Pauline Viardot (1821-1910)
Télécharger le PDF de la notice
Au XIXe siècle, peu nombreuses sont les femmes qui ont joui d’une renommée aussi étendue que celle de Pauline Viardot. Cette artiste polymathe à la fois cantatrice, compositrice, pédagogue, pianiste, salonnière, collectionneuse d’art et épistolière, a fait de la musique une arme de diplomatie culturelle, rassemblant autour de sa personnalité – dans ses salons et au fil de ses tournées – la quintessence de l’Europe musicale, artistique et politique de son temps.
Bien que le corpus des écrits publics de Pauline Viardot soit quasi inexistant, l’abondance de sa correspondance privée témoigne d’une importante activité rédactionnelle ayant accompagné l’artiste polyglotte tout au long de sa vie. À notre connaissance, Pauline Viardot semble n’avoir eu recours qu’à quelques reprises à l’écrit public et ce pour affirmer les préceptes de son enseignement. D’abord, en 1875, la professeure de chant exprime les raisons de son départ du Conservatoire de Paris dans une lettre de démission simultanément adressée au Directeur Ambroise Thomas et à la presse. Publiée notamment dans les colonnes de la Revue et Gazette musicale de Paris et du Ménestrel, cette lettre demeure la première prise de parole de Pauline Viardot dans la presse. Ensuite, en 1880, la pédagogue publie chez Heugel & fils une méthode de chant, Une heure d’étude : exercices pour voix de femme adoptés au Conservatoire National de Musique, qu’elle agrémente d’une série de recommandations à destination de ses élèves dans une brève page d’introduction. Enfin, dans les dernières années de sa vie, Pauline Viardot accepte d’évoquer ses souvenirs dans la presse, à l’exemple d’entretiens publiés dans Le Temps en 1900 et Le Gaulois en 1905, offrant au lecteur de précieuses anecdotes sur sa vie de famille et d’artiste.
Par contraste, les écrits privés de Pauline Viardot (correspondance, journaux, carnets de notes, etc.) sont particulièrement riches et d’un intérêt de premier plan pour les historien.nes et les musicologues. La correspondance de Pauline Viardot révèle tout d’abord le cosmopolitisme d’une artiste polyglotte – aussi à l’aise en français qu’en anglais, en allemand, en italien ou en espagnol – connectée aux différents cercles musicaux, intellectuels et politiques européens du XIXe siècle. Cette correspondance dévoile par ailleurs l’engagement politique et républicain du couple Viardot et véhicule de manière implicite les aspirations féministes de la grande amie de George Sand. Ses centaines de lettres principalement conservées au sein de fonds et collections de manuscrits localisés en Europe et aux États-Unis : les Papiers de Pauline Viardot XIX-XXe s. à la Bibliothèque nationale de France et le Fonds Viardot-Duvernoy à la Médiathèque du CNSMD de Paris, d’une part, et les collections Le Cesne Pauline Viardot Garcia Papers. 1836-1905 et Bonynge-Sutherland Pauline Viardot Garcia Additional Papers. 1838-1912 de la Houghton Library à l’Université de Harvard, d’autre part.
Bien que la grande majorité de ses lettres connues demeurent inédites à ce jour, l’édition partielle de la correspondance de Pauline Viardot avec Ivan Tourguéniev, George Sand, Charles Gounod, Julius Rietz et Clara Schumann a notamment permis d’apporter un éclairage nouveau sur l’agentivité de Pauline Viardot dans la vie musicale et culturelle du XIXe siècle. Les travaux d’Henri Granjard et d’Alexandre Zviguilsky retracent ainsi plus de quarante ans d’amitié artistique, littéraire et politique entre l’illustre écrivain russe Ivan Tourguéniev et le couple Viardot, et les recherches de Thérèse Marix-Spire mettent en lumière la relation quasi filiale entre Pauline Viardot et George Sand. Cette dernière correspondance, particulièrement féconde, dépeint les affres de la société parisienne des années 1840 et livre les questionnements artistiques, musicaux, politiques, sociaux et familiaux partagés par deux des plus grandes artistes du siècle. L’édition par Mélanie von Goldbeck de la correspondance entre Pauline Viardot et Charles Gounod établit de manière éclatante le rôle de mentor joué par la cantatrice dans la carrière du compositeur, ainsi que l’importance de leur collaboration artistique dans la genèse de l’opéra Sapho.
