André Caplet (1878-1925)

Les écrits publiés ou destinés à la publication datent pour leur majorité d’après la Première Guerre mondiale. Le fait que Caplet n’ait pas fait de longues études générales (il travaille comme musicien d’orchestre dès son plus jeune âge pour aider sa famille) explique sans doute son rapport tardif et moins immédiat que d’autres compositeurs à l’écriture. Accaparé dans les années 1900 par la composition, la direction d’orchestre et les travaux d’orchestration, puis entre 1910 et 1913 par son poste de directeur musical à l’Opéra de Boston, et enfin par la guerre durant laquelle il remplit plusieurs fonctions en tant que musicien mobilisé, Caplet commence véritablement à écrire sur la musique à la fin de l’année 1918. Le musicien se fixe alors définitivement en France et réduit bientôt son activité de chef d’orchestre pour se consacrer plus pleinement à la composition.

Au lendemain de l’Armistice, Caplet enseigne la direction d’orchestre à l’École des Chefs de musique américains de Chaumont en attendant sa démobilisation. C’est là qu’il rédige et/ou rassemble plusieurs pages de notes et d’exercices destinées à ses élèves, mais aussi en vue de la publication d’un essai sur la direction d’orchestre, un projet qui restera inabouti. Dans les sept documents manuscrits qui composent ces « Principes d’orchestre » (Ms. 20390, BnF-Mus), Caplet consigne des réflexions techniques et esthétiques sur l’art du chef d’orchestre, une série de conseils et d’exemples musicaux ainsi que des schémas de battue. Deux autres manuscrits de la main de Caplet, moins importants, rassemblent respectivement des exercices rythmiques et des plans tonals d’œuvres.

Caplet est également l’auteur de neuf articles publiés dans Le Courrier musical où il officie de novembre 1921 à mars 1922. Ces comptes rendus des concerts de l’Orchestre Pasdeloup sont caractérisées par leurs considérations techniques – qu’il s’agisse des œuvres recensées ou de leur interprétation –, par un rejet général du répertoire du 19^e siècle et inversement d’un attrait pour des œuvres plus anciennes, mais aussi par une promotion de la musique contemporaine. Ce dernier élément fait écho à l’engagement plus général de Caplet en faveur de la création musicale. L’interprétation de la musique de son temps est en effet au cœur de sa pratique de chef d’orchestre. Il est par ailleurs cofondateur de la Société musicale indépendante (SMI) en 1910 et rejoint la Société Internationale pour la musique Contemporaine (SIMC) dès sa naissance en 1922.

Cet engagement prend un tour plus clairement politique lorsque Caplet publie avec Maurice Ravel, Roland-Manuel et Albert Roussel une lettre ouverte pour défendre Jean Wiéner dont les concerts sont violemment attaqués par Louis Vuillemin dans Le Courrier musical des 1^er janvier et 15 février 1923. Dans leur texte paru le 15 mars 1923, Caplet et ses trois collègues opposent au nationalisme conservateur et xénophobe de Vuillemin leur ouverture à la musique contemporaine de tous horizons, précisant que : « Les soussignés […] ne pensent en aucune façon comme lui au sujet des prétendus “concerts métèques” [...]. Ils se déclarent heureux d’avoir pu entendre, grâce à M. Jean Wiéner, le Pierrot lunaire d’Arnold Schoenberg et une série d’œuvres nouvelles, françaises ou étrangères, dont on peut discuter les tendances, mais non point l’intérêt ».

Il faut enfin mentionner l’article très personnel et poétique que Caplet consacre à Gigues de Debussy en novembre 1923. Transcripteur et relecteur des épreuves des Images, Caplet montre dans ce court texte sa profonde connaissance de la pièce de Debussy, mais aussi toute l’affection qu’il lui portait.

Cécile QUESNEY

28/02/2022

Pour aller plus loin

Philippe Cathé et Denis Huneau, « André Caplet-Charles Koechlin : un relation prometteuse trop vite interrompue », dans Denis Herlin et Cécile Quesney, dir. André Caplet, compositeur et chef d’orchestre, Paris, Société française de musicologie, 2020, p. 160-181.

Denis Huneau, « André Caplet critique musical », dans Denis Herlin et Cécile Quesney, dir. André Caplet, compositeur et chef d’orchestre, Paris, Société française de musicologie, 2020, p. 183-199.

Denis Herlin, « Transcrire et orchestrer : l’amitié d’André Caplet et de Claude Debussy », dans André Caplet, compositeur et chef d’orchestre, Denis Herlin et Cécile Quesney, dir., Paris, Société française de musicologie, 2020, p. 75-114.

Denis Herlin et Cécile Quesney, « André Caplet par lui-même » [édition de trois textes autographes de Caplet : 1. Journal (janvier-février 1907) 2. Caplet et son rapport au christianisme (ca 1924) 3. Notices autobiographiques], dans André Caplet, compositeur et chef d’orchestre, Denis Herlin et Cécile Quesney, dir., Paris, Société française de musicologie, 2020, p. 457-470.

Cécile Quesney, « “Principes d’orchestre”. Un manuscrit d’André Caplet », dans André Caplet, compositeur et chef d’orchestre, Denis Herlin et Cécile Quesney, dir., Paris, Société française de musicologie, 2020, p. 481-513.