Méthode complète de piano
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Herz édite sa Méthode alors qu'il vient d'ouvrir avec son frère Jacques, à l'automne 1838, une « Ecole spéciale de piano » dans la manufacture de pianos qu'il vient de faire construire. Il la fait paraître en 1839, à la fois en anglais à Londres chez D'Almaine et à Paris chez Meissonnier, après avoir commercialisé le Dactylion, instrument destiné à fortifier les doigts, et le recueil 1000 Exercices qui l'accompagne (1835).
L'ouvrage comporte 140 pages, près du double de la Méthode pour apprendre le piano à l'aide du guide-mains de Kalkbrenner (1831) ; le volume annoncé, destiné à des élèves d'un niveau supérieur, ne verra pas le jour, Herz éditant au contraire en 1854 une version abrégée sous le titre Petite méthode élémentaire composée pour les jeunes élèves. Il se présente, comme ce fut longtemps l'usage, en deux parties, l'une théorique (p. 1-23), l'autre pratique.
Après la partie exposant traditionnellement les « Élémens de musique », la partie théorique comprend une large section, « Du piano » (p. 10-23), qui s'ouvre sur l'idée répandue à l'époque selon laquelle le rôle principal du piano consiste à réduire l'opéra : « Embrassant à lui seul toute l'étendue de l'échelle musicale, il est, de tous les instruments, le plus propre à résumer l'orchestre, et, par conséquent, à retracer le souvenir et reproduire les effets des œuvres dramatiques. » L'ouvrage est ainsi tout entier tourné vers la recherche des moyens d'expression, le titre donné à la toute dernière Étude de l'ouvrage étant précisément « Expression ».
Parmi ces éléments, le toucher tient une place centrale : « Autant il y a de nuances dans le sentiment musical, autant il y en a dans le toucher » écrit-il ainsi (p. 13). Il en distingue cinq, avec autant de signes qui les représentent (dont deux signes de son invention) : neutre, piqué avec les doigts seuls, staccato en levant la main, jeu lié fondu, lié avec léger accent et poids pour les périodes chantantes.
En outre, l'auteur use d'une palette d'indications particulièrement riche, notamment concernant le changement de tempo – à l'image du rubato des chanteurs –, présentés « à peu près dans leur ordre progressif » comme suit : Morendo, Smorzando, Perdendosi (ces trois expressions, dit-il, affectant aussi l'intensité), Calando, rallentando, ritunuto, Meno mosso.
Dans le même but expressif, Herz préconise le léger décalage rythmique entre la main droite et la main gauche, pratique dont il déplore l'abandon : c'est ainsi, écrit-il (p. 20), que Dusseck « répandait une teinte vaporeuse et mélancolique sur certaines périodes en laissant chanter la main droite d'une manière vague et nonchalante, tandis que la gauche exécutait des battements rigoureusement en mesure ».
La virtuosité, qui fait fureur à l'époque, n'est cependant pas oubliée, comme en rend compte la partie pratique : on y trouve les exercices sur l'indépendance des doigts, les « notes répétées par changement de doigt », les gammes, les gammes en octaves, les exercices sur les ornements (pour imiter les chanteurs de l'opéra italien), les croisements de mains et les passages sautés, tout ce qui permet de jouer les concertos brillants de l'époque. Ceux-ci sont suivis de courts morceaux de difficulté progressive (« Douze airs favoris » ; « Six récréations », généralement des variations sur des airs d'opéra) et de 18 « études spéciales » de vélocité, traitant chacune une difficulté particulière, jusqu'à la dernière et la plus haute, l'expression.
Herz donne enfin des conseils généraux sur le choix des morceaux et les précautions à prendre pour se faire entendre en public : le pianiste doit prendre en compte sa personnalité, le public (« le principe étant de ne jouer devant un auditoire, quel qu'il soit, que ce qu'il peut comprendre et ce qui peut lui plaire ») et l'espace (« dans un salon étroit, un piano trop éclatant, une attaque trop vigoureuse nuiraient à l'effet et fatigueraient l'oreille »), et met en garde ceux qui voudraient improviser en public, citant l'exemple de Hummel, « le premier improvisateur de l'époque, sans contredit » qui a lui-même « eu ses jours de malheur » (p. 23).
La réédition de la Méthode en 1841, préfacée par Georges Kastner, atteste de son succès ; quand Herz succède en 1842 à Louis Adam au Conservatoire, l'ouvrage est adopté par l'établissement. Comme Herz enseignera au Conservatoire pendant trente-deux ans, il renseigne la manière dont seront formées plusieurs générations de pianistes, César Franck la préconisant aussi à ses élèves.
Laure SCHNAPPER
06/04/2019
éditions numérisées | |
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genre | Méthode |
éditeur | J. Meissonnier |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1839 |
nombre de pages | 139 |
langue originale | français |
compositeur |