Beethoven, biographie critique
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Deuxième ouvrage musicographique de Vincent d’Indy après son César Franck (1906), Beethoven est sous-titré « biographie critique » comme l’ensemble des volumes de la collection « Les Musiciens célèbres » lancée par l’éditeur Henri Laurens en 1906. L’ouvrage, commandé dès 1905, n’est publié qu’en 1911. Ses dimensions modestes (148 p.) correspondent au format de la collection qui n’est pas pour déplaire à d’Indy – il juge volontiers indigestes les longs ouvrages de musicologie allemands.
Après César Franck, dont il a été l’un des plus proches disciples, d’Indy s’attache avec Ludwig van Beethoven à l’une de ses plus grandes admirations. Chef d’orchestre, il a dirigé ses symphonies et analysé l’ensemble de son œuvre dans le cadre de son cours de composition à la Schola Cantorum. Plus encore que Franck, Beethoven est pour lui un jalon essentiel dans l’histoire de la musique.
Le point de vue de d’Indy est celui d’un compositeur, et même d’un professeur de composition. Pour lui, « le seul facteur à consulter dans une étude sur Beethoven, celui qui ne trompe jamais, c’est la musique… » (Lettre de d’Indy à Octave Maus, Tamaris, [mars 1911], dans « Lettres de Vincent d’Indy à Octave Maus », Revue belge de musicologie, vol. XV, 1961, p. 128) : « à partir de 1801, c’est presque pas à pas que l’on pourrait reconstituer la vie de Beethoven par ses œuvres » (D’Indy, Beethoven, p. 56). Son plan tripartite s’inspire du Beethoven et ses trois styles de Wilhelm von Lenz (1852), l’une de ses grandes références, en étudiant successivement pour chaque « période » du compositeur sa « vie » et sa « musique ». S’adressant à un public d’amateurs éclairés, il n’hésite pas à développer des considérations analytiques et techniques.
Si d’Indy fait le choix d’un propos avant tout esthétique, c’est aussi parce qu’il est hostile aux interprétations extramusicales, notamment politiques et idéologiques, dont Beethoven a précédemment fait l’objet en France. Dans ses lettres, il critique violemment les « baveux musicographes, qui ont écrit sur [Beethoven] des livres copieux autant qu’idiots » (Lettre de d’Indy à Charles Langrand, Tamaris, 18 mars 1911, dans V. d’Indy, Ma Vie. Journal de jeunesse, correspondance familiale et intime (1851‑1931), choix, présentation et annotations de Marie d’Indy, Paris, Séguier, 2001, p. 718) et les « travestissements » qu’ils ont fait subir au « pauvre grand homme » (Lettre citée à Octave Maus). Il s’oppose aux auteurs qui ont fait de Beethoven un républicain, un révolutionnaire, un libre-penseur ou un anticlérical, s’en prenant en particulier à Victor Wilder, Jean Chantavoine, Julien Tiersot et Romain Rolland dont la Vie de Beethoven, publiée en 1903, est devenue un immense succès de librairie. Réfutant le point de vue de ses prédécesseurs, il donne sa propre vision de Beethoven, soulignant ses convictions religieuses, le montrant plutôt conservateur et attaché à l’Ancien Régime, hostile aux révolutionnaires français mais admirateur de Napoléon, contestant même l’idée qu’il ait pu être révolutionnaire dans le domaine musical. Inhabituel, son propos n’est sans doute ni plus ni moins partial que certains de ses contemporains : assurément, le « biographe » prête à Beethoven nombre de ses propres traits. Comme à son habitude, d’Indy s’autorise aussi de nombreuses considérations et souvenirs personnels, volontiers polémiques.
D’Indy date l’achèvement de son livre du 27 mars 1911, à la fois jour-anniversaire de ses soixante ans et lendemain de celui de la mort de Beethoven. Publié fin 1911, le Beethoven rencontre un moindre succès que le César Franck. Le compte rendu le plus significatif dont il fait l’objet est celui de l’écrivain catholique Léon Bloy dans Les Tablettes de la Schola, qui renforce sa portée mystique et fait peu de cas de sa valeur musicologique. Bien qu’il ait été plusieurs fois réédité et traduit en anglais, japonais et portugais, la postérité du Beethoven de d’Indy est loin d’avoir atteint celle de la Vie de Beethoven de Rolland. Si le musicien fait autorité en matière beethovénienne, il le doit plutôt à ses analyses d’œuvres du Cours de composition, citées d’ailleurs abondamment par Romain Rolland dans ses Grandes Époques créatrices.
Gilles SAINT ARROMAN
(22/01/2017)
éditions numérisées | |
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genre | Biographie |
éditeur | Henri Laurens |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1911 |
nombre de pages | 148 |
langue originale | français |
traductions | |
compositeur |