Viaje de Hungría
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Le premier des deux journaux de voyage écrits par Albéniz correspond à un tournant dans le cours de sa vie, et marque le passage d’une adolescence aventurière et inconséquente à une première étape de son âge adulte. Sorti avec les honneurs du Conservatoire royal de Bruxelles l’année précédente, en 1880, Albéniz vivait alors une période de transition, partagé entre la poursuite de ses études et le retour définitif dans son pays. D’un côté, son professeur, Louis Brassin, avait inopinément abandonné son poste, ce qui lui ouvrait la possibilité de poursuivre sa formation pianistique avec Franz Liszt, comme le ferait son camarade Arthur de Greef. De l’autre, son père, Ángel, qui avait exploité pendant tant d’années ses qualités d’enfant prodige, venait de démissionner de son poste de fonctionnaire à Cuba, ce qui laissait présager un retour à ces anciennes pratiques.
C’est au milieu de ce dilemme, en août 1880, qu’Albéniz a entrepris un voyage en Europe centrale, avec le prétexte de rencontrer le pédagogue hongrois, mais en réalité pour fuir ou chercher un dérivatif à la charge qui recommençait à peser sur ses épaules, pour se donner une dernière chance de vivre par lui-même une expérience, loin du joug paternel. L’occasion était trop belle et, pour marquer d’un point d’orgue tous les voyages et les expériences innombrables qui l’avaient conduit dans tant de pays depuis sa plus tendre enfance, il a jugé opportun de noter tous les détails de cette excursion qu’il s’accordait complaisamment, laissant ainsi un témoignage inestimable du point culminant de son adolescence intrépide.
Le Viaje de Hungría (Voyage de Hongrie), composé comme un journal, se divise en trois cahiers. Le premier décrit le périple de Bruxelles à Budapest, via Prague et Vienne, à partir du 12 août. Le deuxième, les moments vécus dans la capitale hongroise au cours de la semaine du 15 au 21 août. Le dernier évoque le départ envisagé vers Vienne, puis vers Paris ; c’est là que, le 28 du mois, il interrompt sa rédaction avant de consigner, deux semaines plus tard, sa décision de rentrer définitivement à Madrid, mise à exécution entre le 14 et le 16 septembre. Les manuscrits autographes des deux derniers cahiers, de 82 et 73 pages respectivement, sont conservés au Museu de la Música de Barcelone (R2169/2 et 3). Quant au premier, dont l’original est perdu, nous n’en connaissons le contenu que grâce à une copie de 58 pages narrant le périple complet en question : il s’agit d’une mise au propre de la main de la fille du musicien, Laura, version légèrement censurée et gardée dans la même archive (R2168), et que semble avoir utilisée Enrique Franco en 1990 pour la seule publication qui en ait été faite à ce jour, et qui souffre donc, malheureusement, de quelques mutilations.
Ce journal de voyage est un bel exemple de fraîcheur et de jovialité démonstratives. D’un style clair, simple et intuitif, il fait la part belle aux descriptions de petits détails : le parcours du train jusqu’à Vienne, avec un accent particulier sur les vues qu’il offre du Danube jusqu’à Budapest ; les embarras pécuniaires d’Albéniz, qui ne l’empêchent nullement de resquiller une place en première, ce qui le contraint à se joindre à des parties de cartes et à vendre sa montre, parmi d’autres bijoux ; ses flirts continuels avec le beau sexe et un ou deux désagréments qui en ont résulté ; ses douleurs intestinales qui le tourmentent au long de ses équipées ; ses visites exhaustives des musées de sculpture et de peinture, des expositions industrielles et décoratives, auxquelles il accède parfois en se faisant passer pour un journaliste étranger ; ses promenades dans les parcs et les jardins, son intérêt pour les réjouissances populaires, des défilés militaires aux processions religieuses ; ou encore son goût pour l’opéra et pour la musique de rue qu’offrent gitans et orchestres d’amateurs.
