Extrait d'une réponse de M. Rameau à M. Euler, sur l'identité des octaves
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Jean-Philippe Rameau avait adressé au mathématicien Léonard Euler, successivement, sa Démonstration du Principe de l’Harmonie (Paris : Pissot, 1750) et, une lettre du 30 avril 1752 accompagnant l’envoi, ses Nouvelles Réflexions de M. Rameau sur sa Démonstration du Principe de l’Harmonie (Paris, Pissot, 1752). C’est à une courte missive du savant suisse, datée du 13 septembre 1752, globalement très consensuelle mais pouvant laisser entendre peut-être quelque divergence de vue concernant la lecture à faire des systèmes théoriques grecs issus des travaux de Pythagore, que fait suite l’Extrait d’une réponse de M. Rameau à M. Euler…, texte d’abord paru dans la seconde livraison du Mercure de France (décembre 1752), puis édité en volume séparé chez Durand l'année suivante (réimpr. dans Rameau, Complete Theoretical Writings (E. Jacobi, éd.), vol. v, New York, Broude Brothers, 1969, p. x-xi et 147-148).
Avant de renvoyer globalement à sa théorie du Corps sonore et à ses ouvrages la développant (Génération harmonique, 1737 ; Démonstration… et Nouvelles Réflexions… (p. 31-40), Rameau (parlant de lui-même à la 3e personne : « M. Rameau… ») s’attache d’abord à exposer les preuves de « l’identité des octaves » : l’expérience scientifique mais aussi la pratique d’instruments tels que l’orgue ou le clavecin montrent que les octaves sont présentes dans la résonance du corps sonore, mais qu’on ne les perçoit pas (p. 1-4). Si le chant est d’abord constitué d’intervalles « moindres » (ceux, plus petits que l’octave et la quinte, qui ne sont pas donnés directement par la résonance naturelle), c’est parce que ceux-ci sont aisés à entendre et à émettre (p. 13), mais ils ne peuvent procéder que de « produits de produits » (p. 24), soit la résonance des octaves sous-multiples du générateur, qui le représentent, et de ses douzième et dix-septième (p. 8-13). L’oreille choisit l’une ou l’autre octave pour former un intervalle de chant, parce que les octaves lui sont identiques (p. 17), et l’harmonie ne change pas si l’on substitue, sur les mêmes sons, un intervalle descendant à un intervalle ascendant (p. 20) ; les hommes et les femmes pensent chanter à l’unisson alors qu’ils chantent naturellement à une octave de différence (p. 18). Les différentes octaves apportent de la diversité dans l’Harmonie et la Mélodie, comme le font par ailleurs les différentes dispositions d’accords ; mais le générateur d’un accord, même renversé, reste toujours le même (p. 14-17, 20). Les systèmes musicaux élaborés depuis Pythagore par les savants « géomètres » ont reposé sur une erreur, parce que l’identité des octaves y a été ignorée, jusqu’à Zarlino lui-même, qui a pourtant donné le premier les rapports exacts des intervalles du système diatonique (p. 22-26). Les véritables musiciens cependant, se laissant guider par l’oreille, ne sont jamais tombés dans cette erreur, car l’identité des octaves s’est toujours imposée à eux (p. 23) ; « à la fin l’oreille a pris le dessus », l’on a fini par reconnaître que les théories des modes anciens (grecs, plain-chant…) reposaient sur l’erreur originelle, et qu’il ne pouvait exister que deux modes, le majeur et le mineur (p. 29, 31), dont la génération repose sur la résonance naturelle.
Pierre SABY
22/12/2023
Pour aller plus loin
Euler, Léonard, « Lettre » à Rameau, dans Haine, Malou (éd.), 400 Lettres de musiciens au musée royal de Mariemont, Liège : Mardaga, 1995, p. 56-57.
Legrand, Raphaëlle, Rameau et le pouvoir de l’harmonie, Paris : Cité de la musique - Les Éditions, 2007, 175 p.
éditions numérisées | |
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genre | Essai |
éditeur | Durand |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1753 |
nombre de pages | 41 |
langue originale | français |
compositeur |