Bagázh: Memoirs of a Russian Cosmopolitan
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Le premier livre de Nabokov, Old Friends and New Music (1951), consistait en une série d’essais de nature principalement autobiographique. Le succès de l’ouvrage, et la notoriété accrue du compositeur devenu, la même année, secrétaire général du Congrès pour la liberté de la culture, poussaient, dès 1958, Michael Bessie de Harper & Row à lui proposer d’écrire l’histoire de sa vie, et un contrat était signé l’année suivante, l’éditeur berlinois Fischer acquérant une option pour la version allemande. Mais, à part un chapitre consacré à Harry Kessler paru en français dans Preuves et en allemand dans Der Monat en 1962, Nabokov, accaparé par ses fonctions, puis, après son départ du Congrès en 1967, par la reprise de sa carrière de compositeur et d’enseignant, ne devait s’atteler sérieusement à la rédaction qu’en 1972-1973. Écrit directement en anglais, et révisé avec l’assistance d’Anna Kallin à Londres, le livre paraissait presque simultanément en 1975 dans une version considérablement réduite par Bessie chez Atheneum à New York (et à Londres chez Secker and Warburg) et, en traduction allemande, chez l’éditeur munichois R. Piper & Co.
Le mot russe Bagázh, titre finalement retenu pour l’édition en langue anglaise – avec le sous-titre « Mémoires d’un cosmopolite russe » –, renvoie, concrètement, à l’énorme quantité de « bagages » avec laquelle voyageaient les familles russes fortunées d’avant la révolution et, symboliquement, à tout ce qu’un exilé conserve avec lui de son pays d’origine. Le titre de la traduction allemande de Claus Henneberg et Helmut Jaerisch, Zwei rechte Schuhe im Gepäck (« Deux souliers droits dans les bagages »), évoque, plus prosaïquement, le départ précipité des Nabokov pour l’exil en 1919. Quant à l’édition française de 1976, réalisée à partir de l’édition américaine par Claude Nabokov (épouse d’Ivan, le fils aîné du compositeur), elle est, plus banalement, intitulée Cosmopolite, titre plus ou moins imposé par l’éditeur Robert Laffont. Une nouvelle édition de 2002 chez Mémoire du livre est augmentée d’un catalogue des œuvres et d’une discographie. Plus récemment, des passages sont également parus en Russie dans des périodiques.
Si la première partie du livre évoque l’enfance et l’adolescence de Nabokov jusqu’à 1919, le restant n’est pas un récit linéaire : il saute des pans entiers de la vie de l’auteur – pourtant présents dans ses manuscrits – et bouleverse parfois l’ordre chronologique, regroupant, par exemple, dans la deuxième partie, les souvenirs concernant Stravinsky, de 1928 à sa mort, et faisant de même, dans la troisième partie, à propos de W.H. Auden. Ce caractère épisodique du livre ressort assez maladroitement dans les versions anglaise et française en raison de la division en parties, alors que l’édition allemande a su en tirer habilement parti avec une organisation en courtes sections non numérotées et munies chacune d’un titre. Plus respectueuse de l’ordre chronologique, cette édition allemande est, en outre, moins « élaguée » et incorpore de surcroît des passages empruntés à Old Friends and New Music.
Présenté en avant-propos comme l’ouvrage d’un « conteur » et d’un « raconteur », plutôt qu’un témoignage objectif, Bagázh, riche en dialogues reconstitués plusieurs décennies après les faits, ne pouvait que prêter le flanc à la critique, et la véracité de certains épisodes est sujette à caution. Ainsi, le critique Hans Meyer n’a pas eu de peine à démontrer que la rencontre avec Rainer Maria Rilke chez Kessler à Weimar en 1922 ne pouvait avoir eu lieu telle qu’elle figure dans le livre (voir Hans Mayer, « Eine seltsame Begegnung zwischen dem Musiker Nabokov und Rilke », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 24 décembre 1975). Même l’évocation de la famille Nabokov a provoqué l’ire des cousins de l’auteur. La valeur de l’ouvrage n’en est pas moins grande, étant donné le nombre et la diversité des amitiés nouées par Nabokov durant sa vie, de George Balanchine à Henri Cartier-Bresson et d’Isaiah Berlin à Robert Oppenheimer.
La relative discrétion avec laquelle Nabokov traite de son action à la tête du Congrès pour la liberté de la culture s’explique à la fois par le désir de ne pas relancer les polémiques concernant son financement partiel par le canal de la CIA et aussi par le fait qu’il envisageait d’écrire un deuxième volume consacré principalement à ses voyages et rencontres dans le cadre du Congrès, travail que la mort ne lui permit pas d’achever.
Vincent GIROUD
24/10/2018
genre | Autobiographie (Mémoires) |
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éditeur | Atheneum |
lieu d'édition | New York |
années d'édition | 1975 |
nombre de pages | ix-307 |
langue originale | anglais |
traductions | |
réédition d'ouvrage | |
compositeur |