Suzanne Demarquez (1891-1965)
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Il n’existe à ce jour aucun corpus systématique des écrits de Suzanne Demarquez dont les travaux critiques et musicologiques restent largement méconnus, au même titre que ses compositions musicales. Parmi son corpus littéraire, on distingue trois types d’écrits : de la critique de concert pour différentes revues à partir de la fin des années 1920 ; des articles de fonds et d’hommages, moins nombreux, publiés ponctuellement dans le cadre de son travail de critique ; des ouvrages biographiques sur des compositeurs, publiés dans les années 1950.
Demarquez se fait connaître comme critique musicale dès la fin des années 1920, parallèlement au développement de sa carrière de compositrice. Elle écrit principalement pour La Revue musicale à laquelle elle collabore dès 1929 – mais surtout à partir de 1932 – et jusqu’à l’interruption de la publication en 1940. Cette revue a notamment la particularité de faire appel aux talents d’un grand nombre de femmes pour remplir ses pages, à la fois compositrices, critiques et musicographes (quelques noms en exemple ?). La carrière de critique de Suzanne Demarquez après 1940 est particulièrement peu documentée. Pour cette période, nous n’avons répertorié que quatre articles publiés entre 1946 et 1955, dont une réponse à une enquête de Claude Arrieu et deux articles d’hommage consacrés au fondateur de la Revue Henry Prunières et à Béla Bartók. Cette notice propose un premier état de recherche sur les écrits de Suzanne Demarquez ; il est possible que la compositrice ait participé régulièrement à d’autres périodiques, avant et après 1940, mais seul un travail de recherche approfondi permettrait de compléter l’inventaire.
Sa participation à la Revue musicale s’inscrit essentiellement dans le cadre de la rubrique des critiques de concert, qui occupe une place importante dans le périodique (section « La musique en France et à l’étranger »). Demarquez y rend compte de l’activité des principales scènes musicales et sociétés de concert de son temps (Concert Colonne, Concert Pasdeloup, Société Nationale) dans près de 150 articles de format court caractéristique de la revue. La critique se concentre avant tout sur l’analyse des œuvres, parfois aidée de la partition, et peu sur l’interprétation (sauf quelques rares articles dédiés à un concert soliste). Ses articles font d’ailleurs apparaître un intérêt prononcé pour la création musicale et le travail de ses contemporains : le groupe Jeune France et l’École de Paris, entre autres, font l’objet de plusieurs articles.
Du point de vue de l’esthétique musicale, Suzanne Demarquez se montre partisane d’un « impressionnisme » hérité de Debussy, lignée dans laquelle elle inscrit ses propres œuvres musicales. Ses critiques valorisent les qualités de poésie, de pittoresque et surtout de ce qu’elle qualifie d’« authenticité » et d’« originalité personnelle ». À ces valeurs positives, elle oppose à la fois « les formules commodes » de la formation académique « en série » et la tendance néo-classique d’une frange de la scène musicale dont elle perçoit les essais musicaux comme une volonté de « rajeunir des formules périmées ».
À côté de ce corpus de chroniques, Demarquez publie dans la Revue musicale une dizaine d’articles de fond. Parmi ceux-ci, on dénombre plusieurs nécrologies et biographies de compositeurs (Holst, Bruneau, Delius, Elgar, Villa-Lobos), trois articles sur les écoles musicales nationales (la musique italienne du XVIIIe siècle, l’école anglaise et le rôle d’Edward Elgar) – un intérêt qui transparaît également dans sa critique – et un article quelque peu isolé consacré à la musique religieuse de Solesmes. Notons par ailleurs un intérêt pour l’art de la danse auquel elle consacre trois articles.
Dans les années 1950, Suzanne Demarquez publie quatre biographies de compositeurs (Jolivet, Berlioz, de Falla, Purcell) d’ambition musicologique. Ces ouvrages proposent des récits accessibles de la vie et de l’œuvre des compositeurs, dans lesquels Demarquez témoigne de son goût pour l’anecdote et la petite histoire ainsi que pour l’analyse musicale, dont l’intérêt tout particulier est signalé par Bernard Gavoty dans la préface du Manuel de Falla. Les trois ouvrages historiques sont construits selon une structure tripartite articulant introduction, biographie et catalogue des œuvres. L’analyse musicale y occupe une place essentielle, tout particulièrement dans le premier ouvrage consacré à Purcell où l’autrice complète l’étude détaillée des œuvres d’un historique des différentes formes musicales favorisées par le compositeur. La dimension musicale est réduite dans les ouvrages suivants qui dédient une place grandissante au récit biographique, généralement constitué à partir d’une compilation de sources préexistantes. Les deux dimensions s’entremêlent de manière fluide dans la biographie plus tardive de De Falla. L’ouvrage consacré à André Jolivet, son contemporain, se détache quelque peu du reste de sa production par sa forme : le récit alterne passages de dialogue entre Demarquez et Jolivet, monologues de Jolivet et de son épouse, extraits d’interviews, sans que le lecteur puisse toujours identifier précisément les sources utilisées. Cet ouvrage est également le seul où l’autrice se signale comme compositrice familière de l’expérience de Jolivet, et non comme simple analyste.
Les intérêt qui transpercent dans la critique de Demarquez se retrouvent dans ses ouvrages biographiques : les écoles nationales, l’authenticité, les modes musicaux, le mythe du compositeur (les notions de « génie » et de « don musical » sont omniprésentes). Ce lien entre travail historique et travail de critique est mis en évidence par diverses références à la scène moderne au sein du récit biographique : comparaison des pratiques contrapuntiques de Purcell et Ravel, commentaires sur une reprise récente des Troyens, et même récit autobiographique dans le cas de Jolivet. La prétention scientifique des ouvrages reste limitée : l’autrice fait appel à peu de sources et les cite rarement. Elle est d’ailleurs tributaire des idées de son temps sur le mythe du compositeur-génie ou encore sur l’identité musicale nationale. La qualité des écrits et des connaissances de Suzanne Demarquez n’en est pas moins reconnue par ses contemporains de son vivant, tant dans son travail critique que musicologique : le 28 novembre 1952, elle est admise à la Société française de musicologie, sur présentation de Marc Pincherle et André Verchaly.
Fauve Bougard
11/12/2023
prénom | Suzanne |
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nom | Demarquez |
année de naissance | 1891 |
année de décès | 1965 |
identique à | https://data.bnf.fr/14799853/suzanne_demarquez/ |