Son désir supposé de rencontrer Liszt mérite une mention particulière. Albéniz profite de cette excuse pour prolonger son voyage, initialement prévu jusqu’à Prague, et se rendre à Budapest, où il était censé rencontrer l’artiste, puis à Vienne, et enfin rentrer à Paris après l’annonce du départ du Hongrois pour Rome. Ce qui est certain, ainsi que le révèle W. A. Clark (Isaac Albéniz. Portrait of a Romantic, p. 43), c’est que la correspondance de Liszt démontre qu’à cette date il ne se trouvait pas à Budapest mais à Weimar. On lit le contraire dans le journal d’Albéniz, dont l’analyse dévoilait déjà, en réalité, quelques signes d’erreurs, étant données les continuelles imprécisions sur la date de cette visite et la froideur télégraphique et lapidaire du commentaire une fois à Budapest. Il convient d’y ajouter l’inclusion stratégique du passage en question dans un pli central du document autographe, de couleur différente et, de surcroît, sans lien avec le reste, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un ajout postérieur.
L’ombre du père plane au-dessus de tout ce journal, en particulier lorsqu’Albéniz apprend la visite sans préavis de celui-ci à Bruxelles : cela crée chez lui une véritable anxiété, tant il craint que son secret soit percé. Quant à l’interruption brutale de son journal à son arrivée à Paris, l’auteur la justifie lui-même par la douleur qu’il déclare avoir éprouvée, douleur si aiguë qu’il a failli mettre fin à ses jours. Il reconnaît lui-même à la fin que « le temps des aventures est révolu ». Son père l’attendait pour reprendre les rênes de son avenir immédiat : l’acceptation d’une tournée en Amérique et d’un mariage en échange de la promesse d’un voyage à Rome pour faire enfin la connaissance de Liszt, dont on n’a d’ailleurs pas la moindre nouvelle.
Lluís RODRÍGUEZ SALVÀ
19/08/2019
(Traduction : Philippe Dessommes Flórez)
Pour aller plus loin :
- FRANCO, Enrique : Impresiones y diarios de viaje, Madrid, Fundación Isaac Albéniz, 1990. [édition fautive, comportant des passages censurés]
- RODRÍGUEZ SALVÀ, Lluís : Isaac Albéniz (1860-1909): el músico y el hombre a través de sus escritos, Oviedo, Universidad de Oviedo, 2020. [Thèse de doctorat portant sur la totalité de ses écrits]
Notice en espagnol :
El primero de los dos diarios de viaje escritos por Albéniz simboliza el punto de inflexión en una transición vital que lo llevaría de una aventurera y atolondrada adolescencia a una primera etapa de adultez. Egresado con honores del Conservatorio Real de Bruselas un año antes, en 1880, Albéniz vivía un período de transición en el que se debatía entre la continuación de sus estudios y el retorno definitivo a su país. Por un lado, su profesor Louis Brassin había abandonado su puesto de improviso, lo que abría la puerta para proseguir su desarrollo pianístico con Franz Liszt, como bien haría su compañero Arthur de Greef. Por el otro, su padre Ángel, que durante tantos años había explotado la condición de niño prodigio de su hijo, acababa de dimitir de su cargo como funcionario en Cuba, lo que presagiaba una vuelta a las andadas.
En medio de tal dicotomía, en agosto de 1880 Albéniz emprendió un viaje por Centroeuropa con la excusa de encontrarse con el pedagogo húngaro, pero que más bien parece haber sido una huida, una válvula de escape del peso que volvía a sentir sobre sus hombros, una última oportunidad de vivir una experiencia por sí mismo, sin el yugo de su padre. La ocasión era especial, y, como colofón a los incontables viajes y vivencias que desde su más tierna niñez le habían llevado por medio mundo, creyó oportuno anotar todos los detalles de esta autoindulgente excursión, testimonio impagable de la culminación de su adolescencia intrépida.
