Honegger
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Publié par Pierre Horay en 1953, l’unique ouvrage signé par Marcel Delannoy (1898-1962) est consacré au compositeur qui l’a pris sous son aile au début des années 1920 et avec lequel il a échangé tout au long de sa carrière : Arthur Honegger (1892-1955).
Delannoy termine une première version de cette biographie en 1947 au terme d’une période d’isolement consécutive aux mesures professionnelles et judiciaires dont il est l’objet en raison de ses compromissions sous l’Occupation. Les années d’après-guerre sont également difficiles pour Honegger : s’il n’est pas officiellement touché par l’épuration, ses œuvres disparaissent des programmes pendant plusieurs mois. Pour Delannoy comme pour Honegger cette biographie s’inscrit donc dans un contexte de tentative de reconquête d’une légitimité dans le milieu musical.
Préfacé par Honegger, le livre est organisé en six chapitres retraçant, œuvre après œuvre, les grands moments de la carrière du compositeur suisse jusqu’en 1953. Le premier chapitre (« Les prémices ») s’attache à la jeunesse du musicien, de la naissance au Havre (« de parents zurichois », p. 14) jusqu’au Groupe des Six, rencontre fortuite qui ne constitue qu’une étape dans la formation de son « identité composite » (p. 50). Le deuxième chapitre (« Sous le signe de Jupiter ») est centré sur les grands succès des années 1920, tandis que le chapitre suivant (« Ressac ») rend compte de la cristallisation d’un style mais aussi d’une plus difficile adhésion du public (fin des années 1920 et début des années 1930). Dans le troisième chapitre (« Évasion et contacts ») Delannoy examine la période allant des deuxième et troisième quatuors (1934) jusqu’à L’Aiglon (1937) et s’intéresse à la musique pour le cinéma et la radio ainsi qu’aux réalisations du Front populaire. Le quatrième chapitre (« L’accomplissement ») retrace une période de très grande reconnaissance (jusqu’à la Libération), de Jeanne au Bûcher (1938) à la Symphonie n°4 (1947). Enfin, les « Épilogues provisoires » rapportent les visites de Delannoy à Honegger de 1947 à 1953 et proposent un portrait du compositeur et de son catalogue au moment de la finalisation de la biographie.
Dans un style vivant et rythmé, Delannoy adopte tout au long de ce livre élaboré avec Honegger le point de vue d’un témoin et d’un collègue bienveillant. Il n’hésite pas à se mettre régulièrement en scène, par exemple lorsqu’il raconte sa rencontre avec le compositeur – qui lui a d’abord donné quelques cours – en citant son journal de l’époque. Le biographe décrit les œuvres d’Honegger avec précision et accompagne souvent ses commentaires de courts exemples musicaux. L’ouvrage contient également une liste des œuvres ainsi qu’une série de photographies (dont un « portrait récent » d’Honegger avec Delannoy lui-même). Auteur, narrateur et personnage secondaire de la biographie, Delannoy apporte un éclairage personnel sur les années d’Occupation et plusieurs passages témoignent d’une volonté de justifier publiquement son attitude. Il décrit par exemple ces « singulières années » comme le « sommeil somnambulique ouaté de musique et où ne parvinrent que très tard les cris des martyrs d’une impitoyable répression » (p. 193). La période qui suit la Libération, quelquefois rapprochée de l’après-1918, est évoquée avec une ironie amère, qu’il s’agisse du « grand lessivage de 1945 » (p. 75), des « excès » des jeunes musiciens (p. 54) ou du ridicule des « Snobs » qui savourent « d’un air averti la “musique sérielle” » (p. 63).
Lorsque la biographie paraît, Honegger écrit à Delannoy : « je suis très heureux de ce livre car c’est en effet le livre d’un musicien créateur sur un autre musicien créateur et cela lui donne une résonance que tout ce qui avait été écrit sur moi avant n’a jamais atteinte » (Lettre à Delannoy, 10 juin 1953, BnF). Francis Poulenc est du même avis : « Tout de même quand un musicien écrit sur un autre musicien cela vaut mieux qu’un musicographe » (Lettre à Delannoy, 17 juillet 1953, Poulenc, Correspondance, 1910-1963, éditée et présentée par Myriam Chimènes, Paris, Fayard, 1994, p. 755). Réédité en 1986 par la maison suisse Slatkine, le livre demeure une source régulièrement citée par les biographes d’Honegger.
Cécile QUESNEY
20/10/2017
genre | Biographie |
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éditeur | Pierre Horay |
lieu d'édition | Paris |
années d'édition | 1953 |
nombre de pages | 252 |
langue originale | français |
réédition d'ouvrage | |
compositeur |