Monsieur Croche Antidilettante
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Monsieur Croche Antidilettante de Claude Debussy est publié en 1921 chez Dorbon et à la Nouvelle Revue Française, trois ans après la mort du compositeur. Toutefois cette édition ne peut pas être considérée comme un ouvrage uniquement posthume. En effet, Debussy a travaillé à son élaboration dès les années 1910 et a remis à l’éditeur Dorbon un manuscrit contenant les articles retenus et remaniés fin 1913. En février 1914, il refuse de donner à l’éditeur un bon à tirer, jugeant les épreuves « informes ». Dans une lettre du 28 mai au même, il précise sa pensée en expliquant que l’ensemble « nécessite un travail de révision considérable pour arriver à ce que ce petit livre se tienne et ne soit pas qu’une réunion d’articles mis bout-à-bout, vaille que vaille » (Debussy, Correspondance 1872-1918, éd. François Lesure et Denis Herlin, Paris, Gallimard, 2005, p. 1814). Visiblement Debussy hésitait sur la forme qu’il convenait de donner à ce livre. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale et la maladie dont souffre Debussy l’empêchent de mener à son terme l’édition de ses textes. Pressée par Dorbon et la NRF, Emma Debussy, l’épouse du compositeur, confie à Louis Laloy fin 1918 le soin d’achever l’édition à partir d’un jeu d’épreuves vierges. Ce dernier révise le plan de l’ouvrage et y apporte un certain nombre de corrections, notamment en ajoutant certaines phrases de transition ou en écourtant plusieurs passages. En l’état actuel des connaissances, il est impossible de savoir quelle forme Debussy comptait donner à ce livre.
Tel qu’il est publié en 1921, ce volume se divise en vingt-cinq chapitres composés d’articles de La Revue blanche (1901) et du Gil Blas (1903), à deux exceptions près : le vingt-quatrième consacré à Gounod est issu de Musica (1906), et le neuvième dévolu à Massenet contient une partie du texte extrait d’un article du Matin (1912). En revanche, le fait qu’aucune des treize chroniques de la S.I.M. (1912-1914) n’ait été introduite est hautement révélateur. Le musicien ne les estimait probablement pas autant que ceux de La Revue blanche et du Gil Blas. Les chapitres I à III, VI-VII et IX mêlent plusieurs extraits de ses articles, tandis que les autres ne proviennent que d’une source unique. Mais en général, le plan choisi à partir de la moitié du troisième chapitre est plutôt d’ordre chronologique. Seuls les chapitres XVII (sur Siegfried Wagner), XXI (sur Vincent d’Indy) et XXV (lettre au chevalier Gluck) interrompent cette trame.
C’est sous cette forme que les textes de Debussy ont été diffusés uniquement par Gallimard à partir de 1926. L’année suivante, l’ouvrage est traduit en anglais par B. N. Langdon Davies et édité à Londres chez N. Douglas. En 1971, François Lesure rassemble l’ensemble des écrits et interviews de Debussy chez Gallimard, édition qui fait l’objet d’une révision en 1987. Bien qu’ayant pour titre Monsieur Croche et autres écrits, celle-ci ne comporte plus le texte de 1921, mais réunit uniquement les articles de Debussy dans l’ordre chronologique, tels qu’ils ont été publiés dans La Revue blanche, le Gil Blas et la S.I.M., mêlés à d’autres plus occasionnels dans Musica, Le Mercure de France, Le Matin ou Le Figaro. À partir de l’édition de 1971, Richard Langham Smith a donné une nouvelle traduction anglaise chez Knopf en 1977.
En intitulant son ouvrage Monsieur Croche Antidilettante, Debussy savait que l’invention de ce personnage, dont le rôle était à l’origine très limité, avait grandement contribué à la renommée de ses écrits. Sans cet emprunt à la Soirée avec monsieur Teste de Paul Valéry, ses textes auraient-ils joui d’une si grande notoriété ? Bien que foisonnant d’idées et de réflexions personnelles qui, comme dans sa correspondance, tranchent nettement avec les articles de l’époque, ils contiennent des redites, mais aussi des ellipses que le compositeur ne souhaite pas développer plus longuement, tant sa forme de pensée s’apparente à l’aphorisme. Il n’en demeure pas moins que le compositeur avait conscience de la qualité de certains de ses écrits, de la singularité de son style comme de son sens de la tournure. En même temps, il avait éprouvé une réelle difficulté à transformer ses textes en un livre cohérent.
Denis HERLIN
31/10/2017
Pour aller plus loin
François Lesure, « Introduction » in Claude, Debussy, Monsieur Croche et autres écrits, éd. François Lesure, Paris, Gallimard, 1987, collection L’Imaginaire, no 187 (première édition Paris : Gallimard, 1971, collection Blanche).
Denis Herlin, « Les mésaventures de Monsieur Croche », in Michel Duchesneau, Valéry Dufour et Marie-Hélène Benoit-Otis (dir. sc.) Écrits de compositeurs, une autorité en question, Paris, Vrin, 2013, p. 231-258.
André Schaeffner, « M. Croche » in Variations sur la musique, Paris, Fayard, 1998, p. 357-373.
éditions numérisées | |
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genre | Critique Musicale |
éditeur | Dorbon aîné |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1921 |
pages | 144 |
édité par | Louis Laloy |
langue originale | français |
reprise ultérieure | |
compositeur |