La Belle Vielleuse

L’édition de 1783 s’ouvre sur un frontispice représentant une joueuse de vielle, en jupe, et à l’arrière-plan, on voit un paysage avec un moulin à vent. Au-dessous on lit le quatrain suivant :

Aucune vielleuse si belle,
Ne rendit mieux nos jolis airs,
Et ne fut jamais plus rebelle
A ses adorateurs divers.

Il semble que Corrette ait tenu compte des ouvrages de Hotteterre (1737), Dupuits des Bricettes (1741) et surtout de celui Bouin, dont il copie le titre (La Vielleuse habile…), paru en 1761. La Préface, très courte, se contente d’annoncer le contenu du recueil, en signalant que nombre de pièces, marquées par une astérisque, sont des compositions de l’auteur. Pour les notions de solfège, il renvoie à sa Méthode Le Parfait Maître à chanter. Les premiers chapitres s’attardent sur les spécificités de l’instrument : la manière de tourner la roue, la technique du coup de poignet, la description du clavier et de son étendue et enfin une série de conseils très pratiques pour l’entretien de l’instrument.  Viennent ensuite de nombreux airs, tous doigtés (p. 14-21). Les bases techniques sont alors acquises, et nous ne trouvons plus aucun doigté dans la suite du recueil qui livre des duos (p. 22-25), des ariettes avec basse continue (p. 26-30) et enfin une longue suite de l’Auteur pour solo et basse continue (p. 31-40). Les difficultés croissent dans les airs variés (p. 41-44). Le recueil se termine par plusieurs chansons, ariettes et vaudevilles avec bien sûr les paroles, leurs mélodies et leur basse. Corrette ici travaille pour un public d’amateurs, et la progression des exercices montre qu’il entend monter le niveau aussi haut que possible (en particulier dans les variations). Le répertoire ainsi constitué donne un aperçu des airs les plus appréciés des Parisiens peu avant la Révolution.

La Méthode de vielle est le seul ouvrage de Michel Corrette à avoir été réédité au XIX^e siècle. Désormais l’ouvrage n’est plus manuscrit, mais typographié. Dans la première partie, les textes et les exemples musicaux sont réorganisés, et, malgré certaines suppressions, ils sont maintenus pour l’essentiel. Ensuite le nombre d’airs est beaucoup réduit ; leurs titres sont parfois modifiés ou supprimés (sans doute parce qu’ils n’évoquent plus rien pour les musiciens du XlX^e siècle). Les doigtés disparaissent dès la p. 12, ainsi que tous les airs avec basse continue. Cette méthode donne à penser que l’instrument populaire a encore un public et même des maîtres qui l’enseignent, alors que l’évolution de la musique dans ce nouveau siècle a pris des orientations tellement différentes.

Yves JAFFRES
18/11/2019