Préface de Chilpéric

genreFiction (Livret)Préface
languefrançais
compositeur
titre

Chilpéric

date1868
contenu

Hervé est l'auteur du livret de cet opéra-bouffe créé au Théâtre des Folies-Dramatiques en 1868. Il fait précéder le texte d'une préface :

Aux nations civilisées ! aux Kurdes, aux Afghans, aux Perses, aux Chinois et aux habitants de la rue Beaubourg !

Peuples ! réjouissez-vous ! un poète vous est né. Victor Hugo est un mythe, Lamartine un Pygmée ! Quant aux faiseurs de livrets d'opéra, ils peuvent faire leurs malles : Chilpéric a paru. Dans ce chef-d'oeuvre, le musicien n'est rien, le poète est tout. Quels vers ! quelle prose ! quelle charpente ! quelle intrigue ! et quelle fidélité historique !

O Eschyle ! ô Euripide ! ô Sophocle ! fouillez-vous, si vous avez de grandes poches.

Mais aussi il faut rendre justice à ma délicieuse interprétation. Le premier ténor (c'était moi), bien qu'il fût enroué, et qu'on n'ait pas pu entendre une seule note de sa voix absente, a démontré avec quel désavantage la pantomime pouvait se substituer à la déclamation lyrique. On ne peut pas nier que l'état anormal de son gosier ait quelque peu influé sur l'entrain de son jeu, lequel rappelait vaguement la gaieté d'un enterrement de troisième classe. Heureusement tournoyaient à ses côtés quelques artistes tels que Milher, Blanche d'Antigny, Monroy, etc., qui ont gagné la bataille sans lui. Les choeurs et l'orchestre sous la direction de Lefay, ont vaillamment combattu aussi. Quatre décors de Zara n'ont pas mal fait dans le paysage. Les costumes sont assez propres, et l'on ne peut pas dire que le ballet ait été sifflé !

Enfin le ténor rattrapera, ou ne rattrapera pas son ut, l'important est que la barque n'ait pas chaviré, et que le public nous maintienne sa bienveillance (j'allais dire son admiration).

Mais tout d'abord, exposons notre plan... Notre plan ?... Ma foi, je n'en ai pas. Si fait, un seul : celui de faire sourire le public dans l'intervalle de mes morceaux de musique.

Donc, aux amateurs d'histoire et de saine littérature, la liberté d'apprécier le poème lyrique qui va suivre.

Agrée, ô gentil public, l'expansion des sentiments burlesco-comico-poético-musicaux

De ton poète rigolo

HERVE.
Entre Asnières et Courbevoie, ce 1er novembre 1868.