Arthur Honegger (1892-1955)
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Arthur Honegger est l’auteur d’une production critique importante et diverse, sans avoir de propension à l’écriture littéraire. Huguette Calmel a rassemblé tous ses écrits en un volume de plus de 800 pages paru chez Champion en 1992. Ceux-ci sont ordonnés en quatre parties : 1) Les « contributions diverses » (300 pages) rassemblent des réponses à des enquêtes à son propos ou à propos de tel de ses confrères, des textes écrits à l’occasion de la création ou de l’audition d’une de ses œuvres, parfois des lettres ouvertes, enfin de la critique musicale journalistique, en particulier lors de sa collaboration à la revue Musique et théâtre de 1925 à 1926. Tout au long de sa vie, Honegger a ainsi publié des articles dans différents journaux ou revues spécialisés (Le Courrier musical, La Revue musicale, La Page musicale, L’Information musicale, Appogiature, Opéra, L’Opéra de Paris, Le Journal des Jeunesses musicales, le Journal musical français) ou généralistes (Chantecler, Candide, Le Mois ou Excelsior par exemple) ; 2) Les « Préfaces » à une dizaine d’ouvrages (une trentaine de pages) qui répondent à des sollicitations, à partir de la fin des années 1930, envers un compositeur célèbre ; 3) Les articles de critique musicale publiés dans l’hebdomadaire Comœdia, de 1941 à 1944. Ils représentent sa contribution la plus importante à la critique musicale journalistique (plus de deux cents pages) et serviront à constituer une anthologie publiée en 1948 sous le titre Incantation aux fossiles ; 4) Le volume Je suis compositeur (un peu plus de 100 pages), édité en 1951, composé à partir de la transcription et de la réécriture de ses entretiens radiophoniques avec le critique Bernard Gavoty.
Sa correspondance, assez abondante, mais dispersée et largement inédite, a donné lieu à trois publications : Lettres à ses parents (1914-1922), rassemblant 130 lettres ; Lettres à Suzanne Charlotte Agassiz (1942-1954) ; sa correspondance avec Paul Claudel dans la Correspondance musicale de ce dernier.
Pour Honegger, la critique musicale est totalement secondaire par rapport à la composition. Il ne considère pas que l’activité de compositeur doive se doubler d’un travail de théoricien ou de production métapoétique sur son œuvre : « Parler de la musique est toujours dangereux » (Comœdia, n° 1, 1941, repris dans Écrits, p. 373). Quand il parle de la sienne, c’est avant tout pour faciliter sa compréhension, de manière pédagogique, sans entrer dans des considérations trop techniques. Il ne cesse de mettre en doute l’intérêt des discours savants sur la musique et se moque de « la cohorte des musicographes pseudo-scientifiques [qui] déposent des études profondes, admirables, nébuleuses, absconses, dont la lecture reste incompréhensible au commun des mortels [, et qui sont] presque toujours atteints d’une surdité intérieure qui les rend insensibles à l’essence même de la musique » (« Lettre-préface », 1946, repris dans Écrits, p. 344). Lorsqu’il se fait lui-même critique musical, c’est toujours avec distance : « Je m’étais pourtant bien promis de rester le musicien qui n’écrit que de la musique », note-t-il dans son premier article de Comœdia, rappelant « les âneries » débitées par certains critiques qui leur ont seules permis de passer à la postérité (repris dans Écrits, p. 373). Outre les liens amicaux avec René Delange, directeur de la publication, les motivations financières ont sans nul doute été importantes lorsqu’il a accepté ce rôle de critique à Comœdia, pendant l’Occupation, alors que le cinéma avait pratiquement cessé de constituer pour lui une source importante de revenus.