Ces dernières années, les projets d’édition de la correspondance de Pauline Viardot s’accélèrent. La correspondance entre Clara Schumann et Pauline Viardot, éditée par Désirée Wittkowski en 2020, révèle une amitié de près de soixante ans et plonge le lecteur dans l’univers musical et familial croisé des deux illustres artistes. La correspondance entre Pauline Viardot et le chef d’orchestre allemand Julius Rietz, éditée par Beatrix Borchard et Miriam-Alexandra Wigbers en 2021, est un monument tant par son ampleur (663 p.) que par le foisonnement d’anecdotes souvent inédites que Pauline Viardot livre à l’un des plus grands confidents de sa vie.
D’autres travaux notables comme les Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot, Maria Malibran s’intéressent aux écrits privés de Pauline Viardot. Entre 1977 et 2021, les Cahiers publient au fil de leurs trente-cinq numéros des lettres souvent inédites de ou à destination de Pauline Viardot : parmi ses correspondants passagers figurent Eugène Delacroix, Pavel Annenkov, Gustave Flaubert, Jean-Auguste-Dominique Ingres ou encore Jules Massenet. Dans son ouvrage biographique Pauline Viardot au miroir de sa correspondance publié en 2008, Michèle Friang propose une anthologie de lettres choisies pour faire voyager le lecteur au cœur de la sociabilité de Pauline Viardot et de l’univers intellectuel et artistique de son temps.
Depuis 2012, le catalogue en ligne de Christin Heitmann, Pauline Viardot. Systematisch-bibliographisches Werkverzeichnis (VWV) enregistre l’œuvre compositionnelle et éditoriale de Pauline Viardot et rend accessible un grand nombre de sources manuscrites et imprimées sous la forme d’une base de données en ligne. Il complète la seconde édition en ligne du catalogue The Musical Works of Pauline Viardot-Garcia (1821-1910) de Patrick Waddington et de Nicholas Zekulin, revue et augmentée, publiée en 2013 par l’Université de Calgary.
Thomas COUSIN
03/10/2023
Pour aller plus loin :
BRISSON Adolphe, "Promenades et visites", Le Temps, 6 janvier 1900, p. 2
FRIANG Michèle, Pauline Viardot, au miroir de sa correspondance, Paris, Hermann, 2008
GOLDBECK (von) Mélanie, Lettres de Charles Gounod à Pauline Viardot, Arles, Actes Sud, 2015
GRANJARD Henri, Quelques lettres d’Ivan Tourguénev à Pauline Viardot, Paris, EHESS, 1974
TOURGUÉNIEV Ivan, Lettres inédites à Pauline Viardot et à sa famille, édition établie par Henri Granjard et Alexandre Zviguilsky, Lausanne, L'âge d'homme, 1972
TOURGUÉNIEV Ivan, Nouvelle correspondance inédite. Introduction et notes par Alexandre Zviguilsky, 2 vol. Paris, Librairie des Cinq Continents, 1971 et 1972
ZVIGUILSKY Alexandre (dir.), Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot, Maria Malibran, Bougival, Association des Amis d’Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot, Maria Malibran (A.T.V.M.), 1977-2021
Publications (6)
6 résultats
-
Anthologie / Correspondance Pauline Viardot (1821-1910) - Lettres inédites de George Sand et de Pauline Viardot. 1839-1849.
-
Anthologie / Correspondance Pauline Viardot (1821-1910) - Pauline Viardot-Garcia. Julius Rietz. Der Briefwechsel 1858-1874