Luigi Russolo (1885-1947)
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Né à Portogruaro en 1885 dans la région de la Vénétie, Luigi Russolo rejoint Milan avec sa famille en 1899. C'est par l'intermédiaire de ses frères, qui sont inscrits au conservatoire, qu'il s'initie à la musique. En 1907, la mort de son père, qui tenait une boutique d’horloger, l’oblige à travailler pour subvenir à ses besoins. Il fait alors la connaissance d’Umberto Boccioni et adhère au mouvement futuriste, initialement en tant que peintre.
Fondé en janvier 1909 par l’écrivain Filippo Tommaso Marinetti, le mouvement futuriste veut renouveler l’art et la culture italiennes. Russolo participe au groupe des peintres futuristes et est présent lors des expositions collectives du groupe, dont il signe tous les manifestes. Mais c’est à Balilla Pratella, enseignant au conservatoire de Pesaro, que Marinetti, grand admirateur de Wagner durant ses années symbolistes, confie naturellement la charge de composer un opéra qui s’intitulera L’Aviateur Dro. Pour Marinetti, cet opéra doit introduire le nouveau monde des machines sur la scène. Pratella publie un tract polémique contre Richard Strauss, puis, en octobre 1910, le Manifeste des musiciens futuristes qui suscite de nombreuses réactions dans toute l’Europe. C'est dans ce contexte qu'Arthur Maquaire, jeune Belge, pose sa candidature pour adhérer au mouvement futuriste et envoie son livre Enharmonisme et Futurisme, musique idée même du monde à Marinetti. Dans une de ses lettres, Marinetti demande à Pratella, en décembre 1913, d’introduire le bruit d’un moteur d’aéroplane dans l’orchestre. Mais il finit par se rendre compte que Pratella manque d’audace et qu’il ne sera jamais capable de mettre en scène le nouveau monde des machines. Il s’adresse alors à Russolo dont la sensibilité est tournée vers la musique et l'encourage à écrire le manifeste L’Arte dei rumori, publié le 11 mars 1913 et aussitôt traduit en français sous le titre L’Art des bruits. Pour des raisons diplomatiques, ce manifeste prend la forme d’une lettre ouverte adressée à Pratella. Dans cette lettre, il développe l’idée que la musique classique, avec des instruments tels que le violon, est un peu sage pour nos oreilles modernes habituées aux dissonances de la ville, de la guerre et des machines. Il oppose le son, policé et toujours musical, au bruit, manifestation pure de la vie en acte, et propose de travailler à l’élaboration d’un son-bruit. Pour cela, il classe les bruits en six catégories et donne huit recommandations aux jeunes musiciens pour fabriquer ces sons-bruits modernes et futuristes. Pendant cette même période, Marinetti a élaboré les principes des « mots en liberté » futuristes en publiant trois manifestes, dont L’Imagination sans fils et les mots en liberté, manifeste futuriste daté du 11 mai 1913. Dans ce dernier, Marinetti théorise « l’accord onomatopéique psychique, expression sonore mais abstraite, d’une émotion ou d’une pensée pure ». Sa position est alors fort proche de celle de Russolo : il abandonne l’idéalisme fusionnel et la fluidité de l’esthétique wagnérienne pour adhérer à une esthétique du discontinu, du choc sensoriel et du réalisme immédiat de l’onomatopée. Tout de suite après la publication de son manifeste, Russolo met au point, avec la collaboration du peintre Ugo Piatti, ses bruiteurs (« intonarumori »), instruments aptes à produire des bruits spécifiques de la ville ou des machines. Au bout d'un an, il donne un grand concert au Teatro Dal Verme de Milan, le 21 avril 1914. Pour la première fois, Russolo utilise le mot « spirales » pour définir les trois performances sonores des 18 bruiteurs du concert. La première, intitulée « Réveil d'une ville », est composée des grincements du tramway et de la stridence des sirènes, un thème qui connaîtra un grand succès dans les films d'avant-garde. Viennent ensuite « On dîne sur la terrasse du Kursaal », avec des bruits de plats et de fourchettes s'entrechoquant, puis « Convegno di aeroplani e di automobili », avec des moteurs freinant et accélérant. Il crée ainsi des paysages sonores dans lesquels chaque bruit est reconnaissable, rapportent les chroniqueurs de l’époque. Cependant, en 1915, Russolo part comme volontaire à la guerre que le groupe futuriste considère comme le dernier épisode du Risorgimento. Il est gravement blessé et doit subir une trépanation.
