Notes (Journal d'un musicien)
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Constitué d’un choix d’entrées de son journal datant du milieu des années 1890 à celles qui précèdent la Première Guerre mondiale, l’ouvrage Notes (journal d’un musicien) est édité à la Librairie Plon à Paris pendant l’été 1933 (ii-293 p.). Reynaldo Hahn aurait souhaité l’intituler Notes sans portée, mais ce titre avait déjà été utilisé par Willy pour un recueil paru chez Flammarion en 1896. Trois grandes parties le composent : « Juvenilia » ; « Rome, Venise, Londres, Bucarest, Berlin » ; « Avant-guerre ». Une première version des sections sur Rome et Venise avait été publiée en octobre 1928 dans La Revue hebdomadaire, sous le titre « Fragments d’un journal ». Par la suite, afin de compléter le volume de 1933, de « Nouveaux souvenirs inédits » paraîtront en août et septembre 1935 dans l’hebdomadaire de tendance maurrassienne Candide (en sept livraisons), les pages littéraires de ce périodique échappant en partie à sa mouvance nationaliste et antisémite. En 1949, Plon réédite ces Notes telles quelles, sans les ajouts ultérieurs, sous le seul titre de Journal d’un musicien.
Dans son « Avant-propos », Hahn s’excuse de « certaines naïvetés » dues à sa « jeunesse inavouable » lorsqu’il a commencé à tenir son journal, lequel « a été très souvent interrompu ». Il a écarté de nombreux passage traitant de musique par crainte que des « impressions […] rapidement notées […] fussent mal comprises », ainsi que les pages « marquées d’un caractère trop intime » ou faisant état de ses « soucis de compositeur ». Rappelant qu’il n’est « qu’un écrivain d’occasion » et « que le français n’est même pas [sa] langue maternelle », il compte sur « l’indulgence » de ses lecteurs.
Suit un ensemble de récits de rencontres, de narrations incisives sur sa vie sociale, d’impressions de voyage, de relevés intimes et de jugements esthétiques touchant à l’ensemble des arts, mais dont les modernes sont pratiquement exclus. Citons, parmi les personnalités rencontrées, Pauline Viardot, Gustave Moreau, Hortense Schneider, Pierre Loti, Mallarmé, Saint-Saëns. Est aussi évoquée sa fréquentation du salon de la princesse Mathilde, qui « émet des opinions d’une simplicité fruste avec une bonhommie bourrue » (p. 12) ; de celui d’Alphonse Daudet, « charmant, plein de gaieté, l’œil profond » (p. 21), où il côtoie Edmond de Goncourt, qui lui « parle longuement de peinture » ; ou de la coterie de la princesse de Polignac, avec laquelle et ses invités, après un dîner au palais Contarini à Venise, ils ont « passé en revue cent opéras italiens, chantant et jouant tous les rôles » (p. 187). Hahn peut être à l’occasion cinglant devant certains ridicules de la société mondaine, comme lors d’un dîner chez Mme de Pourtalès où « élégance et futilité » font bon ménage : « Les L..., lui, d’une insigne insignifiance, elle, l’air d’une pipelette qui a fait ses classes. Les C..., personnifiant, lui, le Cercle, elle, la Myopie » (p. 100).
Dans ses pérégrinations, le compositeur se montre curieux de tout. Il est ainsi tour à tour impressionné par « l’amour du pompeux, de l’énorme, la mégalomanie effrénée » qui règne en Allemagne (p. 240), charmé par « l’idiome vénitien », à la fois « enchanteur » et « juvénile » (p. 179), ou ému dans les jardins royaux de Versailles, où il ressent « comme une dilatation de l’être entier, tant tout est vaste, pur, mystérieux, doré ! » (p. 83). Quant à la musique, dont il traite maintes fois quoi qu’il en dise, elle s’inscrit dans sa recherche constante d’un « art [qui] n’atteint un grand degré de puissance expressive que lorsqu’il imite la vie » (p. 283). Mais la « bonne musique » doit aussi s’enrober d’« une sorte de glacis qui doit tout recouvrir et qui […] relève les parties peu colorées et atténue l’outrance des teintes trop violentes » (p. 12). D’où l’œuvre de Mozart en tête de son panthéon, où l’on peut relever aussi les noms de Gluck, Schumann, Chopin, Mendelssohn, Gounod, Saint-Saëns, Massenet, mais également ceux d’Offenbach et Messager.
Si pour la Revue des lectures (15 août 1933) l’ouvrage ne contient que des « notes […] quelque peu grises » et « peu de passages sur les questions musicales », il est au contraire pour Le Temps, sous la plume d’Henry Malherbe, semblable à « quelque chose comme un essai d’esthétique comparée » (16 août 1933). Alors que ce dernier voit en l’auteur « un disciple de Maurice Barrès », sa prose est plutôt, selon Léon Daudet, « inspiré du fameux Journal des Goncourt », se montrant digne de « ce que les contemporains disaient de la conversation de Rivarol : “Un feu d’artifice tiré sur l’eau” » (Candide, 20 juillet 1933). Opinion partagée par Dominique Sordet, qui ne trouve pas « dans l’histoire de la musique beaucoup de compositeurs aussi doués sous le triple rapport de l’intelligence générale, de la sensibilité artistique et de la culture » (Ric et Rac, 2 septembre 1933). Aussi, Guy de Pourtalès, qui regarde Reynaldo Hahn comme « le plus imprévu et le plus fin des critiques d’art », le place-t-il très haut : « Depuis les Mémoires de Berlioz et le Monsieur Croche antidilettante, de Claude Debussy, je ne sache pas un livre de musicien, qui se puisse comparer à celui-ci. » (Marianne, 2 août 1933.)
Philippe BLAY
01/06/2020
genre | Autobiographie (Mémoires)Autobiographie (Récit de voyage)Ecrit auto-analytique |
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éditeur | Librairie Plon |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1933 |
nombre de pages | II-293 |
langue originale | français |
réédition d'ouvrage | |
compositeur |