El Viaje de Hungría, escrito en forma de diario, está dividido en tres cuadernos: el primero describe la marcha de Bruselas a Budapest, vía Praga y Viena, iniciada el día 12 de agosto; el segundo, las vivencias en la capital húngara a lo largo de una semana, del 15 al 21 del mismo mes; y el último, la eventual partida hacia Viena y, posteriormente, París, ciudad en la que el día 28 la redacción queda interrumpida hasta que dos semanas más tarde se informa del regreso definitivo a Madrid, acontecido entre los días 14 y 16 de septiembre. Los autógrafos de los dos últimos cuadernos, de 82 y 73 páginas respectivamente, se conservan en el Museu de la Música de Barcelona (R2169/2 y 3). Sin embargo, del primero, que se encuentra desaparecido, únicamente conocemos su contenido gracias a una copia en limpio de 58 páginas del viaje completo debida a la hija del músico, Laura, ligeramente censurada y custodiada en el mismo archivo (R2168), que parece haber sido la usada para la única publicación hasta la fecha, la editada por Enrique Franco en 1990, por desgracia, con algunas mutilaciones.
El diario es una muestra rebosante de frescura y jovialidad. De estilo sencillo, llano e intuitivo, en él predominan las descripciones de los pequeños detalles: el recorrido del tren hasta Viena y, especialmente las vistas del Danubio hasta Budapest; sus problemas de dinero, que no le impiden atreverse a colarse en primera clase, lo que le obliga a integrarse en partidas de cartas y a vender su reloj, entre otras alhajas; sus continuos flirteos con el sexo femenino con alguna consecuencia incómoda; los dolores intestinales que le atormentan durante todas sus andanzas; sus exhaustivas visitas a museos de escultura y pintura, y exposiciones industriales y decorativas, en algunas de las cuales accede haciéndose pasar por periodista extranjero; sus paseos por parques y jardines; su interés por las fiestas populares, desde desfiles militares a pasos religiosos; o su atracción por la ópera y también por la música callejera de gitanos y de orquestas amateurs.
Mención aparte merece su presunta voluntad de encontrar a Liszt. Albéniz aprovecha la excusa para prolongar el viaje, inicialmente sólo previsto hasta Praga, y así llegar a Budapest, donde tendría lugar el supuesto encuentro, y finalmente a Viena, de vuelta a París, tras el anuncio de la marcha del húngaro a Roma. Lo cierto es que, según ya descubre W. A. Clark (Isaac Albéniz. Portrait of a Romantic, p. 43), el epistolario de Liszt demuestra que en ese momento no estaba en Budapest, sino en Weimar, lo que desmiente el contenido del diario, cuyo análisis, de hecho, ya apuntaba algunos indicios del engaño, dadas las continuas imprecisiones en la fecha de la visita y a la telegráfica frialdad del brevísimo comentario una vez acontece, a las que cabe sumar la estratégica inclusión del pasaje en cuestión en un pliegue central del autógrafo, de color diferente y, además, desligado del resto, lo que sugiere haber sido un añadido posterior.
La sombra del padre planea a lo largo de todo el diario, especialmente cuando llega a su conocimiento la visita de éste a Bruselas sin aviso previo, lo que provoca en Albéniz un estado de ansiedad fruto del miedo ante una posible revelación de su secreto. La interrupción abrupta del diario a su llegada a París la justifica el propio autor por el sufrimiento que declara haber padecido, hasta el punto de hacerle acabar casi con su vida. Él mismo confiesa al final del mismo que «los tiempos de aventura han pasado ya». Su padre lo esperaba para tomar las riendas de su futuro inmediato: la aceptación de una gira por América y la de una boda concertado por la promesa de un viaje a Roma para finalmente conocer a Liszt del que no hay noticia alguna.
genre | Autobiographie (Récit de voyage) |
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langue | espagnol; castillan |
date | 1880 |
description matérielle et bibliographique | Journal en trois cahiers. Les manuscrits autographes des deux derniers , de 82 et 73 pages respectivement, sont conservés au Museu de la Música de Barcelone (R2169/2 et 3). Le premier cahier est perdu mais une copie de la main de sa fille est conservée dans le même fonds d'archives (R2168). |
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