De retour en 1916, il publie le volume L’arte dei rumori dans lequel il développe le contenu de son manifeste et dresse, dans un esprit systématique, la liste des bruits du langage, des bruits de la nature, etc. Il vit ensuite à Paris pendant de nombreuses années et y entame une relation sentimentale avec Fanny Hefter, qui émigrera ensuite en Israël. Il prépare trois concerts de bruiteurs au Théâtre des Champs-Élysées en juin 1921, mais tombe malade et les trois concerts sont dirigés par son frère Antonio Russolo. La même année, il écrit une longue lettre à Balilla Pratella car ce dernier veut utiliser ses bruiteurs pour la création de la pièce de Marinetti, Il Tamburo di fuoco (Le Tambour de feu), mise en scène de Karel Dostal, le 20 décembre 1923, au Stavovské Divadlo de Prague. Le 3 août 1921 à Paris, il dépose alors un brevet pour un Rumorharmonicus, qu’il définit comme « un appareil acoustique produisant, sous l’action d’un bruit quelconque, des sons dont la tonalité et le timbre sont définis ». Il avait déjà déposé un brevet pour un tout premier instrument en 1914, mais le fera ensuite systématiquement à partir de 1921. Plus tard, il tente de réunir les différents bruiteurs dans un seul appareil qu’il nomme le Rumorharmonium, dont Michel Seuphor dit qu’il nécessite d’être actionné par pieds et mains simultanément. Il obtient ainsi un contrat d’avant-garde avec le Studio 28, à Montmartre, qui lui permet d’improviser l’accompagnement sonore pour la projection de films. Tout au long de sa vie, Russolo échange des lettres avec ses amis créateurs, qu’ils soient futuristes comme Pratella ou Marinetti, ou musiciens comme Varèse. Il entretient également une correspondance avec Michel Seuphor à l’époque où, en 1929-1930, il participe aux réunions du groupe « Cercle et Carré ». S'il ne peint pas de tableaux abstraits, Russolo publie en 1938 un livre néoplatonicien, Al di là della materia, aux éditions Fratelli Bocca de Milan. Le volume est divisé en trois parties : « À la recherche du vrai », « À la recherche du beau » et « À la recherche du bien ». Il s’agit en fait d’un essai dans lequel deux personnages, Mani et Pirro, dialoguent sur des thèmes allant du spiritisme aux philosophies orientales, tout en s’intéressant aux expériences parapsychologiques. Cet ouvrage connaîtra une seconde édition illustrée par les dessins de l’auteur et publiée à 1000 exemplaires chez Luciano Ferriani Editore, sous la direction de sa veuve, Luciana Zanovello Russolo, en 1961. Russolo a révélé l’existence d’une musique des bruits, mais il reste surtout un grand expérimentateur qui improvisait vraisemblablement la majeure partie de ses créations. Il ne nous reste aucune partition.
Giovanni Lista
29/04/2025
Pour aller plus loin :
Giovanni Lista, Luigi Russolo e la musica futurista, Mudima Edizioni, Milan, 2009 (avec, en annexe, un choix de lettres écrites par L. Russolo).
Luigi Russolo, L’Art des bruits, préface de Giovanni Lista, éditions l’Âge d’Homme, Lausanne, 1975 (Première édition 1913).

| prénom | Luigi |
|---|---|
| nom | Russolo |
| année de naissance | 1885 |
| année de décès | 1947 |
| identique à | https://data.bnf.fr/fr/ark:/12148/cb13555070v# |
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Traduction d'ouvrage Français : L’Art des Bruits