désormais Piére li Houyeû, est créée au Théâtre royal de Liège le 4 mars 1931.
De même, Ysaÿe a pris la plume à plusieurs reprises pour s’exprimer publiquement à propos de sujets qui lui tenaient à cœur. En grand admirateur de Beethoven, il écrit un article consacré aux symphonies du maître de Bonn qui est publié dans le quotidien L’Indépendance belge du 11 avril 1907 et repris dans plusieurs journaux belges ; il s’agit pour lui non seulement de commémorer les 80 ans de la disparition du compositeur mais aussi de mettre en avant les concerts au cours desquels il dirige son orchestre des Concerts Ysaÿe dans la 9e Symphonie. En 1920, à l’occasion du centenaire de la naissance du violoniste et compositeur verviétois Henry Vieuxtemps, Ysaÿe rédige ses réflexions concernant les concertos pour violon composés par son maître mais aussi, plus largement, au sujet du rôle du soliste et de l’interprète. Ces écrits, dont les manuscrits sont dispersés entre la bibliothèque du Conservatoire royal de Liège et les Archives du palais royal, sont au départ des notes destinées à servir d’appui à des conférences données par Ysaÿe en 1920 à Verviers puis en 1926 successivement à l’École Normale de Musique de Paris et au Conservatoire de Liège. Ils seront ensuite publiés à l’initiative d’Antoine Ysaÿe, le second fils, tout d’abord en épisodes sous le titre Vieuxtemps dans le mensuel L’Action musicale en 1927 et 1928, puis en 1968 sous l’intitulé Henri Vieuxtemps mon maître, dans le premier numéro du périodique Les Cahiers Ysaÿe. La comparaison entre les sources autographes et les éditions de 1927-1928 et de 1968 révèle de nombreuses différences qui témoignent du travail de réécriture opéré par Antoine Ysaÿe.
Par ailleurs, Ysaÿe laisse divers écrits inédits dans lesquels il a consigné ses réflexions relatives à la place de l’artiste dans la société, à l’histoire du violon ou encore à l’enseignement musical en général et du violon en particulier.
Enfin, Ysaÿe est également l’auteur de préfaces d’ouvrages didactiques pour le violon, comme celui que le violoniste russe Boris Sibor consacre à des exercices techniques (Moscou, Jurgenson, 1911) ou les 36 études de technique pour violon de son élève liégeois Émile Chaumont, éditées en 1913 (Paris, Eschig). Il apporte aussi sa contribution à des ouvrages plus encyclopédiques, préfaçant le Dictionnaire du violoniste de Henri Vercheval (Paris, Fischbacher, 1923) ou, en anglais, An Encylopedia of the Violin écrite par son élève Alberto Bachmann (New York, Appelton, 1925). Sa dernière préface est celle qu’il rédige pour La Belgique centenaire de l’écrivain et poète belge René Lyr (Bruxelles, Les Éditions Nationales, 1930).
Marie CORNAZ
29/06/2021
Pour aller plus loin :
Marie Cornaz, À la redécouverte d’Eugène Ysaÿe, Turnhout, Brepols, 2019.
prénom | Eugène |
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nom | Ysaÿe |
année de naissance | 1858 |
année de décès | 1931 |
identique à | https://data.bnf.fr/13901358/eugene_ysaye/ |
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Chapitre d'ouvrage Eugène Ysaÿe (1858-1931) - "Introduction" - 1925
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Anthologie / Correspondance Eugène Ysaÿe (1858-1931) - "Lettres inédites d’Eugène Ysaÿe à Guy Ropartz"