Sa critique n’en est pas moins sincère et engagée, avec un vrai sens du verbe. Compositeur, il se positionne comme une autorité compétente face à un monde de critiques qu’il divise, de manière humoristique et provocatrice, en trois catégories : « 1° ceux qui ont un sens ou une sensibilité artistique, mais sont incompétents au point de vue technique ; 2° ceux qui sont compétents, mais n’ont pas de sens artistique ; 3° naturellement ceux qui n’ont ni sens artistique ni compétence technique. » (« Théâtre de musique », 1926, repris dans Écrits, p. 71). Sa critique se veut toujours compréhensive envers les œuvres et les créateurs, même si elle fait clairement entendre ses goûts. Pour lui, en 1949, outre Schönberg et Stravinsky, c’est Bartok, plus que Satie, qui « est le véritable représentant de la révolution musicale » post-debussyste (« Préface », 1949, repris dans Écrits, p. 353). Il se fait le préfacier du Traité d’harmonie tonale, atonale et totale de Nicolas Obouhov en 1947 mais prend clairement position, à la fin de sa vie, contre René Leibowitz : « les dodécaphonistes me font l’effet de forçats qui, ayant rompu leurs chaînes, s’attacheraient volontairement aux pieds des boulets de cent kilos pour courir plus vite… » (Je suis compositeur, 1951, repris dans Écrits, p. 716) ; il soutient en revanche les carrières, parfois chahutées, d’André Jolivet et, surtout, d’Olivier Messiaen. En fait, il reste attaché à la dimension expressive de la musique, contre l’abstraction d’une pure recherche sur le matériau sonore : « J’aime pleinement que la musique puisse se substituer aux autres formes d’art et je l’avoue, conscient du mépris que cela me vaudra auprès des puristes de la soi-disant “musique pure”, l’évocation d’une image visuelle par une combinaison sonore me paraît au point de vue artistique absolument licite. » (Comœdia, n° 1, 1941, repris dans Écrits, p. 375). De là le souci du public et d’une construction lisible : « [L’auditeur] veut avant tout “voir ce que cela représente”, qu’il s’agisse de musique aussi bien que de peinture. S’il peut suivre une idée fortement dessinée, il sera pris et son attention éveillée fera l’effort nécessaire. Si, au contraire, dès le début il perd le fil du discours, si celui-ci s’engage dans trop d’incidentes, l’auditeur abandonne la partie » (Comœdia, n° 36, 1942, repris dans Écrits, p. 452).
Lorsqu’il prend la plume, c’est toujours avec l’ambition d’être utile et de défendre les compositeurs modernes. Il faut « combattre le préjugé qui veut qu’une musique soit au moins centenaire pour être, sinon “comprise” – mot vide de sens du point de vue musical – du moins écoutée et goûtée. » (Comœdia, n° 1, 1941, repris dans Écrits, p. 374). Plutôt qu’une critique a posteriori des concerts, il cherche à encourager la curiosité du public pour toutes les nouvelles auditions, ne cessant de protester contre la frilosité de la programmation musicale où dominent toujours les mêmes œuvres et les mêmes répertoires. Il s’en prend aux chefs d’orchestre routiniers et aux solistes qui se servent de la musique au lieu de la servir : « ce n’est pas la musique qui compte, c’est la virtuosité de l’exécution » (Je suis compositeur, 1951, repris dans Écrits, p. 723). À la fin de sa vie, cette cause lui semble perdue : « La musique ne meurt pas d’anémie, mais de pléthore. Il y a trop de production, trop d’offre pour trop peu de demande. » Le compositeur n’a plus de place dans la société. Il pense assister à « la fin de notre civilisation musicale, qui ne fait que précéder de peu la fin de notre civilisation tout court. » (Je suis compositeur, 1951, repris dans Écrits, p. 724). Ce pessimisme foncier n’empêche pas une vraie pertinence de son regard sur la vie musicale de son époque.
Pascal LECROART
04/04/2019
prénom | Arthur |
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nom | Honegger |
année de naissance | 1892 |
année de décès | 1955 |
identique à | http://data.bnf.fr/12007137/arthur_honegger/ |
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Chapitre d'ouvrage Arthur Honegger (1892-1955) - "Préface" - 1953